Soutenir les femmes en détresse

 Philanthropes en action #9

Aider les femmes victimes de précarité, de violences ou d’accidents de la vie à se reconstruire.

avec Danielle et Patrick de Giovanni, fondateurs de DAPAT

 

Dans tous les pays du monde, les femmes sont particulièrement exposées à diverses formes de vulnérabilités.

La précarité économique les touche de plein fouet, les rendant plus fragiles face aux violences et aux accidents de la vie. En outre, les inégalités salariales et les difficultés d’accès à un emploi stable constituent des facteurs aggravants.

Par ailleurs, les violences faites aux femmes sont aussi un fléau majeur comme en témoignent les chiffres. En 2022, environ 230 000 femmes âgées de 18 ans et plus ont été victimes de viols, tentatives de viol ou agressions sexuelles en France. Les violences conjugales sont également alarmantes, avec 172 000 femmes déclarant en avoir été victimes.

Les maladies graves ou les accidents domestiques peuvent également fragiliser les femmes, entraînant une perte de revenus, une dégradation de la santé mentale et physique, et souvent l’éclatement du couple.

Face à ces situations diverses, fondations, associations et pouvoirs publics doivent collaborer pour mettre en place des dispositifs d’accompagnement adaptés, et ainsi aider les femmes à retrouver confiance en elles et à reconstruire leur vie.

C’est le choix qu’ont fait Danielle et Patrick de Giovanni en créant le fonds de dotation DAPAT.

    Qu’est-ce qui vous amenés l’un et l’autre à vous engager dans la philanthropie ?

    Nous étions déjà engagés l’un et l’autre avant de nous connaitre et de décider de vivre ensemble, il y a huit ans.

    Danielle a beaucoup agi pour la promotion des femmes dans l’économie, l’environnement et le coaching d’entrepreneurs, et Patrick dans l’aide aux créateurs d’entreprise, l’investissement à impact, la précarité et l’aide alimentaire.

    Tous les deux, nous avions la volonté de donner une partie de ce que la vie nous avait apporté en matière de compétences, expériences et biens matériels.

    Tout naturellement nous avons développé un projet commun avec l’ambition de créer une structure durable ayant un impact significatif et surtout de nous y impliquer totalement.

    C’est pourquoi, en mars 2020, nous avons créé DAPAT (DAnielle, PATrick), un fonds de dotation, doté de capitaux importants (plus de 14M€) afin que les placements financiers produisent durablement de quoi alimenter un budget annuel de 1M€.

    Pourquoi avoir choisi l’aide aux femmes en détresse comme axe de votre fonds de dotation ?

      Nous avons conjugué deux de nos sensibilités : la précarité et les femmes. Nous les avons naturellement élargies à toutes les causes de détresse : précarité, violences, migrations, maladies et accidents de la vie.

      Toutes ces causes ont en commun les chocs traumatiques vécus par ces femmes, ainsi que la plupart du temps l’isolement social et les difficultés économiques.

      Nous avons choisi de nous concentrer sur la réparation, c’est-à-dire l’accompagnement de ces femmes victimes sur un parcours de reconstruction et de réinsertion sociale et économique aussi complet que possible.

      Photo : La Halle Fontenaysienne

      DAPAT s’appuie sur les associations qui agissent directement au bénéfice de femmes en détresse. Que faites-vous précisément ? 

      Nos compétences et nos expériences d’accompagnement d’entrepreneurs nous ont naturellement conduits à adopter une stratégie visant à accompagner les entrepreneurs sociaux à développer leurs associations pour avoir un impact maximal.

      Notre premier objectif a été d’identifier et d’entrer en relation avec toutes les associations sur le territoire métropolitain.

      Nous avons démarré par un travail de recherche qui s’est révélé laborieux avec à peine une centaine d’associations identifiées.  C’est pourquoi nous avons lancé, dès 2021, les Prix DAPAT qui récompensent les associations ayant fait les actions les plus remarquables l’année précédente.

      A chaque édition, neuf lauréats reçoivent chacun un prix de 10 000 euros et un grand gagnant un prix de 15 000 euros. En outre, la SMLH (Société des Membres De la Légion d’Honneur) remet une médaille à cinq associations en reconnaissance de leurs actions au bénéfice de femmes en détresse.

      Nous en sommes à la 4è édition avec plus de 200 associations candidates (au total 350 associations différentes en 4 éditions).

      Ceci témoigne de la richesse mais aussi la faible visibilité du tissu social au service des femmes en détresse et ce, dans toutes les régions. Cette richesse montre aussi l’ampleur des problèmes adressés par ces associations et l’utilité de notre démarche.
      La remise des prix se fait lors d’une cérémonie qui réunit 500 personnes. La prochaine est le 24 mars 2025 au théâtre du rond-point à Paris.

      Notre deuxième objectif est de nouer des contacts privilégiés avec certaines associations et de les accompagner pour les aider à faire plus et mieux (aider plus de femmes et leur offrir des parcours de reconstruction plus riches et plus complets).

      Pour atteindre cet objectif, nous agissons à trois niveaux :

      1. Le fonds de dotation DAPAT 

      DAPAT accompagne des associations :

      • Soit sur des projets de développement dans des partenariats durables d’au moins trois à cinq ans. Ces projets concernent par exemple :
        – L’ouverture d’une maison d’accueil de jour de femmes SDF avec enfants.
        – Le lancement d’un programme d’éducation par les pairs (peer to peer) à la santé sexuelle et affective de femmes des quartiers nord de Marseille.
        – L’essaimage et le développement géographique d’une activité d’insertion économique pour des femmes voulant sortir de la prostitution.
        Au-delà des contributions financières, DAPAT participe activement à la vie des associations en interaction avec ses dirigeants et, le cas échéant, attire d’autres mécènes à accompagner l’association dans la durée.
      • Soit pour un soutien financier ponctuel permettant de réaliser un investissement, matériel ou immatériel, bénéficiant directement aux femmes accompagnées (6-8 soutiens par an).

