Quelles interventions au Proche et Moyen-Orient ? (visioconférence)

Comment agir en Syrie, au Liban et en Irak ? Trois associations présentent leurs projets menés dans des contextes extrêmement difficiles : L’Œuvre d’Orient, Care et Fraternité en Irak. Au-delà de l’aide alimentaire et sanitaire d’urgence, l’éducation et la réconciliation entre communautés sont au cœur de la reconstruction.

Visoconférence le 15 avril 2021

« En Syrie, les communautés chrétiennes et musulmanes ont la volonté de reconstruire le pays ensemble. »

Pierre Sabatié-Garat, président de L’Œuvre d’Orient

Née en 1856, L’Œuvre d’Orient vient en aide aux communautés chrétiennes locales. Elle est présente dans 24 pays au Moyen-Orient, en Afrique de l’Est, en Inde et en Europe de l’Est.

Au-delà de l’aide alimentaire et sanitaire d’urgence, L’Œuvre d’Orient agit pour que ces communautés puissent rester chez elles et que leur place soit reconnue dans les sociétés locales. Ses actions se focalisent sur

  • l’éducation et la formation professionnelle,
  • la santé et l’action sociale,
  • le soutien à la vie des communautés : églises et patrimoine culturel.
Quelles actions sont menées actuellement en Syrie ?

Nous avons commencé à reconstruire les maisons, les écoles, les dispensaires. Nous avons rouvert des écoles, des centres de formation professionnelle, des centres pour personnes handicapées et personnes âgées. Nous soutenons 2 initiatives locales remarquables :

  • proposer à des jeunes une formation complémentaire d’un an, très concrète, pour les aider à entrer dans la vie active ;
  • aider de petits entrepreneurs à lancer des micro-activités professionnelles au sein de « hope centers« , qui leur procurent un accompagnement financier et administratif.

Ces initiatives donnent de l’espoir aux gens pour reconstruire. Sous les bombes, les communautés chrétiennes et musulmanes ont appris à se connaître et ont la volonté de reconstruire le pays ensemble.

« Je rends hommage à l’accueil des Libanais vis-à-vis des Syriens. »

Philippe Lévêque, directeur de Care France

Fondée en 1945, l’ONG internationale Care est l’un des plus grands réseaux d’aide humanitaire au monde. 

Care a pour mission de lutter contre la pauvreté et de défendre l’accès aux droits fondamentaux, notamment des femmes et des filles. Les projets sont menés à partir des demandes des communautés : santé, éducation, développement économique… Nous travaillons à développer les compétences locales pour leur passer le relais.

Aide d’urgence au Liban

Il y a actuellement environ un million de réfugiés syriens au Liban, sur une population de 4 millions d’habitants. Les Libanais ont ouvert leurs écoles : je rends hommage à leur accueil vis-à-vis des Syriens.

Depuis la pandémie, nous avons par exemple soutenu des femmes qui fabriquent des masques artisanaux, du gel, nous avons formé aux gestes barrières dans les zones rurales…

 

Nos équipes au Syrie et Liban sont dans un épuisement total, il est très difficile de les remplacer. Elles sont dans un grand isolement sur le terrain. Il est très compliqué d’envoyer des fonds car les banques sont dans un délire bureaucratique à cause de règles de conformité.

Nous apportons une aide d’urgence par la distribution de nourriture. Au départ, nous disposions de 20 000 € puis des fondations nous ont soutenus. Nous démarrons également un très gros projet d’agriculture dans la plaine de la Bekaa et au nord car les paysans ratent les saisons agricoles.

 


 

« Nous soutenons les minorités pour qu’elles jouent un rôle positif et apaisant pour la majorité. »

Faraj-Benoît Camurat, fondateur et directeur général 

Né en 2011, Fraternité en Irak a pour mission d’aider les chrétiens et les autres minorités de ce pays à vivre dignement chez eux.

Les chrétiens sont très reconnus en Irak pour la qualité de leurs écoles. Nous les avons aidé à construire une école à Kirkouk, qui accueille les enfants de toutes les communautés ; une école a également été ouverte à Bessorah et deux écoles pour les enfants yezidis déplacés. Les écoles ont été fermées presque un an à cause du coronavirus.

Nous soutenons les minorités afin qu’elles jouent un rôle positif et apaisant pour la majorité. Comment revivre ensemble dans la plaine de Ninive, alors que certains de vos voisins ont soutenu Daech ? La réconciliation ne se décrète pas, elle doit se vivre. Dans cet objectif, nous soutenons l’hôpital de Qaraqosh, dont les cadres sont principalement chrétiens, qui accueille tous les malades sans distinction. Nous soutenons aussi l’hôpital Saint-Raphaël de Bagdad. Un tiers des patients de cet hôpital, de toutes les communautés, sont soignés gratuitement.

Nous avons coconstruit notre programme de relance économique avec la fondation AnBer. Des microentrepreneurs reçoivent une somme pour lancer leur activité, composée à 80 % de prêts à taux 0 et à 20 % de dons. Nous avons aidé à recréer 366 emplois dans la plaine de Ninive, plus d’une centaine de petites entreprises dans le bâtiment, les services, l’agriculture.

La réconciliation est au cœur du sujet : se côtoyer, avoir à nouveau des échanges entre communautés.

Comment recréer du lien social pour lutter contre les solitudes ? (visioconférence)

7 millions de personnes souffrent d’isolement relationnel en 2020, soit 13 % des Français.

Le nombre de personnes isolées augmente chaque année et comprend de plus en plus de jeunes. La pandémie accroît la précarité, l’une des principales causes de l’isolement.

