L’homme et la nature, un lien pour se reconstruire, avec Dominique du Peloux
Philanthropes en action #13
« Notre conviction : la nature est un lieu privilégié pour mener des actions de reconstruction personnelle, de réinsertion sociale et professionnelle. »
avec Dominique du Peloux
Fondateur de Green Link
Le constat : en famille, nous sommes partis du constat que dans les pays développés beaucoup de publics vulnérables vivent éloignés des milieux naturels : urbanisation, maladie, isolement, détention sont autant de situations qui séparent ces personnes d’un contact avec la nature.
La vision : Green Link est né de la conviction profonde que la nature est un lieu privilégié pour développer des actions de reconstruction personnelle, de réinsertion sociale et professionnelle en faveur des plus fragiles.
La mission : la vocation de Green Link est d’identifier, parfois créer, soutenir, accompagner des projets qui sont tous menés dans le cadre d’un milieu naturel, sauvage ou cultivé, et qui œuvrent auprès de ces publics fragiles pour leur permettre de retrouver le chemin d’une vie personnelle, et professionnelle épanouie.
Depuis sa création il y a 10 ans environ, Green Link a soutenu plus d’une centaine de projets associatifs rentrant dans sa mission, et publié 4 Livres Blancs sur des thèmes s’y rapportant.
Qu’est-ce qui est à l’origine de votre engagement ?
Dominique du Peloux :
Les questions environnementales sont depuis toujours au cœur des préoccupations et engagements familiaux. Aussi lorsque j’ai proposé en famille la création d’un outil philanthropique, les grands thèmes de la biodiversité et de la transition écologique ont bien sûr été considérés, puis abandonnés rapidement pour 3 raisons :
- L’absence d’une légitimité scientifique sur ces sujets au sein de la famille,
- Le sentiment que les moyens à mettre en œuvre pour être actif à grande échelle nous dépassaient,
- L’existence de très belles fondations anglo-saxonnes, mais aussi de plus en plus en France, mieux armées et dotées pour faire bouger les lignes.
L’homme est arrivé dans le « paysage » assez rapidement grâce à la fois aux écologistes intégraux qui prônent l’unicité du combat social et de celui de la défense de l’environnement, et… au Pape François (Laudato Si, 2015) : « une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (n.49).
La nature mais pas sans l’homme, Green Link était né !
Pourquoi avoir choisi de relier la nature et l’humain ?
DdP :
Ce thème du lien entre l’homme et la nature est en fait d’ordre philosophique mais aussi de plus en plus scientifique : la nature, c’est le vivant. L’homme en fait donc bien partie, mais, selon vos croyances avec, ou non, une place particulière…
Sans chercher à répondre à cette question, chez Green Link nous sommes simplement convaincus qu’une vie accomplie n’est pas possible en étant séparé durablement du vivant dont nous sommes issus. Ceci est vrai pour tous, mais aussi particulièrement pour ceux qui en sont éloignés en raison d’un accident de la vie, de questions de santé physique ou psychique, de difficultés d’intégration sociale…
Rapprocher ces publics fragiles de la nature ne va pas tout résoudre, mais simplement enclencher un processus d’ordre sensible, émotionnel, physiologique permettant de retrouver estime de soi, responsabilité, sérénité etc.
Les travaux scientifiques sur ce sujet se multiplient, depuis la fameuse étude (revue Science, 1984) du professeur Roger Ulrich montrant (sans l’expliquer…) que l’on guérit mieux face à des arbres que devant un mur !
Aujourd’hui sont établies des corrélations troublantes entre l’exposition à des milieux naturels et l’amélioration des processus permettant de surmonter des difficultés de tous ordres, y compris sociales. Ces travaux sont magnifiquement mis en lumière et répertoriés par Pascale d’Erm dans son ouvrage « Natura » (2019, éditions LLL).
La veille scientifique sur ces sujets fait bien sûr partie de la mission de Green Link.
Quels sont les 5 programmes portant l’ambition de Green Link ?
DdP :
Après avoir soutenu des projets au fil de l’eau, grâce au cabinet de conseil Equanity et …au Covid qui a contraint nos déplacements, nous avons pris le temps de structurer l’action du fonds à la lumière de ses premières années d’activité.
Pour l’avenir, se sont alors dégagés assez naturellement 5 Programmes recouvrant les grandes vulnérabilités que nos associations tentent d’adresser.
Programme Nature et Prisons
Nature et Prisons a pour objectifs d’encourager la présence de nature en prison et de contribuer à la baisse des récidives en favorisant le développement des peines alternatives « vertes ».
Exemple : Green Link a créé un partenariat avec le Ministère de la Justice pour organiser un Trophée des plus beaux jardins dans les prisons françaises.
Un jury professionnel décerne, chaque année sur un thème différent, 3 prix que nous allons porter dans les établissements lauréats.
Photo : le centre de détention de Nantes, lauréat 2022
Programme La Nature pour se Construire
La Nature pour se Construire s’adresse aux jeunes déscolarisés et fragilisés socialement, en favorisant leur reconnexion à une nature souvent sauvage (mer, montagne, marches en nature), et en soutenant les projets alternatifs de filières éducatives et professionnelles en lien avec la nature.
Exemple : Green Link appuie un éducateur passionné de voile pour lancer l’association « Tous en Mer » qui fait découvrir, par des séjours courts, la navigation et la vie sur l’océan à des enfants issus de quartiers difficiles ou porteurs de handicap. Certains n’ont jamais vu la mer auparavant !