      Ces soutiens sont réservés à des associations que nous connaissons bien et dont nous apprécions particulièrement l’action.

      2. La société Financière Sociale DAPAT

      Créée il y a deux ans avec un capital de 2 millions d’euros, cette filiale du fonds de dotation DAPAT apporte des solutions aux besoins de locaux des associations. Celles-ci ont, en effet, beaucoup de difficultés pour disposer durablement de locaux adaptés à leurs besoins et dans des conditions économiques adaptées à leurs moyens.

      C’est un outil de finance sociale au service de l’action philanthropique du Fonds de Dotation DAPAT.

      La foncière Sociale DAPAT acquiert des biens immobiliers choisis par les associations (donc adaptés à leurs besoins) et leur loue avec des baux de longue durée (18-20 ans) et dans des conditions économiques favorables.

      Les associations peuvent ainsi faire des travaux et avoir le temps de les amortir dans la durée. Elles bénéficient en outre d’une option d’achat exerçable à tout moment dans des conditions économiques prédéfinies.

      Les premières opérations réalisées concernent par exemple :

      • L’ouverture d’une maison d’hébergement d’urgence de femmes victimes de violences dans la ruralité.
      • Un entrepôt permettant le triplement des surfaces de stockage disponible pour les biens matériels (mobilier et équipement de la maison) de femmes victimes de violences devant quitter leur domicile d’urgence.

      L’objectif de la Foncière Sociale DAPAT est d’avoir un impact structurant sur le tissu associatif au service des femmes en détresse. Concrètement, il s’agit de faire en 5 ans, 30 à 40 opérations, pour un montant global de 15-20 millions d’euros.

      Pour ce faire, il faut disposer de bien plus que 2 millions d’euros. C’est pourquoi nous sommes actuellement en levée de fonds (10 millions d’euros pour ce programme) auprès d’investisseurs financiers désireux d’avoir un impact social clair et significatif.

      3. L’association DAPAT Tisseurs de Liens

      Cette association, que nous venons de créer, veut rassembler des associations agissant pour les femmes en détresse, qui souhaitent partager et s’enrichir mutuellement de leurs expériences, mais aussi des événements que nous organisons, pour leur apporter des informations et des savoir-faire.

      L’objectif principal de cette démarche est de permettre aux associations de sortir de leur isolement et de disposer des compétences et des réseaux pour progresser dans leur développement et leur efficacité.

      Comment êtes-vous organisés pour réaliser tout cela ?

        Tous les deux nous avons des compétences et des savoir-faire communs et en même temps, nous sommes très différents. C’est une très grande force d’être deux et complémentaires. De ce fait nous nous sommes répartis les rôles.

        • Danielle gère plus particulièrement le recrutement des bénévoles, la communication, l’organisation d’évènements et l’association DAPAT Tisseurs de Liens.
        • Patrick gère le Fonds de Dotation DAPAT, son activité de projets (partenariats et soutiens financiers) et la Foncière Sociale DAPAT.

        Grâce au réseau de Danielle, nous avons constitué une équipe de bénévoles de plus de cinquante personnes pour la gouvernance des structures, les relations avec les associations et l’organisation des évènements.

        En outre, compte tenu du développement très rapide de DAPAT, nous avons constitué une équipe salariée pour structurer notre organisation, à ce jour 3 CDI, 3 apprentis et un service civique.

        Pouvez-vous nous parler de 3 projets coup de coeur ?

        Nos coups de cœur sont d’abord pour des femmes et des hommes, entrepreneurs sociaux. Nos rencontres avec ces dirigeants d’associations sont d’une richesse exceptionnelle, nous nourrissent et nous rendent heureux

        Beaucoup d’associations font un travail formidable et nous touchent profondément et c’est particulièrement le cas pour 3 d’entre elles.

        • Solidarité Femmes Beaujolais accompagne des femmes victimes de violences dans la ruralité du Beaujolais vert (celui des forêts et non celui des vignes). C’est une mission essentielle dans la ruralité qui représente 30% de la population mais 50% des féminicides. Jeune association dirigée de main de maître, elle se développe rapidement en allant à la rencontre des femmes victimes et en élargissant son offre d’accompagnement.

        • La Ferme Emmaüs Baudonne, à Tarnos près de Bayonne, accueille des femmes dites « sous mains de justice » dans les 6 à 18 derniers mois de leurs peines de prison pour préparer leur sortie par la réinsertion sociale et économique dans une ferme agrobiologique. Quand on connait les parcours douloureux de ces femmes, on comprend pourquoi tout type de détresse mérite d’être accompagnée. Cet accompagnement est unique en Europe pour les femmes et permet à la fois d’augmenter les chances de réinsertion et de diminuer le taux de récidive.
        • Women For Women, programme d’éducation de femmes des quartiers nord de Marseille à la santé sexuelle et la vie affective par les pairs. Un groupe de femmes des quartiers suit une formation universitaire diplômante à la faculté d’Aix-Marseille puis transmet ses savoirs à d’autres femmes des quartiers lors d’ateliers pratiques. Ce programme développé par l’équipe de la Maison des Femmes de Marseille Provence a permis à la première promotion de huit étudiantes de transmettre des savoirs acquis à 500 femmes des quartiers nord.

        Quelles valeurs partagez-vous avec Un Esprit de Famille ?