Depuis 2010, l’Observatoire de la Fondation de France conduit une étude annuelle sur les solitudes en France : Laurence de Nervaux, responsable de l’Observatoire, analyse les résultats de l’édition 2020.

3 associations présentent leurs actions pour lutter contre l’isolement dans toute la population (Astrée) ou chez des cibles spécifiques comme les agriculteurs (Solidarité Paysans) ou les adolescents (Maison des Adolescents).

 

Visoconférence animée par Cyril Maury, fondateur du fonds de dotation Après-Demain, vice-président d’Un Esprit de Famille

Laurence de Nervaux, responsable de l’Observatoire de la Philanthropie à la Fondation de France

Depuis 10 ans, l’Observatoire de la Fondation de France publie une étude annuelle sur les solitudes. Ces études mesurent « l’isolement relationnel objectif », qui diffère du sentiment de solitude : elles se concentrent sur les contacts des personnes de visu à travers 5 grands réseaux : la famille, les amis, les voisins, les collègues de travail et les activités associatives. Ces critères sont actuellement challengés par la pandémie.

Notre dernière étude relate une enquête sur le terrain réalisée sur 3000 personnes en janvier 2020, donc avant la pandémie.

  • L’isolement relationnel progresse fortement : 7 millions de personnes sont concernées, soit 14 % des Français en 2020 (10 % en 2010).
  • Les personnes âgées sont les plus concernées : 1 sur 3 est isolée.
  • La situation des jeunes est préoccupante : 13 % des jeunes sont en isolement relationnel en 2020, contre 2 % en 2010.
  • 22 % des Français n’ont qu’un seul réseau de sociabilité, le réseau amical étant le plus stable. Le réseau familial progresse, les réseaux de voisinage et associatif s’affaiblissent chaque année.

Les facteurs aggravants

  • La précarité mais les personnes qui disposent de hauts revenus sont désormais concernées : de 6 à 11 % de 2016 à 2020.
  • La santé : les malades limitent leurs contacts, notamment de peur d’être un poids pour leurs proches.
  • L’horizon de mobilité a un lien très direct avec l’isolement relationnel. Il se réduit à cause contraintes financières, de contraintes de santé, du temps de travail.

 

Quelles sont incidences de la crise du Covid sur l’isolement ?

Une enquête a été menée en mai et juin 2020, puis en janvier 2021.

  • Les personnes isolées ont moins mal vécu le premier confinement, le poids de la solitude étant partagé par tous. Le premier confinement a généré un sursaut de solidarité qu’il faut faire durer.
  • Comme la précarité augmente, l‘isolement, qui lui est fortement lié, augmente.
  • La communication à distance ne remplace pas la sociabilité de visu. Les personnes qui ont une forte sociabilité basculent plus facilement dans la communication à distance.
  • L’accoutumance à la restriction des liens sociaux peut générer une peur de l’autre : moins on se voit, moins on se fait confiance.
  • La distanciation sociale supprime les contacts intermédiaires : ainsi elle amoindrit notre capacité d’empathie et c’est une menace pour la cohésion sociale.

Astrée : rompre la solitude à tous les âges

Djelloul Belbachir, délégué général de l’assocation Astrée

Depuis plus de 30 ans, Astrée se donne pour mission de rompre l’isolement à tous les âges de la vie. On parle souvent du sentiment de solitude des personnes âgées mais les plus jeunes sont largement concernés.

Nous intervenons grâce à notre expertise de l’écoute personnalisée et de l’accompagnement relationnel. 700 bénévoles d’Astrée agissent dans 21 villes en France. Ils sont formés à l’écoute et s’engagent à suivre des groupes de régulation tous les mois pour débriefer des situations qu’ils rencontrent.

Astrée agit dans 3 directions :

  • Accompagner des adultes : le même bénévole accompagne la même personne dans la durée, 1 h 30 à 2 h par semaine. Les bénévoles deviennent des personnes de confiance. Les personnes accompagnées ont en moyenne 49 ans : 75 % sont des femmes, 86 % vivent seules et 60 % sont inactives. La solitude a des conséquences sociales et sanitaires : par exemple, 43 % des personnes qui se sentent seules consomment des psychotropes, contre 11 % pour l’ensemble de la population.
  • Accompagner 3000 jeunes :
    • Collégiens : « Attentifs aux autres » est notre programme de soutien par les pairs ; l’accent est mis sur l’accueil en 6è car cette transition est délicate.
    • Lycéens : des professeurs sont formés pour mettre en place des points d’écoute pour les jeunes.
    • Etudiants : nous favorisons la mise en relation de jeunes qui n’ont pas bénéficié d’intégration pendant la crise du Covid.
  • Faire avancer la cause : le sujet de la solitude est mal connu. Il faut briser le tabou : Les deux tiers des personnes qui vivent dans la solitude n’osent pas en parler. Nous avons lancé la journée nationale des solitudes le 23 janvier, notamment avec des spots télévisés qui ont un gros impact. Nous avons créé un kit de sensibilisation pour que chacun puisse agir à son échelle.

Solidarité Paysans : combattre l'isolement de familles d'agriculteurs et les soutenir pour résoudre leurs difficultés

Elisabeth Chambry, directrice de l’association Solidarité Paysans de Bretagne

Lutter contre l’isolement est un axe de travail important de notre association : il est prépondérant dans les difficultés que rencontrent les paysans que nous accompagnons. Solidarité Paysans de Bretagne fait partie du réseau Solidarité Paysans qui comprend 30 associations régionales.