Photo © Tous en Mer
Programme La Nature Retrouvée
La Nature Retrouvée remet les publics fragilisés physiquement et psychiquement en lien avec le vivant et les bienfaits de la nature.
Exemple : Green Link a aidé l’association « Jardins et Santé », pionnière dans le plaidoyer en faveur des jardins thérapeutiques, existant (ou non !) dans les établissements de soin, à organiser sa transition managériale. La demande des hôpitaux, cliniques, ehpad, IMS, etc. pour la création de ces espaces de nature en faveur des patients, soignants et famille est croissante et pose des questions critiques de financement.
Photo © Simon de Cyrène Vanves
Programme Insertion et Métiers Verts
Insertion et Métiers Verts s’appuie sur des associations contribuant à la transition sociale et écologique en valorisant les filières d’insertion en lien avec la nature.
Exemple : la nature offre de beaux métiers pour aider les personnes loin de l’emploi à retrouver le savoir-être et le savoir-faire de la vie au travail. Green Link a soutenu de nombreux Ateliers Chantier d’Insertion présents dans le maraichage, l’entretien d’espaces verts, le génie écologique… En plus, des métiers porteurs !
Photo © La Brocante Verte
Programme Nature et Cités
Nature et Cités : reconnecter les habitants des quartiers prioritaires à la nature en la réintroduisant dans leurs espaces de vie.
Exemple : dans ces quartiers difficiles, tout le monde est fragile : Green Link sélectionne des projets qui réintroduisent la nature au coeur de la vie de ces familles en grande précarité, avec des objectifs multiples : apaisement, alimentation, insertion.
Photo © Le Paysan Urbain Marseille
Ces Programmes ont vocation non seulement à accompagner et mettre en lien des associations qui œuvrent sur le même thème, mais ils ont aussi pour fonction de mettre en lumière les problématiques qui leurs sont propres, parfois à travers la publication de Livres Blancs, ou encore par un travail de réflexion auprès des autorités publiques compétentes.
Ces 5 Programmes sont devenus la grille de lecture des projets qui nous sont proposés, ils structurent l’activité de Green Link.
En quoi consistent les Trophées Green Link ?
DdP :
Nos Trophées visent à récompenser les associations pour leur action au quotidien. L’idée est de ne pas être dans une dynamique d’appel à projets. Il n’y a pas d’exigence non plus sur l’allocation du don pour les lauréats.
Le Trophée Innovation : « Insertion & Métiers Verts » (en 2023) avait pour objectif de mettre en lumière les innovations, quelles qu’elles soient, au sein des associations qui œuvrent à l’insertion des personnes éloignées de l’emploi à travers des activités en lien avec la nature.
En 2025, à l’occasion de l’Année de la Mer, notre nouveau Trophée « Mer & Rivières » a pour ambition de récompenser des associations qui œuvrent à l’insertion sociale & professionnelle et à la reconstruction personnelle de publics fragilisés, à travers des activités en lien avec le milieu aquatique : la mer, les rivières ou les étangs.
Vous avez publié récemment un livre blanc sur l’insertion par les métiers verts.
Pourquoi un focus particulier sur ce thème ?
DdP :
A la suite du Trophée que nous avions organisé sur le même thème, compte tenu du nombre et de la qualité des candidats, nous avons décidé de mettre en lumière ces associations dans un Livre Blanc, ceci avec plusieurs objectifs :
- Montrer que les activités menées en insertion dans les milieux de nature peuvent être très innovantes : tant sur les publics accompagnés, les techniques employées, que sur l’agilité de leur modèle économique.
- Montrer que ces associations partagent les mêmes bienfaits d’une activité menée en milieu naturel mais aussi les mêmes problématiques (mobilité des personnes, météo défavorable, productivité, investissements…). Ce Livre, nous l’espérons contribuera à les rapprocher et les mettre en lien.
- Montrer aux fondations privées, familiales et d’entreprises, que l’insertion, contrairement aux idées reçues, a besoin d’eux. Même si l’administration finance les salaires des personnes en insertion, il reste les encadrants, les locaux, les investissements, parfois lourds, qui ne bénéficient pas toujours, loin s’en faut, de l’aide publique.
- Montrer enfin aux collectivités locales que la présence d’un chantier d’insertion en maraichage ou entretien d’espaces verts sur leur territoire, est une contribution positive à tous les programmes d’alimentation durables et de retour à l’emploi qu’elles peuvent mettre en place.
Mobilisons-nous pour que les 4 000 chantiers d’insertion qui existent en France, environ 800 dans les métiers verts, puissent continuer à mener leurs actions si nécessaires d’accompagnement auprès des personnes les plus éloignées de l’emploi.
Quelles sont vos priorités pour les années à venir ?
DdP :
Après 10 ans d’activité, nous nous posons bien sûr des questions pour l’avenir sur l’adéquation de nos moyens financiers, l’efficacité de notre action, la gestion de nos bénévoles et experts, l’élargissement de notre Conseil d’administration, etc. mais il me semble que la réflexion fondamentale que nous devons mener est d’un autre ordre : en accompagnant ces magnifiques projets menés dans toute la France par des dirigeants désintéressés et exceptionnels par leur engagement, Green Link contribue modestement à soigner les symptômes d’une société qui génère des vulnérabilités, de tous ordres.
Comment Green Link peut-il demain apporter sa contribution pour remédier aux causes qui sont à l’origine de ces difficultés, sociales en particulier ?
Voilà qui pourrait être le programme des années à venir, sans interrompre bien sûr notre travail d’accompagnement de ceux qui tous les jours sont au service des plus fragiles.
La prévention et pas seulement le soin, voilà un beau projet !