        Des valeurs familiales car notre démarche philanthropique, à l’origine celle de notre couple, a été construite pour y intégrer progressivement nos deux familles (4 enfants et 6 petits enfants). Nous constatons avec plaisir une implication croissante de certains d’entre eux.

        Nous souhaitions échanger, partager et agir avec d’autres philanthropes et nous avons trouvé chez Un Esprit de Famille ces mêmes volontés et l’organisation pour les favoriser, ce qui est très précieux.

        Actualités de la philanthropie Février 2025

        Les actualités d'Un Esprit de Famille

          BIENVENUE A NOS NOUVEAUX MEMBRES

          • Nous sommes ravis d’accueillir R&Co4Generations, abritée par la fondation du Roi Baudouin, qui sera représentée par sa déléguée générale Claire Kramme, dont les axes d’action sont l’éducation et l’environnement.

          EVENEMENTS RESERVES A NOS MEMBRES

          En visio, jeudi 27 février : « Conventions de partenariats avec une association ou fondation, les erreurs à ne pas commettre. »
          > Intervenant : Me Stéphane Couchoux, avocat, spécialiste en droit, fiscalité et stratégie du mécénat et des fondations – Cabinet FIDAL à Marseille.

          A Nantes, mardi 25 mars : Rencontre des membres de l’ouest sur le thème de la gouvernance des Fondations et des Fonds de dotation.

          En visio, mercredi 26 mars : « Panorama du monde associatif, spécificités et défis » en partenariat avec l’Institut IDEAS.
          > Intervenante : Suzanne Chami, Déléguée Générale de l’Institut IDEAS

          ► A Paris, mercredi 2 avril : « Regards croisés de philanthropes ».
          > Intervenants : Jean-Philippe Courtois, ex Président de Microsoft, Président du fonds Live For Good etCédric Sellin, investisseur, entrepreneur de la tech, mécène.

          ► En visio, mercredi 9 avril  : Acteurs de Terrain mettra en lumière les 5 associations lauréates de cette 6ème édition.

          A Marseille, mardi 22 avril : « En immersion dans les quartiers » avec l’association Le Rocher et la fondation Brageac, en compagnie de ceux qui agissent pour plus de solidarité et de fraternité.

          A Paris et en visio, mardi 27 mai : « IA, philanthropie et éthique ». avec Share It et Latitudes.

          A Paris, mercredi 11 juin : Assemblée Générale


          RETOUR SUR NOS EVENEMENTS PASSES

          ► Véritable succès pour notre visio et notre petit-déjeuner sur le digital au service des associations organisés avec Share-It.


          NOS CERCLES & GROUPES DE REFLEXION

            • Le Cercle Citoyenneté travaille sur des problématiques en lien avec le vivre-ensemble.
            • Le Cercle Culture co-finance un projet autour de la culture et du handicap en partenariat avec le Théâtre National de Bretagne.
            • Le Cercle Environnement est co-animé par le fonds Yes Futur et le fonds Astrolabe.
            • Le Cercle Handicap est co-animé par HappyCap foundation et Ahadi Foundation. 
            • Le Cercle Insertion est co-animé par la fondation Acome et la fondation Cassiopée. Il a pour but d’échanger et de soutenir des associations en France dans le domaine de l’insertion et de la réinsertion par le biais de la formation et l’accompagnement de publics défavorisés ou éloignés de l’emploi.
            • Le Cercle Vulnérabilité approfondit chaque trimestre un sujet.
            • Le Cercle Weber soutient collectivement des associations dans le domaine de l’éducation.
            • Le Groupe New Gen réunit la nouvelle génération de philanthropes entre 25 et 40 ans dont les perceptions et les formes d’engagement peuvent différer de celles de leurs aînés.

                Les actualités des membres d'Un Esprit de Famille

                Les actualités de l'écosystème

                Un Esprit de Famille rejoint le collège des membres associés de l’Institut IDEAS. Avec une volonté commune : professionnaliser et accompagner les structures philanthropiques dans leurs actions.
                En savoir plus

                 Une Conférence de la Générosité au premier semestre 2025 ? C’est ce qu’a annoncé, lors de ses vœux, Marie Barsacq, Ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative.

                 Retour de l’événement Le Parvis Solidaire le 20 mars 2025 au CNIT FOREST de La Défense. En savoir plus

                Lire Ecouter Voir

                • Un Esprit de Famille dans les médias :

                Retrouvez l’interview de Guénola Désveaux et Deza Nguembock dans les Chroniques Philanthropiques de Francis Charhon.

                L’esprit des sciences, valeur clef de nos démocraties

                 Philanthropes en action #8

                L’esprit des sciences, valeur clef de nos démocraties

                avec Yves Charpak, président de la fondation Charpak

                 

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                Apprendre à comprendre

                Juste avant la crise COVID19, le Directeur de l’Institut Italien équivalent de notre INSERM démissionnait en raison « du rejet de la connaissance scientifique » par son gouvernement : des ministres s’étaient permis, face à des résultats scientifiques, de dire « je n’y crois pas » en refusant d’argumenter. Il s’agissait de l’efficacité des vaccins.

                Cette histoire révélait déjà une crise de la place de la science dans la gouvernance. Si un esprit des sciences existe, force est de constater qu’il est loin d’être partagé par tous dans nos sociétés, y compris par les décideurs.

                La situation sanitaire a ajouté du trouble. Les spécialistes et les scientifiques sont omniprésents dans les media. Mais l’un des effets indésirables de cette visibilité, sans être le seul, pourrait bien être que le non initié croie pouvoir se dispenser de chercher à comprendre : le savant détient la vérité, ne perdons pas notre temps à reconstituer les raisonnements qui l’ont conduit.