En Bretagne, nous accompagnons chaque année 350 familles rurales, dont beaucoup de producteurs de lait : c’est un métier très prenant et difficile.

Les personnes en difficulté nous appellent, souvent pour une urgence, comme un huissier qui arrive. Nous gérons l’urgence puis déployons une approche globale. Plusieurs rencontres sont nécessaires pour établir un diagnostic partagé puis coconstruire un plan d’actions. Nous aidons les personnes dans les démarches, notamment administratives, qui peuvent être très lourdes.

Nous visons aussi une aide à la personne, affaiblie par des années de difficultés. Agriculteur est la profession qui connaît le plus fort taux de suicide. Nous aidons la personne à se reconstruire intérieurement et extérieurement pour qu’elle se mobilise dans l’objectif du redressement. Les accompagnements peuvent s’étaler sur plusieurs années.

Une famille est accompagnée par un salarié en binôme avec un bénévole qui a un rôle de pair – l’association compte 10 salariés et 120 bénévoles. Il y a aussi un portage collectif car les problématiques sont complexes et transverses : par exemple, la comptabilité n’est plus tenue, ce qui coupe également les droits sociaux et les crédits.

Quelles sont les causes des difficultés ? Les problèmes de santé sont une cause majeure. Également des problèmes de structures d’exploitation, familiaux, de financement…

Les partenaires de nos accompagnements sont les travailleurs sociaux, les services des conseils départementaux, la fondation Abbé Pierre pour le logement, diverses organisations agricoles…

Les freins rencontrés sont l’isolement et le manque d’information, le déni de la situation, la perte de confiance et de mobilisation, la peur d’être jugé.

Maisons des Adolescents : écouter et accompagner les jeunes en difficulté

Delphine Rideau, directrice de la Maison des Ados de Strasbourg et secrétaire générale de l’Association Nationale Maisons de Adolescents

110 Maisons des Adolescents existent en France depuis 2000 : ce sont des lieux d’écoute et d’accompagnement des jeunes de 11 à 25 ans, ainsi que de leurs familles et leurs proches. La deuxième cause de mortalité chez les adolescents est le suicide. Des ruptures de période sont difficiles à gérer, comme l’entrée en 6è et en 2è.

Les équipes des Maisons des Ados sont pluridisciplinaires, rassemblant professions médicales, paramédicales et travailleurs sociaux.

  • Le socle de l’activité est d’accueillir et accompagner par des entretiens individuels ; ils sont gratuits, sans formalité administrative, avec ou sans rendez-vous. L’anonymat est possible. La radicalisation est une tentation notamment quand on n’est pas écouté.
  • Les entretiens individuels, mais aussi des ateliers artistiques, sportifs ou culturels aident à exprimer des souffrances. Le cirque, le théâtre ou la photographie ont une composante thérapeutique.
  • Le troisième mode d’intervention en cours de développement est la mobilité, pour aller vers les jeunes. Beaucoup d’antennes existent dans des villes secondaires.
  • Un quatrième mode d’intervention est en développement sur les territoires numériques. C’est un formidable outil pour nous contacter de façon anonyme et entretenir des relations avec des jeunes qui vivent dans des zones rurales, entre des rendez-vous physiques.

Nous intervenons de plus en plus en milieu scolaire pour la prévention primaire : sexualité, addictions, famille, scolarité, thème particulièrement sensible depuis la crise sanitaire. Les jeunes ont beaucoup de difficultés à rester investis dans leur parcours scolaire, les décrochages sont difficiles à vivre pour eux et leur famille.

Notre projet des ambassadeurs de La Maison des Ados de Strasbourg est soutenu par la Fondation de France : des étudiants en travail social ou psychologie sont ambassadeurs de la Maison des Ados sur les réseaux sociaux, dans la logique des pairs aidants.

Brik’école est un projet de solidarité pour les décrocheurs scolaires. Il n’existe pas de solution pour des grands décrocheurs dans l’Education Nationale. Nous avons un projet de scolarité adaptée, avec ateliers et soins.

Le réseau VIRAGE prévient la radicalisation de jeunes isolés et décrocheurs qui sont des proies pour les mouvements idéologiques radicaux et parfois violents. Le transgénérationnel est un bon outil de prévention et de prise en charge des jeunes en dérive radicale : l’échange avec des personnes de la génération des grands-parents est souvent plus porteur qu’avec la génération des parents.

La solitude est un phénomène lié à l’évolution des sociétés occidentales : individualisation des modes de vie, défiance envers les institutions, développement des sociabilités virtuelles… Les pays du Sud de l’Europe connaissent plus de sociabilité familiale qui sont des réseaux très résilients, pour toute la vie.

Sortir les jeunes de la pauvreté par la Dotation d’Action Territoriale (visioconférence)

Visioconférence le 8 mars 2021

 

« Je crois profondément au déterminisme social mais je crois aussi profondément en la force de l’humain » (pour sortir de ce déterminisme). Dans cet état d’esprit, Bruno Lajara a fondé l’Envol, l’une des associations « pépites » soutenues par la fondation Break Poverty. Break Poverty a créé le dispositif de Dotation d’Action Territoriale (DAT) pour identifier et soutenir les associations les plus pertinentes qui luttent pour « un monde où les enfants pauvres ne deviennent pas des adultes pauvres. »

Les acteurs de la DAT qui s’expriment dans cette table ronde montrent comment Break Poverty façonne des alliances territoriales avec les entreprises, les pouvoirs publics et les associations pour lutter plus efficacement contre la pauvreté.

