Quelles interventions au Proche et Moyen-Orient ? (visioconférence)

Comment agir en Syrie, au Liban et en Irak ? Trois associations présentent leurs projets menés dans des contextes extrêmement difficiles : L’Œuvre d’Orient, Care et Fraternité en Irak. Au-delà de l’aide alimentaire et sanitaire d’urgence, l’éducation et la réconciliation entre communautés sont au cœur de la reconstruction.

Visoconférence le 15 avril 2021

« En Syrie, les communautés chrétiennes et musulmanes ont la volonté de reconstruire le pays ensemble. »

Pierre Sabatié-Garat, président de L’Œuvre d’Orient

Née en 1856, L’Œuvre d’Orient vient en aide aux communautés chrétiennes locales. Elle est présente dans 24 pays au Moyen-Orient, en Afrique de l’Est, en Inde et en Europe de l’Est.

Au-delà de l’aide alimentaire et sanitaire d’urgence, L’Œuvre d’Orient agit pour que ces communautés puissent rester chez elles et que leur place soit reconnue dans les sociétés locales. Ses actions se focalisent sur

  • l’éducation et la formation professionnelle,
  • la santé et l’action sociale,
  • le soutien à la vie des communautés : églises et patrimoine culturel.
Quelles actions sont menées actuellement en Syrie ?

Nous avons commencé à reconstruire les maisons, les écoles, les dispensaires. Nous avons rouvert des écoles, des centres de formation professionnelle, des centres pour personnes handicapées et personnes âgées. Nous soutenons 2 initiatives locales remarquables :

  • proposer à des jeunes une formation complémentaire d’un an, très concrète, pour les aider à entrer dans la vie active ;
  • aider de petits entrepreneurs à lancer des micro-activités professionnelles au sein de « hope centers« , qui leur procurent un accompagnement financier et administratif.

Ces initiatives donnent de l’espoir aux gens pour reconstruire. Sous les bombes, les communautés chrétiennes et musulmanes ont appris à se connaître et ont la volonté de reconstruire le pays ensemble.

« Je rends hommage à l’accueil des Libanais vis-à-vis des Syriens. »

Philippe Lévêque, directeur de Care France

Fondée en 1945, l’ONG internationale Care est l’un des plus grands réseaux d’aide humanitaire au monde. 

Care a pour mission de lutter contre la pauvreté et de défendre l’accès aux droits fondamentaux, notamment des femmes et des filles. Les projets sont menés à partir des demandes des communautés : santé, éducation, développement économique… Nous travaillons à développer les compétences locales pour leur passer le relais.

Aide d’urgence au Liban

Il y a actuellement environ un million de réfugiés syriens au Liban, sur une population de 4 millions d’habitants. Les Libanais ont ouvert leurs écoles : je rends hommage à leur accueil vis-à-vis des Syriens.

Depuis la pandémie, nous avons par exemple soutenu des femmes qui fabriquent des masques artisanaux, du gel, nous avons formé aux gestes barrières dans les zones rurales…

 

Nos équipes au Syrie et Liban sont dans un épuisement total, il est très difficile de les remplacer. Elles sont dans un grand isolement sur le terrain. Il est très compliqué d’envoyer des fonds car les banques sont dans un délire bureaucratique à cause de règles de conformité.

Nous apportons une aide d’urgence par la distribution de nourriture. Au départ, nous disposions de 20 000 € puis des fondations nous ont soutenus. Nous démarrons également un très gros projet d’agriculture dans la plaine de la Bekaa et au nord car les paysans ratent les saisons agricoles.

 


 

« Nous soutenons les minorités pour qu’elles jouent un rôle positif et apaisant pour la majorité. »

Faraj-Benoît Camurat, fondateur et directeur général 

Né en 2011, Fraternité en Irak a pour mission d’aider les chrétiens et les autres minorités de ce pays à vivre dignement chez eux.

Les chrétiens sont très reconnus en Irak pour la qualité de leurs écoles. Nous les avons aidé à construire une école à Kirkouk, qui accueille les enfants de toutes les communautés ; une école a également été ouverte à Bessorah et deux écoles pour les enfants yezidis déplacés. Les écoles ont été fermées presque un an à cause du coronavirus.