                Les récentes décisions de l’administration du président Trump qui a interdit aux employés du CDC Américain de communiquer et partager leurs informations, non seulement avec l’OMS mais aussi avec les professionnels et les citoyens américains et du monde, illustrent bien l’incompréhension de ce qu’est parfois la science pour la gouvernance : supprimons la connaissance si elle nous dérange.

                Pour mémoire, le CDC (Center for Disease Control) des USA est un organisme de référence et d’information suivi par toutes les instances de santé publiques mondiales pour la surveillance, le contrôle et la gestion des épidémies et des risques infectieux en général.

                Ceux qui savent…

                Si nos sociétés souhaitent plus souvent croire que comprendre, la science peut se trouver réduite au mythe du génie : il y a « ceux qui savent ».  Et cela conduit à la même attitude du non initié que celle qui prévaut dans un régime de croyance aveugle : à la suspension volontaire du jugement.

                Du coup, le fossé existe toujours aujourd’hui entre d’un côté la science et les chercheurs et de l’autre la société. Car on a fait de la science une activité distincte du reste de la société, pratiquée par des citoyens dotés d’un cerveau « particulier » et qui suffisent à produire la science dont on a besoin. Pour prendre une image, c’est un peu comme si ne pas être un sportif professionnel justifiait de ne pas apprendre à marcher, à courir, à nager, à faire du vélo. 

                Or la méthode scientifique est plutôt assez systématique et besogneuse. Cela consiste à collecter tout ce que l’on sait déjà avant de construire un projet ; à l’apprentissage d’une rigueur obsessionnelle de l’observation, de la collecte des données et de leur analyse ; à une transparence obligatoire et contrôlée par les pairs des résultats par les échanges et publications ; et à l’obligation se de se confronter et d’accepter d’être critiqué.

                Laisser une place à l’incertitude

                Cette vision des sciences, qui exige d’entrer dans la « longue durée », est par trop délaissée par les décideurs.

                En particulier, l’esprit des sciences est un mode de pensée ouvert à l’intégration de l’incertitude et des controverses sur la connaissance.

                C’est, il nous semble, un outil clef pour une société plus apte à la remise en cause des « dogmes » et qui accepte parfois de ne pas savoir sans que ce soit synonyme de négligence, d’incompétence ou d’échec de la pensée.

                  Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a amené à vous engager dans la philanthropie ? 

                  J’ai grandi dans un environnement scientifique omniprésent, bien qu’entouré de neige et de forêt au pied du Jura, car mon père travaillait au CERN à Genève (Centre Européen de recherche sur les particules élémentaires, un succès majeur de la construction européenne, qui est encore l’un des plus grands centres de recherche en physique au monde).

                  J’avais presque 40 ans quand Georges Charpak a eu le prix Nobel de physique en 1992.

                  Lors de mes études de médecine à Paris, j’ai vite découvert qu’il fallait surtout apprendre par cœur des annuaires d’informations, sans tri sur leur intérêt réel pour les futurs professionnels que nous devions devenir… Il ne fallait pas trop questionner : « nous avons raison, tu comprendras plus tard… ».

                  Après quelques remplacements de médecins généralistes, ma route a croisé des chercheurs d’une discipline assez jeune en France à l’époque, l’épidémiologie clinique, les études statistiques pour mieux évaluer les traitements et les pratiques professionnelles.

                  J’ai eu ensuite un parcours « multi casquette » d’expert scientifique et technique dans le champ de la santé, qui m’a fait passer d’un rôle de chercheur a celui d’évaluateur, puis « d’interface » entre la science et les décideurs à l’OMS à l’Institut Pasteur, à l’Etablissement Français du Sang, et dans divers lieux de conseils comme le Haut Conseil de la Santé Publique

                  Aujourd’hui, je suis un retraité, élu dans une ville de 700 habitants et membre d’une association d’élus à la Santé, Elus Santé Publique et Territoires.

                  Une question qui m’agitait déjà dans ma vie institutionnelle est devenue essentielle au milieu de la décennie 2010 :
                  Quelles expertises, quelles connaissances scientifiques peuvent « rendre service » aux décideurs, et en particulier au niveau territorial, pour qu’ils puissent exercer au mieux leur rôle d’interface avec les citoyens ?

                  Georges Charpak est décédé en 2010, laissant inachevés quelques « chantiers » de la dernière partie de sa vie qui le préoccupait : comment faire progresser l’appétence pour la science de tous les citoyens, à l’école comme dans les « grandes écoles » et plus loin, dans les lieux de décision et les divers lieux de débat, médiatiques en particulier, où il était devenu un infatigable prometteur de la connaissance scientifique : il ne refusait jamais de s’exposer.

                  Quelques membres de la famille et proches ont commencé à réfléchir à rebondir sur cet « héritage », non pas financier mais intellectuel. Comment construire, sur cette base, un appel à bonnes volontés pour soutenir des initiatives, des projets, des programmes tournés vers plus de science pour la société.

                  In fine, 22 fondateurs ont contribué et monté un fonds, que la Fondation de France a accepté d’abriter fin 2020 : Charpak, l’esprit des sciences.
                  Tous « néophytes » de la philanthropie.

                  Quels sont vos axes d’intervention et auprès de quels publics ?

                    Nos réunions de fondateurs initiales étaient des modèles de débats stratégiques, philosophiques, prospectifs, sur tout ce qui pouvait avoir un sens opérationnel pour notre objet. Un comité exécutif de bon niveau nous a bien aidé.

                    De fil en aiguille, notre fondation s’est particulièrement penchée sur quelques axes de travail, illustrés par nos « coup de cœurs » actuels.

                    1er coup de coeur : le Living-Lab

                    Objectif : cibler cette catégorie particulière de décideurs que sont les élus locaux.