Denis Metzger, président fondateur de Break Poverty Foundation : la France est l’avant-dernier pays de l’OCDE en matière d’égalité des chances, c’est un drame national. Je trouvais qu’il y avait un déficit d’analyse de la cause de ce problème : c’est pourquoi, avec des amis, nous avons créé Break Poverty Foundation en 2017. Break Poverty est un think tank et un acteur grâce à son équipe opérationnelle qui identifie les projets les plus pertinents pour les faire changer d’échelle. Le déterminisme social se créée avant 3 ans ; l’écart se creuse au collège et devient encore plus béant au moment de la recherche d’emploi. Nous avons donc concentré nos efforts sur 3 axes : la petite enfance, la lutte contre l’échec scolaire et l’accès au premier emploi.

Break Poverty fait appel à la générosité des entreprises et fondations locales qui veulent traiter ces problèmes sur leur territoire. Les pouvoirs publics sont toujours très présents et leur abondement est multiple, par l’incitation fiscale et des subventions. Nous avons mené trois projets pilotes : notre objectif était de toucher 1000 jeunes à Romans-sur-Isère, ainsi qu’à Béthune ; à Nantes, nous ciblons une population de 10 000 jeunes. Notre ambition dans les deux prochaines années est de toucher 100 000 jeunes dans 50 territoires.

Comment Break Poverty agit sur le terrain ?

  • En mobilisant toutes les parties prenantes car la pauvreté a des racines sociales, psychologiques, économiques…
  • En créant des alliances territoriales nécessaires pour résoudre les problèmes au niveau local.
  • En mettant l’accent sur la culture du résultat.

Bruno Lajara, fondateur et directeur général de l’Envol

Que faire quand on voit son territoire du Pas-de-Calais s’enfoncer, la jeunesse manquer de perspectives et de vision d’avenir ? J’ai créé l’Envol, Centre d’Art et de Transformation sociale qui s’adresse à la jeunesse NEET (Not in Education, Employment, Training) de 16 à 25 ans : je suis convaincu que l’art et la culture apportent une plus-value pour sortir de forts traumatismes.

L’Envol est une structure d’innovation sociale et d’expérimentation. Sa méthode est « la classe Départ« , mise en œuvre depuis 2015 à Arras, puis à Béthune, à Lyon en 2019. Nous allons essaimer dans les Yvelines, à Avignon et Roubaix. Ce dispositif travaille sur 3 volets.

  • L’art comme moyen d’expression : pendant sept mois de service civique, les jeunes expérimentent des pratiques artistiques qui les aident à s’exprimer et avancer.
  • Monter des projets citoyens avec eux : comment peuvent-ils agir dans leur territoire ?
  • Ecrire avec eux leur projet de vie : quels sont leurs objectifs ? Trouver un logement, enclencher une formation, l’Ecole de la Deuxième Chance, rencontrer des entrepreneurs…

Depuis 2015, l’Envol a accompagné plus de 120 jeunes, avec 75 % de sorties positives. La fondation Break Poverty a permis à l’Envol de changer d’échelle, de stabiliser l’emploi dans l’association. Le maillage avec les entreprises du territoire améliore le placement de nos jeunes bénéficiaires. Break Poverty nous fait gagner du temps et améliore notre impact.

 

Rodolphe Dumoulin, Haut-Commissaire à la prévention et la lutte contre la pauvreté dans les Hauts-de-France

Dans chaque région, un commissaire met en œuvre la stratégie nationale de prévention et lutte contre la pauvreté, lancée par le Président de la République en 2018. La pauvreté commençait à reculer en 2019, notamment sous l’impact de la revalorisation de la prime d’activité, qui a quasiment fait disparaître les situations où le retour à l’activité n’était pas encouragé par le système social. Mais la crise sanitaire est un accélérateur du décrochage des jeunes et des demandeurs d’emploi.

Dans les Hauts-de-France, Break Poverty est un catalyseur des réponses publiques et privées. Des ressources publiques et privées font bouger les lignes mais cela va bien au-delà du financement : nous testons des approches innovantes que les institutionnels ne peuvent absorber par manque d’agilité. Il faut que des acteurs privés osent prendre des risques. Nous mutualisons nos différents leviers pour innover ensemble dans l’accompagnement des personnes. Je crois que la société a toujours précédé les pouvoirs publics en matière sociale.

Adrien Baudet, directeur de Koreis, conseil et recherche en impact social

Adrien Baudet, directeur de Koreis, conseil et recherche en impact social

Break Poverty a mis en place un dispositif ambitieux de mesure des impacts de la DAT : un logiciel de suivi des actions et des enquêtes annuelles auprès des entreprises et associations partenaires pour appréhender les retombées de l’action de la DAT. Plusieurs publications sont prévues pour évaluer la progression, de 2021 et 2023 : les actions de prévention de la pauvreté ne peuvent s’apprécier que sur un temps long.

Les données du rapport 2021 ont été collectées dans les 3 territoires pilotes : Nantes, Béthune, Romans-sur-Isère. Les premières conclusions sont très positives.

  • 3000 jeunes bénéficiaires ont été accompagnés dans le cadre de la DAT. 84 % d’entre eux connaissent une évolution positive de leur parcours de vie : diplôme, qualification, emploi…
  • La DAT permet aux associations de renforcer leurs capacités à agir, à se consolider (30 000 € par an, nouveaux mécènes, recrutements, changement d’échelle…) ; 80 % des associations disent que la DAT leur permet de mieux accompagner leurs bénéficiaires.
  • Démocratisation du mécénat social : près d’un tiers des entreprises et philanthropes ont donné pour la première fois dans le cadre de la DAT ; plus de 70 % des entreprises donatrices sont des TPE et PME. La DAT facilite la mise en place du mécénat social, l’identification et l’impact des projets soutenus.