Nous soutenons les minorités afin qu’elles jouent un rôle positif et apaisant pour la majorité. Comment revivre ensemble dans la plaine de Ninive, alors que certains de vos voisins ont soutenu Daech ? La réconciliation ne se décrète pas, elle doit se vivre. Dans cet objectif, nous soutenons l’hôpital de Qaraqosh, dont les cadres sont principalement chrétiens, qui accueille tous les malades sans distinction. Nous soutenons aussi l’hôpital Saint-Raphaël de Bagdad. Un tiers des patients de cet hôpital, de toutes les communautés, sont soignés gratuitement.

Nous avons coconstruit notre programme de relance économique avec la fondation AnBer. Des microentrepreneurs reçoivent une somme pour lancer leur activité, composée à 80 % de prêts à taux 0 et à 20 % de dons. Nous avons aidé à recréer 366 emplois dans la plaine de Ninive, plus d’une centaine de petites entreprises dans le bâtiment, les services, l’agriculture.

La réconciliation est au cœur du sujet : se côtoyer, avoir à nouveau des échanges entre communautés.

Comment susciter l’engagement pour une société plus durable et inclusive ?

Dans un contexte de crise sanitaire, sociale et politique, 73 % des jeunes considèrent cependant que la vie qu’ils mènent correspond à leurs attentes et 74 % d’entre eux sont confiants dans leur propre avenir*. Beaucoup ont envie de s’engager pour transformer la société mais ils ont souvent besoin d’être accompagnés pour passer à l’action.
Trois associations ont présenté aux membres d’Un Esprit de Famille le 8 décembre 2020 leurs différents programmes et outils pour inciter les jeunes et moins jeunes à s’engager, pour que leur enthousiasme se transforme en projets concrets à impact social et/ou environnemental.

Baromètre annuel “Jeunesse&Confiance” publié par VersLeHaut, le think tank dédié aux jeunes et à l’éducation

Unis-Cité, pionnier du service civique

Marie Trellu-Kane, cofondatrice et présidente exécutive d’Unis-Cité : il manquait à l’éducation des jeunes une étape d’engagement citoyen sur le terrain ; une étape de rencontres et de brassage, qui toucherait idéalement toute une classe d’âge.

Des fonds privés ont permis le développement d’Unis-Cité. Nous avons mené des actions de plaidoyer pour convaincre les pouvoirs publics, avec des données sur l’impact à l’appui : les jeunes qui ont fait leur service civique rebondissent davantage et mieux dans le monde professionnel ; ils prennent confiance en eux ; certains expriment, que, pour la première fois, ils se sentent français. Le service civique bénéficie depuis 2010 d’un cadre législatif. L’indemnité (demi-SMIC) est prise en charge par l’Etat en grande partie.

Quel est le rôle d’Unis-Cité depuis que le service civique est un dispositif public ?

  1. Nous avons gardé notre modèle historique d’engagement sur 9 mois en équipe, avec une grande mixité sociale. Nos processus de recrutement misent sur la diversité, par exemple en incluant 6 % de jeunes en situation de handicap. Nous accueillons 5000 jeunes chaque année.
  2. Qu’est-ce que des jeunes non professionnels peuvent réaliser pour la société ? Nous expérimentons, nous avons un rôle de laboratoire de projets sociaux : éduquer aux écogestes, soulager des familles avec des enfants en situation de handicap, sortir de leur isolement des personnes âgées…
  3. Nous agissons pour le développement du service civique par du plaidoyer et en menant des actions de formation. Une classe d’âge ayant 800 000 jeunes, la marge de progression est importante !

Nous proposons aux jeunes de nombreux programmes. Par exemple, des jeunes présents depuis plus d’un an sur le territoire avec le statut de réfugié peuvent participer au programme VolontR, qui vise à accélérer l’intégration culturelle, sociale et professionnelle des jeunes réfugiés allophones de 18 à 25 ans, via une mission dans la mixité. 3000 jeunes refugiés dans les équipes profitent ainsi d’une intégration très forte et rapide.

Les jeunes peuvent bénéficier du programme Rêve et Réalise, mené en partenariat avec le fonds de dotation Entreprendre et + : ils imaginent eux-mêmes où ils veulent agir, ce qu’ils ont envie de changer. Leur projet peut devenir une entreprise sociale.