                    Il y a 500 000 élus locaux en France. Renouvelés partiellement à chaque élection. Ce sont des citoyens ordinaires qui n’ont pas été choisis pour une expertise scientifique ou technique spécifique.

                    Mais une fois élus, ils se retrouvent dans une position très particulière en étant sollicités par les citoyens sur tout ce qui touche leur territoire. Ils ne sont pas experts mais doivent avoir une forme de réponse à tous leurs questionnements… Et se retrouvent au cœur de la plupart des grands chantiers et enjeux du quotidien où la science est omniprésente. 5G et antennes, qualité de l’air, pesticides et autres polluants, risques industriels, qualité de l’eau et stations d’épuration, gestion des déchets, urbanisme pour la santé, déserts médicaux…

                    Comment leur apporter les outils qui leur permettent d’exercer solidement leurs mandats sans passer à côté de cette nécessaire connaissance scientifique ?

                    D’où le développement du Living-Lab “l’esprit des sciences”, un petit groupe d’élus locaux, de chercheurs ou scientifiques et d’acteurs de la médiation territoriale, tous bénévoles.

                     

                    Initié par notre fondation, avec le soutien méthodologique de la Cité des sciences et de l’industrie, le groupe se veut une caisse de résonance des besoins, des étonnements, des incompréhensions de ces populations qui ont du mal à coopérer pour produire une décision éclairée.

                    Y sont échangées des questions de posture, de méthodologies, de processus, d’espaces d’échanges, d’appropriation de connaissance, de compréhension d’enjeux, pour un triptyque ‘sciences – élus locaux – citoyens’. Avec l’idée de dépasser les clivages où chacun se replie dans sa bulle de confirmation, conforté par les réseaux sociaux qui opèrent une sélection d’informations conformes à ses croyances et convictions, en gommant les informations contradictoires.   

                    Les rencontres de ce collectif sont l’occasion de partages de situations vécues, voire de crises locales, et de recueillir les idées, contacts ou ressources des uns et des autres.

                    Si ce type de groupe (basé sur le bénévolat) peut fonctionner à une échelle nationale, le challenge est d’investiguer un prolongement à une échelle de proximité : comment motiver les élus et scientifiques de territoires connexes à se rencontrer régulièrement, sur les questions vives du territoire et en amont des crises ?   

                    L’animation du Living Lab a été confiée, avec le soutien de la fondation, à KAP, une association spécialisée dans l’aide au décideurs locaux, qui anime du débat local.

                    Par ailleurs, des projets communs entre certains se construisent, soutenus par la fondation Charpak, l’esprit des sciences.

                    Par exemple un projet de « Café des sciences » réservé à un dialogue chercheurs – élus, monté avec l’association Les Petits Débrouillards Ile de France. Une expérimentation est en cours en Seine et Marne autour de Fontainebleau, mais l’idée est ensuite de multiplier les sites.

                    Ou encore, un projet avec l’association Sciences Citoyennes, spécialisée dans les recherches participatives, pour inclure les élus dans la recherche dans les recherches qui les concernent au niveau local. Un guide de l’expertise locale est en préparation.

                    2ème coup de coeur : le festival Pariscience

                    Le festival Pariscience fêtait ses 20 ans en octobre 2024… 5 jours de films et documentaires à caractère scientifique, animé par l’Association Science Télévision…

                    A l’occasion d’une séance de projection autour d’un film doublement polémique intitulé « Vive les microbes », nous avons organisé un débat entre la productrice du film, « militante des microbes », une chercheuse spécialiste des maladies respiratoires et allergiques et une élue locale à la Santé. Son thème : que faire quand la science apporte des résultats dont des citoyens s’emparent avant même la clôture des incertitudes scientifiques… ? Passionnant, mais pas un long fleuve tranquille.

                    3ème coup de coeur : Les Contes du Vivant

                    Nous soutenons une association, Les Contes du Vivant, qui produit des podcasts scientifiques sur la nature qui nous entoure pour les petits enfants, à partir de 4-5 ans. En lien avec des écoles, pour animer des groupes d’enfants avec leurs enseignants et les parents…Nous avons « challengé » l’association en disant : comment associer plus loin d’autres acteurs locaux de la forêt, des jardins, des réserves naturelles… et d’autres adultes et élus d’un territoire.

                    Le projet s’est fait en Seine et Marne encore. Avec en apothéose l’invitation d’un chercheur du Muséum d’histoire naturelle à venir parler au village concerné par l’expérience, devant 100 personnes passionnées par la présentation qui portait pourtant sur des sujets polémiques locaux : l’exploitation de la forêt, des sols, l’agriculture et des pesticides, objets de tension majeures même dans un petit village de 750 habitants.

                    Vous avez choisi d’être membre du Cercle Environnement Un Esprit de Famille. En quoi la connaissance scientifique vient-elle soutenir la cause environnementale ?

                      Tous les projets évoqués ont des points communs, liés aux enjeux environnementaux actuels, qui interagissent directement aussi avec notre santé et sa protection. Tous impliquent des acteurs de disciplines, d’expertise et de compétences multiples. Les connaissances scientifiques impliquées viennent de disciplines diverses qui doivent s’inviter à la table des propositions « d’actions », d’autant plus que l’époque est propice à la négation de ces connaissances, voire à des manœuvres de désinformation plus ou moins organisées.

                      Notre fondation a trouvé dans le Cercle Environnement d’Un Esprit de Famille des partenaires avec lesquels partager cette « culture scientifique » comme outil critique essentiel.

                      Quels sont les principaux enjeux de votre fondation ?