Valérie Daher, directrice de Break Poverty Foundation

Nous associons au diagnostic les entreprises, les acteurs publics, les associations pour comprendre les enjeux du territoire. Les partenaires du dispositif DAT s’engagent sur 3 ans pour que les associations sélectionnées aient des moyens et de la visibilité. A Romans-sur-Isère, nous en sommes à la fin de la 3è année de la DAT : le dispositif sera pris en mains par la mairie. Dans le cadre de cette passation, de nouveaux projets pourront être soutenus dans les 3 prochaines années.

Nous avons ouvert la Digitale Académie à Romans-sur-Isère, un campus universitaire connecté pour suivre des études supérieures dans la ville : elle connaît un très fort taux de décrochage après le bac car les jeunes peuvent difficilement aller étudier dans des villes universitaires. La Digitale Académie intéresse aujourd’hui beaucoup d’autres municipalités.

Avec la crise du Covid-19, notre engagement auprès des jeunes est plus nécessaire que jamais. L’année dernière, les associations ont été aidées par des dons spécifiques pour répondre à l’urgence sanitaire.

Un programme de formation est à la disposition des acteurs qui souhaitent s’engager dans une DAT.
Les délégués régionaux de Break Poverty accompagnent gratuitement la mise en place de la DAT.

dat-france.org

Femmes en grande précarité : quel accompagnement ?

Elles sont difficiles à dénombrer : 64 000 femmes sont en grande précarité en France (chiffre de 2012) ; ce nombre a considérablemeent augmenté avec la crise du covid-19. Or, le 115 (Samu social) ne dispose que de 24 places par jour pour les femmes. 4 structures spécialisées dans l’accompagnement des femmes en grande précarité ont présenté aux membres d’Un Esprit de Famille leurs actions d’accueil, d’hébergement, de réinsertion sociale, médicale et professionnelle. Accompagnées, la vie de ces femmes peut changer.

 

Visoconférence animée par Crama Trouillot du Boÿs, fondatrice de la Maison des Marraines, administratrice d’Un Esprit de Famille

Fondation Lecordier : pas d'injonction à l'insertion, l'accès à l'autonomie est déjà un immense progrès

Agnès Lecordier, cofondatrice et présidente de la fondation Lecordier

Dédiée aux femmes seules en grande précarité, la fondation Lecordier a été créée en 2008 par mes deux sœurs et moi-même. Elle est abritée par l’Institut de France.

Cette population est très difficile à dénombrer. En 2012, 40 % des SDF étaient des femmes, soit 64 000 femmes sans abri en France. Les chiffres ont explosé avec le covid-19. Leur espérance est de vie est de 46 ans.

Quel a été leur parcours de vie ? Des jeunes femmes sortent de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) à 18 ans et se trouvent à la rue sans aucune ressource (30 % des SDF sont passés par l’ASE) ; des travailleuses précaires, des femmes âgées non déclarées en tant que conjoint travailleur, celles qui ont travaillé au noir, des femmes atteintes de maladies psychiatriques non soignées sont le public de la rue.

Les logements sociaux ne sont plus adaptés à l’évolution de la société française : 35 % des ménages français ne comprennent qu’une seule personne mais seulement 5 % des logements sociaux sont de petite taille, non destinés aux familles.

La fondation Lecordier ne finance pas de lieux mixtes, souvent sources de violences pour les femmes. Pour nous, il est important que les femmes soient hébergées et accompagnées par d’autres femmes. Nous ne finançons pas non plus de lieux avec des enfants. Souvent, on a retiré leurs à enfants à des femmes, ce qui peut créer de fortes tensions entre elles.

Notre mission n’inclut pas d’injonction à l’insertion : ces femmes sont épuisées. Il faut prendre le temps de l’accompagnement pour qu’elles s’apaisent et, ensuite, construisent leur projet d’insertion. L’accès à l’autonomie est déjà un immense progrès.

La fondation Lecordier a accompagné plus de 15 associations dans le développement de nouvelles actions depuis 2008, pour un montant de plus de 2 millions d’euros : hébergements, mises à l’abri d’urgence, repas, actions de santé et d’hygiène, de réinsertion. Nous sommes fidèles à nos associations partenaires. Nous préférons soutenir de petites structures qui mènent des actions de terrain ciblées. La Fondation mène également des actions de sensibilisation auprès des pouvoirs publics.

Agir pour la Santé des Femmes : la santé, porte d'entrée de l'accompagnement

Nadège Passereau, déléguée générale ADSF – Agir pour la santé des femmes

Créé en 2001, l’ADSF est spécialisé dans la santé et l’accès aux soins des femmes en grande précarité. Ces femmes de tous âges ont été victimes de violences, d’exploitation sexuelle, d’addictions ; elles ont des souffrances psychiques non traitées. Elles ont des problèmes nutritionnels, physiologiques mais ne savent pas où se soigner.

Notre démarche est d’aller vers elles avec un camion médicalisé. Notre équipe mobile comprend des sages-femmes, des psychologues. Nous intervenons dans les gares, le métro, le bois de Vincennes, dans les hébergements d’urgence, en Ile-de-France et à Lille. Nous faisons intervenir des femmes repères, issues du public visé : elles sont un maillon fort de l’accompagnement.