Enactus : innover et entreprendre en équipe au service de la société

Mélanie Sueur Sy, directrice générale d’Enactus et Benjamin Rolland, directeur d’Enactus Organisation.

Avoir 20 ans aujourd’hui, c’est souvent vivre dans un studio ou chez ses parents, galérer dans sa recherche de stage ou de premier emploi, étudier à distance, réduire sa vie sociale, ses activités sportives, renoncer à découvrir le monde… Pourtant, les jeunes veulent s’engager avec un sentiment d’urgence pour plus de justice sociale, pour la transition écologique… mais beaucoup ne le font pas, faute d’accompagnement. Nous essayons de donner à chacun confiance en sa capacité d’agir. Nous accompagnons des lycéens, des étudiants, des professionnels à passer à l’action, à développer leurs compétences pour innover et entreprendre au service de la société.

Créé aux Etats-Unis il y a 45 ans, Enactus accompagne chaque année 72 000 jeunes  dans 37 pays. Le parti pris d’Enactus est d’agir au sein des institutions, de faire évoluer les pratiques pédagogiques de l’intérieur.

  1. Enactus Lycéens : ce parcours est coconstruit avec l’Education nationale. 12 ateliers dans l’année sont organisés pour concevoir un projet à impact social et environnemental. Exemple : le lycée professionnel Camille Claudel à Mantes-la-Ville a mis en œuvre l’application Handiapp pour permettre à des personnes à mobilité réduite d’identifier et s’inscrire à des activités sportives adaptées. Les enseignants considèrent que le parcours d’Enactus a un impact très positif sur la scolarité des lycéens.
  2. Enactus étudiants: nous proposons un parcours de 10 mois personnalisé pour générer des projets qui ont un impact social ou environnemental. Ces jeunes développent confiance en eux et compétences professionnelles. Parfois, ils créent leur entreprise sociale : par exemple, Lunettes de ZAC recycle des lunettes usagées pour produire des lunettes à bas coût.
  3. Enactus Organisations vise les professionnels et organisations. Comment permettre aux collaborateurs d’une entreprise de s’engager dans une dynamique porteuse de sens ? Enactus outille également des organisations existantes par des formations de formateurs, la conception d’une semaine de sensibilisation à l’emploi social…

Nous sommes tous reliés par la même raison d’être et des convictions.

  • Passer à l’action: nous sommes des spécialistes de la pédagogie par l’expérience.
  • Entreprendre en équipe : nous privilégions une expérience collective et formons à la posture collaborative.
  • Lier et réconcilier l’économie et le social.
Makesense, fabrique de communautés citoyennes

Alizée Lozac’hmeur, co-fondatrice et directrice de Makesense : depuis 10 ans, Makesense propose des programmes de mobilisation collective et donne des outils pour que chacun.e s’engage au profit d’une société plus durable et inclusive. Nous nous adressons à trois publics :

  • les jeunes de 18 à 30 ans : 200 000 dans le monde ont déjà bénéficié de nos programmes,
  • les porteur.ses de projets à impact social et environnemental,
  • les collaborateur.trices qui souhaitent contribuer à la transformation de leur entreprise.

Je voudrais partager avec vous deux notions sur lesquelles nous travaillons beaucoup.

  • Le parcours d’engagement : chacun.e arrive chez Maksense avec une trajectoire et un niveau d’engagement différents. Nous lui apportons des outils et des expériences pour qu’il.elle passe des étapes : prendre conscience des problèmes, se sentir concerné.e, identifier des solutions concrètes, aider des porteur.ses de projets dans leur développement, mobiliser d’autres personnes autour de soi pour un effet “boule de neige”.
  • Des communautés dans une centaine de villes dans le monde organisent des événements, des ateliers, des programmes pour mobiliser des personnes. Le ciment est la communauté, les gens avec lesquels on a envie d’agir : Makesense est une fabrique de communautés citoyennes. Les différents programmes s’articulent autour des objectifs s’éveiller et se former, s’engager, soutenir des projets, se rassembler.

Nos trois enjeux aujourd’hui sont :

  • nous faire connaître pour mobiliser toujours plus de jeunes,
  • former des mobilisateurs pour accompagner toutes ces jeunes ;
  • digitaliser pour un parcours fluide ; notre vraie ambition est toujours le digital au service de la rencontre et de la création de communautés.
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