                      La fondation est récente, les fondateurs n’avaient pas d’expérience spécifique de la philanthropie et donc l’apprentissage est rude, en particulier pour le développement d’une bonne stratégie de renforcement et de pérennisation de nos moyens humains et financiers…

                      Le développement de projets intéressant en co-construction a été bien développé et nos soutiens vont à des associations et organisations qui deviennent de fait des partenaires…

                      Par ailleurs, le fait d’être une fondation abritée à la Fondation de France et membre de la communauté d’Un Esprit de Famille nous permet de bénéficier de l’expérience essentielle d’autres philanthropes.

                      Rendez-vous en terre fraternelle

                       

                      La fraternité, socle de notre devise républicaine aux côtés de la liberté et de l‘égalité, est plus que jamais essentielle alors que notre rapport à l’Autre est fortement questionné.

                      Le 4 février, journée internationale de la fraternité humaine, est l’occasion de mettre en lumière les valeurs de solidarité, d’entraide et de partage qui sont au cœur de notre société.

                      C’est également aujourd’hui que la 7eme édition du Baromètre de la Fraternité, porté par le Labo de la Fraternité (avec l’Ifop), révèle ses résultats sur la perception de la fraternité par les Français.

                      Entretien fraternel avec avec Tarik Ghezali, cofondateur de La Fabrique du Nous, membre du Labo de la Fraternité, et Katia Mrowiec, fondatrice de la fondation Kaléidoscope.

                      Pourquoi ce Baromètre de la Fraternité et quelles sont les grandes tendances de cette dernière édition ?

                      Tarik Ghezali : Une constante d’abord : année après année, les résultats du baromètre projettent deux visions du monde en tension, dans une sorte de course contre la montre entre les deux ! La première, alarmante, nous impose de regarder en face les dérives de notre époque : la défiance croissante, le repli sur soi et les fractures multiples qui traversent notre société. La seconde, porteuse d’espérance, nous pousse à célébrer les solutions déjà à l’œuvre, portées par une multitude d’acteurs engagés et la possibilité de leur déploiement à grande échelle.

                      Ensuite, chaque année nous proposons aussi une focale sur un thème particulier. Cette année, et dans un contexte de conflictualité renouvelée, le Labo de la Fraternité a décidé d’interroger la fraternité sous un angle nouveau : celui de levier de paix et de réconciliation, cher à la fondation Kaléidoscope, membre très actif du réseau Esprit de Famille.
                      Les résultats nous invitent à réfléchir à la fois aux obstacles à lever (situation politique, réseaux sociaux, etc.), et aux leviers à activer (l’école, exemplarité des élites, etc.) pour apaiser les tensions et réconcilier une société divisée.

                      Quel est le chiffre qui vous donne de l’espoir ?

                      Tarik Ghezali : Un chiffre qui se confirme année après année. Quand on demande aux Français ce qui les empêche d’aller vers l’Autre, ce n’est ni la peur et le manque d’envie qui apparaissent en premier, mais d’abord et avant tout le manque d’occasions (46%) et le manque de temps (28%)… Cela donne de l’espoir !
                      Il s’agit ainsi d’être volontaristes, pour créer les opportunités et les disponibilités permettant à tous les gisements « dormants » de fraternité de s’exprimer : création de lieux de lien, libération par les employeurs de jours dédiés à l’engagement citoyen, mise en place de rituels collectifs comme les fêtes de villages ou de quartier, etc.

                      L’Homme est parfois un « loup » pour l’homme mais il peut être aussi un « chou » pour l’Homme ! Si on crée donc les conditions concrètes l’autorisant à exprimer son humanité, à libérer sa chaleur humaine, à se rapprocher de l’Autre.
                      Et quand les peurs s’effacent, la fraternité s’affirme alors : les membres du Labo de la Fraternité le vivent au quotidien dans leurs actions.

                      Quel est le chiffre qui vous a étonné ?

                      Tarik Ghezali : Le baromètre indique que la valeur n°1 à transmettre aux jeunes générations pour construire une société fraternelle est le respect (46%), bien loin devant la tolérance (14%) ou d’autres idées comme l’empathie ou le sens du collectif. Autre chiffre qui va dans le même sens : faire preuve de fraternité, c’est d’abord et avant tout « traiter tous les individus avec respect » (38 % en premier), vs « se montrer chaleureux » ou « aider des personnes en difficulté.

                      Cela résonne avec une société aujourd’hui sous tension, avec au quotidien une qualité de vie et de relation aux autres qui se dégrade. Derrière cet impératif de respect, nous lisons aussi un fort besoin de reconnaissance des uns envers les autres, au double sens du terme : j’existe car tu me considères et nous existons ensemble car nous sommes redevables les uns aux autres, « reconnaissants » de nos attentions réciproques – et donc engagés à nous entraider et coopérer davantage.

                      Quel est le chiffre qui vous inquiète ?

                      Tarik Ghezali : Le niveau de défiance. 77 % des sondés estiment qu’on n’est jamais assez prudent lorsqu’on a affaire aux autres. Cette méfiance, en progression (+ 15 points sur 5 ans), illustre les fractures sociales grandissantes et la nécessité d’agir de manière ambitieuse et collective pour les résorber et favoriser une société de confiance.

                      Nous sommes un des pays au monde où la défiance est la plus élevée. Les forces de division vont beaucoup plus vite et sont plus puissantes.
                      Dans ce contexte, un seul chemin possible : l’alliance ! Que toutes celles et ceux qui œuvrent pour une société plus fraternelle s’associent dans l’action, au niveau local et national. Esprit de Famille, par son travail de coopération entre fonds de dotation, familles, et associations montre le chemin !

                      Comment le Cercle Citoyenneté créé par Un Esprit de Famille, et dont vous êtes une membre active, peut-il contribuer à faire rayonner la fraternité ?