Ensuite, nous leur proposons un accueil, un abri et un accompagnement adaptés, à partir d’un diagnostic de santé global : bilan de vie, souffrances psychiques et physiques. Elles peuvent participer à des groupes de parole. Elles construisent leur projet, à leur rythme.

On cherche aujourd’hui à proposer de petits lieux d’accueil disséminés par rapport aux grands centres car ces femmes errent beaucoup. La mobilisation est forte depuis 2 ans pour ouvrir des centres d’accueil dédiés aux femmes mais les travailleurs sociaux ne sont pas formés à leurs spécificités. Quand elles arrivent dans nos structures, plus de 60 % d’entre elles demandent d’accéder à un médecin.

Entre 20 et 30 % des femmes suivies ont un bon niveau d’éducation : jeunes filles très diplômées qui ont vécu des violences, femmes migrantes… Dans le cas de violences, ce sont souvent les femmes qui perdent leur logement. De nombreuses jeunes filles étudiantes demandent de l’aide depuis le covid-19, qui a des répercussions dramatiques pour elles.

L’association salarie des professionnels médicaux, psychologues et travailleurs sociaux ; 70 bénévoles professionnels médicaux et psychologues interviennent également.

Claire Amitié : l'amour avant le social

Augustin de Montalivet, président de Claire Amitié France

Claire Amitié accueille, accompagne et forme des jeunes femmes en difficulté pour qu’elles deviennent actrices de leur vie et prennent leur place dans la société.

Depuis 1946, Claire Amitié gère en France des maisons qui hébergent des jeunes femmes en grande détresse et précarité. Elles y vivent comme dans une famille, accompagnées par des animatrices. L’association s’est ensuite développée à l’international : des foyers ont ouvert en Afrique francophone, au Cambodge et au Brésil.

Claire Amitié accueille environ 2 300 personnes par an, en France et à l’international. En France, Claire Amitié gère 500 places d’hébergement : les jeunes femmes, avec ou sans enfants, vivent dans des CHRS (Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) ou des Centres maternels, avec les enfants les plus jeunes.

Isabelle Godet, directrice générale de Claire Amitié France 

Nous avons en premier lieu la volonté de porter un regard bienveillant et personnalisé sur chaque femme pour l’aider à grandir, avec la certitude que sa vie peut changer. Chacune a en elle les capacités de son développement pour devenir libre et responsable. Notre approche essaie d’englober toutes les dimensions de la personne. Notre intention première est que l’amour précède le social.

Pour accompagner quelqu’un, il faut l’approcher, prendre le temps de le connaître au-delà d’un dossier qui nous est envoyé et acquérir la juste distanciation.

Nous essayons de nous situer en amont des grosses difficultés par un accompagnement social resserré pour que les jeunes femmes ne tombent pas dans la grande précarité. C’est pourquoi certains établissements sont dédiés à des jeunes de 18 à 25 ans, qui ne touchent pas le RSA. Nous avons aussi ouvert des services qui accueillent les 16 à 21 ans. Elles sont logées et apprennent à se prendre en charge : tenir un logement, cuisiner, travailler, se soigner, gérer les relations avec les autres… et nous aimons beaucoup faire la fête dans les établissements !

Une fois l’accompagnement terminé, la maison reste la famille des jeunes femmes qui ont été hébergées.

Pour les situations d’urgence, nous avons aussi ouvert des places hivernales pour des femmes avec enfants et des femmes isolées.

La Maison des Marraines pour des jeunes filles autonomes qui peuvent et veulent s'en sortir rapidement vers une formation ou un métier

Crama Trouillot du Boÿs, fondatrice et présidente du fonds de dotation Imapala Avenir, pour le projet La Maison des Marraines

La Maison des Marraines accueille depuis deux ans des jeunes femmes sans enfant, issues de l’ASE. A 18 ans, elles n’ont plus de dispositif d’accompagnement, sauf la Garantie Jeunes dans certains départements. La Maison des Marraines assure la continuité du parcours pour empêcher le passage à la rue. Nous hébergeons aussi des jeunes en très grande souffrance, victimes de violences, qui ne viennent pas de l’ASE.

La Maison des Marraines propose à ces jeunes de 18 à 25 ans un hébergement de 3 mois renouvelables, avec un accompagnement social et professionnel. La Maison des Marraines s’adresse donc à des jeunes autonomes qui peuvent et veulent s’en sortir rapidement vers une formation ou un métier.

5 Maisons des Marraines sont ouvertes depuis 2018, 3 en Ile-de-France et 2 dans les Hauts-de-France. Elles hébergent 75 personnes.

Notre partenaire l’AFPA (Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes) met à notre disposition des logements vacants. La jeune fille bénéficie de l’ensemble des services de l’AFPA : cantine, formation professionnelle, accompagnement social. Un accompagnement renforcé vers l’emploi ou la formation professionnelle est assuré soit par L’Ecole de la Deuxième Chance en Ile-de-France, soit par les missions locales dans les Hauts-de-France.

Nous proposons également l’accompagnement d’une marraine « hors les murs », extérieure au dispositif, qui va aider la jeune fille à créer du lien social. Pendant le confinement, les jeunes se sont retrouvées toutes seules dans leur chambre, sans lien social. Ce lien de la marraine leur a permis de tenir dans l’isolement.