                      Katia Mrowiec : C’est assez évident pour moi, ne serait-ce qu’en jouant avec les mots mêmes ; entre ces trois-là, Citoyenneté, Fraternité et Philanthropie (via un Esprit de Famille), le lien est tellement logique !

                      Le Philanthrope – celui qui aime l’humanité – s’engage évidement pour l’autre, son frère, sa sœur et son engagement est dans la cité, dans le monde, pour construire et / ou corriger une société où les liens, le vivre-ensemble a été abimé, fragilisé, où le « faire fraternité » n’est plus, ou amoindri…
                      Voilà ce qui anime notre Cercle et qui nous fédère et mobilise. Nous avons choisi d’aller à la découverte de ces projets qui mettent « en relation le Je et le Tu pour faire un Nous », des projets qui font toujours plus Société, dans un souci évident d’égalité et de justice.

                      Le Cercle Citoyenneté a également le souhait de sourcer, d’identifier des initiatives prometteuses, de les rencontrer en participant par exemple à leurs activités puis de les faire connaitre pour mieux les aider dans leur structuration, croissance voire financement.
                      Très concrètement, en mai 2024, nous avons organisé un petit déjeuner sur le thème de la Fraternité, aux Arches Citoyennes à Paris (lieu joliment symbolique) pour présenter aux membres d’Un Esprit de Famille des pépites comme les associations Coexister, Kif Kif Vivre Ensemble et CitizenCorps. Ce fut un très joli moment de partage.

                      A quoi pourrait ressembler une France plus fraternelle ?

                      Katia Mrowiec : Ce serait une société sans PEUR… sans peur de l’autre, de cet alter (autre en latin) qui nous altère, qui nous change forcément quand la rencontre est authentique et sans menace.

                      J’aime beaucoup la maxime de mon ami Tarik qui dit : « Plus on se rencontre, plus on se mélange, moins on se dérange » 

                      Tarik Ghezali : Une France où chacun ose le premier pas vers l’Autre. Que l’on soit riche ou pauvre, jeune ou vieux, rural ou urbain, dit « valide » ou en situation de handicap, on a tous des ressources à partager, au service des autres : un peu de temps, de compétences, de réseau, de m2, de chaleur humaine… Ces petits gestes fraternels, démultipliés, peuvent provoquer un grand changement.

                      Et si 100% des Français partageaient 1% de leurs ressources au service du bien commun, à quoi ressemblerait la société ?
                      Cela ne coûterait pas grand-chose à chacun… Cela ferait à tous beaucoup de bien… Et pourrait changer pas mal de destins !

                      C’est à notre portée d’autant plus que derrière chaque « 1% » possible, il existe des associations à même d’aider concrètement à passer à l’acter – dont beaucoup d’associations membres du Labo de la Fraternité. Par exemple, pour donner 1% de son temps, vous pouvez vous rapprocher de Benenova, de l’Heure Civique ou d’Entourage !

                      Allez, tous ensemble, osons cette révolution du « 1% fraternité » !   

                      Agir contre l’isolement

                       Philanthropes en action #7

                      Agir durablement contre l’isolement

                      avec Cyril Maury, président du fonds Après Demain

                       

                      En France, 8 millions de personnes sont en situation d’isolement social*.
                      Derrière ce chiffre alarmant, autant de situations particulières et de d’épreuves personnelles qui fragilisent des parcours de vie.

                      Pauvreté, privation de liberté, ruptures familiales, grand âge, perte d’emploi, problèmes de santé, exil…, les causes de l’isolement social sont multiples, et les conséquences peuvent être lourdes.

                      Face à cette réalité, de nombreuses associations agissent et travaillent chaque jour pour réparer, soutenir, soigner, tisser du lien…

                      Entretien avec Cyril Maury, président du fonds de dotation Après Demain qui a choisi d’accompagner des acteurs de terrain pour lutter durablement contre cet isolement.

                      * Source : Fondation de France 2024

                       

                      Qu’est-ce qui vous amené à vous engager dans la philanthropie ?

                        L’action philanthropique, qui s’inscrit dans une suite logique d’engagements successifs et de valeurs familiales partagées, s’est presque imposée d’elle-même à la cession de mon entreprise.

                        Avec un double objectif :

                        • Désir de de s’engager et d’agir pour la société.

                        Quand on a une vie heureuse, il faut être conscient des douleurs qui nous sont épargnées et avoir une exigence de solidarité, un souci de partager avec les plus fragiles, de se déposséder.
                        On ne peut pas dire « cela ne me concerne pas ». Chacun peut faire sa part et être utile. Redistribuer la richesse, partager, devient alors un enjeu social ; la pauvreté apparaît quand disparaît le sens du partage.
                        En donnant, on s’appauvrit matériellement, mais on s’enrichît considérablement sur les plans intellectuel et spirituel.

                        • Désir aussi de transmettre familialement et dans la durée les valeurs d’attention à l’autre.

                        Quand on prend conscience que notre existence dépend des autres (nourriture, santé, travail, éducation…), que notre bonheur ne peut se construire qu’avec le concours des autres, alors il est naturel d’accorder de la valeur à l’autre, de se sentir concerné par sa situation et de s’engager pour cela.

                        Léguer aux générations futures beaucoup plus que des biens matériels, leur offrir la chance de pouvoir agir pour une société plus juste, plus humaine, de se rassembler autour d’un projet fédérateur, de donner du sens à leurs vies, se mettre au service de causes d’intérêt général, renforce les liens familiaux.

                        L’exercice de la philanthropie grandit ceux qui la pratiquent.