Justin Vaïsse : « L’édition 2020 du Forum de Paris sur la Paix a permis de progresser sur certains sujets majeurs »

Visioconférence le 8 février 2021

 

Du 11 au 13 novembre 2020, le Forum de Paris sur la Paix a rassemblé (via une plateforme numérique) plus de 12 000 participants représentant 174 nationalités. Avec quels objectifs et pour quels résultats ? Justin Vaïsse, son fondateur et directeur général, relate la genèse, les méthodes et les actions menées par cet organisme indépendant de gouvernance mondiale.

Le Forum de la Paix est né en 2018 d’une contradiction. De plus en plus de défis et problèmes communs ignorent les frontières : le climat, la santé, la corruption, la gestion des flux migratoires… Mais la coopération internationale décroît : l’ONU est de moins en moins efficace, la montée des populismes fait reculer le multilatéralisme… Les besoins de coopération croissent mais les moyens qui y sont consacrés diminuent.

Restaurer une gouvernance mondiale

L’ambition du Forum de Paris est de consolider les piliers de la paix. Il réunit chaque année les Etats et tous les acteurs de la société civile : ONG, associations, universités, experts, fondations, syndicats…  Il est

  • une rencontre pour avancer sur la coordination internationale : 6000 participants en 2018, plus de 12 000 en 2020 et 174 nationalités représentées ;
  • un acteur qui accompagne des projets sélectionnés : ils apportent des solutions dans les domaines du développement, des nouvelles technologies, de l’économie inclusive, de l’éducation, la culture… 100 projets sont choisis chaque année sur 800 candidatures venues du monde entier. 10 projets font l’objet d’un suivi particulier par le Scale-up Committee.
Deux grands domaines d’action
  • La gestion des espaces communs : l’espace, les océans, les pôles, le climat, la biodiversité, l’espace numérique…
  • L’apport de solutions concrètes aux problèmes communs : migrations, commerce…

La première édition a eu lieu le 11 novembre 2018. L’édition 2020 s’est déroulée via une plateforme numérique ; elle a permis de progresser sur certains sujets majeurs.

  • La distribution des vaccins, déclarés bien public mondial. Toutes les parties prenantes étaient présentes : les Etats, le Wellcome Trust britannique, la fondation Gates, le Gavi (l’Alliance du Vaccin), des laboratoires, le Serum Institute of India (plus gros producteur mondial de vaccins)… Ce fut un moment important pour faire avancer le dispositif de distribution des vaccins (COVAX) et freiner le nationalisme vaccinal.
  • La première rencontre des banques publiques de développement : 400 banques étaient présentes, qui représentent environ 10 % de l’investissement mondial. Elles ont notamment pris des engagements climatiques et sur la santé.
  • Lancement d’une réflexion sur le monde post-covid avec des Etats et le FMI : profiter de la crise pour déboucher sur de nouveaux principes d’action.

En 2021, les questions de santé resteront centrales, ainsi que les questions climatiques : le Forum sera contemporain de la COP26 qui devrait se tenir à Glasgow en novembre.

La gouvernance des espaces communs est aussi d’actualité :

  • la gestion de l’environnement spatial : des centaines de satellites sont lancés chaque année ; il n’existe pas de gouvernance de l’espace ;
  • l’espace numérique doit être régulé : les plateformes créent des dommages à la démocratie, aux ressources fiscales des Etats, au partage des données individuelles et collectives.

Fondateur et Directeur général du Forum de Paris sur la Paix, Justin Vaïsse a dirigé le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Ministère des Affaires étrangères français pendant six ans, de 2013 à 2019. Auparavant, il était directeur de recherche à la Brookings Institution de Washington (2007-2013) où il travaillait notamment sur les relations transatlantiques et la politique étrangère européenne. Historien spécialiste des Etats-Unis et des relations internationales, il a notamment enseigné à Sciences Po et à SAIS (Johns Hopkins University). Justin Vaïsse est l’auteur de nombreux articles et d’une dizaine d’ouvrages traduits en plusieurs langues. 

Le Forum de la Paix est une association fondée par 10 organisations du Nord et du Sud qui en dessinent la trajectoire, dont 4 françaises : l’Ifri, Sciences Po, l’Institut Montaigne, le Quai d’Orsay. Le budget annuel s’élève 6 millions €. Des fondations partenaires du Forum assument 45 % de ce budget : fondations américaines, allemandes, fondation Calouste Gulbenkian, fondation Chanel… 8 % du budget provient du ministère des Affaires étrangères.

L’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés – Un cas d’école : les Plombiers du Numérique

Les Plombiers du Numérique :

l’insertion des jeunes non qualifiés, un cas d’école

Visioconférence le 1er février 2021
animée par Florian du Boÿs, fondateur du fonds de dotation Impala Avenir et des Plombiers du Numérique 

Plus d’un million de jeunes en France étaient considérés comme NEET (Not in Education, Employment or Training) avant la crise du covid-19. La situation s’est encore aggravée. Les politiques d’insertion se sont multipliées depuis 40 ans, avec peu d’efficacité. En quoi innovent les Plombiers du Numérique, formation par le geste non diplômante ?
Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises rattaché au ministère du Travail, Nadège Vezinat et Nicolas Duvoux, sociologues spécialistes de la pauvreté en France apportent leurs points de vue. Alain Le Mell, Secrétaire général de l’association Impala Avenir Développement, expose les spécificités des Plombiers du Numérique.

Les Plombiers du Numérique reposent sur trois piliers : une formation par le geste non diplômante, en entreprise, avec accompagnement social

Alain Le Mell, Secrétaire général de l’association Impala Avenir Développement

Les Plombiers du Numérique, ce sont 18 écoles ouvertes depuis 2017 ; 3 sur le métier de technicien data center, 15 dans le secteur de la fibre optique. Le taux de sortie positive (jeunes en emploi à l’issue de la formation) s’élève à 70 %.

Ce dispositif d’insertion pour les jeunes actifs non occupés repose sur 3 piliers :

  1. un dispositif court (3 à 4 mois) avec accompagnement social pour placer les jeunes dans des conditions favorables à une formation ;
  2. une formation par le geste pré-qualifiante non diplômante dans des métiers du futur : la fibre optique, les data centers ; pas de notes ni de diplôme, on délivre une attestation de compétences ;
  3. les jeunes suivent des stages en entreprise, la plupart ne connaissant ni les métiers ni le monde de l’entreprise.

 

 

Les écoles fédèrent un ensemble d’acteurs sur chaque territoire ; l’association Impala Avenir Développement assure l’ingénierie du projet.

  • Les partenaires industriels prennent les jeunes en stage.
  • Les mécènes financent les plateaux techniques (60 à 80 000 € pour chaque école) : financeurs publics, fonds de dotation Impala Avenir, collectivités locales.
  • Les opérateurs de compétences (OPCO) financent la formation professionnelle.
  • Les porteurs de projet, acteurs de l’insertion, accompagnent les jeunes : les Apprentis d’Auteuil, les Ecoles de la Deuxième Chance…

L’espoir est mobilisateur

Nadège Vezinat, Maître de conférences (URCA-Regards), sociologue de l’action publique

Les interviews des stagiaires mettent en valeur les caractéristiques et les bénéfices de la formation.

  • Le rapport au geste est très positif : il se différencie de mauvais souvenirs scolaires.
  • La formation est courte mais les jeunes la vivent comme longue : ils ont souvent enchaîné des stages d’observation d’une semaine. 4 mois sur une même thématique, dans une dynamique de groupe (8 jeunes sont formés ensemble) contribue à les stabiliser.
  • Les perspectives d’emploi sont réelles. Des entreprises les accueillent, ils sont considérés : c’est déterminant. L’espoir est mobilisateur.

Le rôle des prescripteurs est essentiel pour que le jeune atterrisse dans le bon dispositif qui lui fournit une réponse globale personnalisée : logement, mobilité (permis de conduire), santé…

Dispositifs d’insertion et entreprises se rencontrent rarement. L’association Impala Avenir Développement est un médiateur actif.

L’école des Plombiers du Numérique met la société française face à ses contradictions

Nicolas Duvoux, Professeur en sociologie, Philanthropy & Social Sciences Program (PSSP)

Il existe en France un foisonnement d’initiatives d’insertion autour de deux politiques.

  • La formation professionnelle et continue s’adresse d’abord aux salariés en emploi. Elle se coule dans un moule scolaire, donc non adapté aux jeunes décrocheurs. Les Plombiers du Numérique les font entrer directement dans le concret, auprès d’employeurs.
  • Depuis 40 ans, les politiques d’insertion sont destinées à ramener les gens vers la société, en levant des freins périphériques. Mais elles sont souvent déconnectées du monde de l’entreprise.

Le dispositif des Plombiers du Numérique met la société française face à ses contradictions :

  • l’école fonctionne à la reproduction sociale, le lien est fort entre origine sociale et obtention de diplômes ;
  • le poids des diplômes est très important dans les parcours de vie, le lien est fort entre formation initiale et statut d’emploi.

Aider des personnes à développer leur potentiel mais aussi sensibiliser les entreprises, la société à l’inclusion

Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises rattaché au Ministère du Travail

Chaque jeune a sa situation particulière, son histoire particulière, sur son territoire particulier. Il faut orienter et coordonner tous les dispositifs vers les besoins du jeune : d’où le portail 1jeune1solution.

Le plan 1jeune1solution s’appuie sur plusieurs leviers.

  1. Aider financièrement les employeurs à recruter des jeunes.
  2. Réformer la formation professionnelle pour la réorienter vers ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d’emploi et les NEETs. 200 000 formations supplémentaires sont financées en 2021.
  3. Promouvoir le service civique : les jeunes s’y sentent utiles et entendus ; ils y développent leurs compétences.
  4. Repenser l’accompagnement pour tous les jeunes qui cherchent un emploi.

Il sera nécessaire de mesurer l’impact et l’adéquation aux besoins des jeunes de toutes ces offres de services.

Le service public de l’insertion connecte les conseillers d’insertion avec les offres d’emploi sur leur territoire. 2 500 contrats de travail ont été signés la semaine dernière.

Le rôle des fondations dans l’inclusion est important :

  • elles innovent, proposent une nouvelle approche ; pour changer d’échelle, il faut une hybridation avec la ressource publique.
  • Il serait intéressant que les fondations travaillent plus sur l’ingénierie que sur des projets, par exemple sur les coopérations. On a tendance à valoriser l’idée plus que l’impact.
  • Utiliser la dimension open source : ce qui est réalisé par les Plombiers du Numérique peut être répliqué par d’autres structures. Comment unir les forces et mutualiser ?

L’inclusion, c’est réconcilier la dimension humaine avec la performance économique ; c’est aider des personnes à développer leur potentiel mais aussi sensibiliser les entreprises, la société à l’inclusion.

Il faut lever les freins posés par l’héritage culturel de la « diplômite » dans notre monde moins linéaire, où savoir s’adapter est essentiel. Qui sont les personnes, quelles sont leurs compétences ? Ce sont les données intéressantes.

Pour en savoir plus : L’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés – Un cas d’école,
par Nadège Vezinat et Nicolas Duvoux.

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