                        Dès l’origine en 2010, nos enfants et beaux-enfants ont été acteurs de la réflexion et des décisions à prendre (cause soutenue, montant allocation, type de structure, gouvernance et mode de fonctionnement). Libres à eux ensuite de s’inscrire opérationnellement dans le projet, sans rien imposer : on ne fait bien dans la durée que si l’on se sent vraiment libre.
                        Tout a été construit avec eux, et l’adhésion dure depuis maintenant 15 ans.

                        Pourquoi avoir choisi de vous consacrer aux personnes en situation d’isolement ? 

                        Dès l’origine, nous avons consacré 2 jours à réfléchir en famille. Pour défendre une cause, il est important qu’elle résonne au plus profond de chacun de nous et tenir compte des désirs de chacun. A travers le fonds Après Demain, nous avons choisi collectivement de nous investir sur un sujet majeur de société : l’isolement, l’absence de lien social, la solitude subie.

                        En 2024, 12 % des Français, soit près de 8 millions de personnes, sont en situation d’isolement total.
                        Ce simple chiffre parle de lui-même et témoigne de l’urgence d’agir.


                        © Photo Sasha Freemind / Unsplash

                        Comment la philanthropie peut-elle contribuer à lutter contre l’isolement social ?

                          En accompagnant les acteurs de terrain qui, grâce à leurs expériences et expertises, maîtrisent la complexité du sujet.

                          Après avoir repéré les associations les plus efficaces, nous les accompagnons dans la durée. Notre objectif est de leur faciliter la vie, de les aider à réussir durablement leur projet associatif au plus près du terrain et des besoins des premiers concernés, d’être un vrai compagnon de route, sans ingérence et dans une relation vraie et de confiance réciproque.

                          Vous êtes implantés et très actifs dans les Pays de la Loire. Quelles sont les spécificités territoriales que vous rencontrez ?

                            Nous intervenons effectivement dans un rayon de 150 kms autour de Nantes, avec la volonté d’agir localement et d’entretenir des relations proches avec les associations que nous soutenons.

                            Le tissu associatif est riche, avec des structures de tailles différentes qui ont un vrai impact sur le territoire. La répartition des associations est inégale entre les territoires urbains et les territoires ruraux. Il y a parfois un besoin de repérage.

                            Il y a une grande proximité avec les acteurs locaux, publics et institutionnels, ce qui permet d’échanger facilement et d’accompagner ensemble les associations, de travailler en réseau. Cela nous permet aussi d’apporter contacts et mises en lien pour les associations.

                            Quels sont vos 3 projets coups de coeur ?

                            Le fonds de dotation Après Demain est un partenaire historique de l’association Permis de Construire par son financement et son accompagnement.

                            L’intérêt de Permis de Construire réside dans le fait que l’association fait de la personne placée ou passée sous main de justice le véritable acteur de sa réinsertion professionnelle. Elle a un impact fort sur la diminution des récidives en redonnant aux personnes la confiance nécessaire et le pouvoir d’agir en vrai pilote de leur vie.

                            Ce qui nous a intéressé, c’est aussi d’accompagner Permis de Construire dans son déploiement, en lui permettant de passer d’une association locale basée à Nantes à un réseau qui développe son expertise sur les territoires afin de montrer l’intérêt de son modèle, pour les personnes accompagnées, et pour la société.

                            Nous accompagnons aussi depuis 3 ans Le Nez à l’Ouest, association de clowns hospitaliers, qui propose des interventions de clowns hospitaliers en duo et de manière régulière aux personnes vulnérables principalement accueillies en établissement (EHPAD, hôpitaux, structures médico-sociales) avec une attention toute particulière pour le public des personnes âgées.

                            Ce qui nous a intéressé, c’est d’arriver auprès du Nez à l’Ouest à un moment où la fondatrice, elle-même clown, voyait bien l’intérêt de son projet, mais n’avait plus l’énergie de mener de front l’organisation de la structure et son métier de clown. Nous l’avons accompagnée dans la structuration de l’association.

                            Enfin, nous sommes heureux d’accompagner depuis 3 ans également AREA, association qui accompagne les enfants issus de la migration dans l’apprentissage du français tout en donnant une place à leurs parents dans leur réussite scolaire. Nous savons combien le système scolaire peut être compliqué, a fortiori pour des personnes qui ne parlent pas la langue.
                            AREA a mis en place un parcours adapté à la fois pour les enfants pour qu’ils puissent progresser et trouvent pleinement leur voie, et pour les parents pour favoriser leur intégration et leur donner une vraie place aux côtés des enseignants dans le parcours scolaire de leurs enfants.

                            Un Esprit de Famille vient de lancer une antenne à l’ouest. Que va apporter cette présence locale aux fondateurs de la région ?

                            Il y a peu de fondations ou de fonds de dotation en région ; il est important de bien se connaître pour travailler ensemble.

                            Un Esprit de Famille Ouest va constituer un véritable espace d’échanges et de partage sur nos pratiques, sur les associations que nous accompagnons, mais aussi un espace de réflexion sur des questionnements propres à nos structures familiales, autour de la gouvernance, de la transmission…

                            Pour conclure, j’aimerais conclure sur les enjeux plus globaux de la philanthropie.

                              Face aux situations de plus en plus complexes auxquelles doivent faire face les associations, nous, fonds et fondations, avons des questions à nous poser sur le rôle que nous devons jouer en tant que financeurs : comment pourrions-nous travailler autrement avec les associations, au-delà des appels à projets, pour répondre à leurs besoins réels ?

                              • Finançons prioritairement des structures plutôt que des projets. Des structures solides sont nécessaires pour porter des projets durables et impactants.
                              • Interrogeons-nous sur notre rapport à l’innovation : doit-elle toujours être le critère central de nos financements ? La pérennisation d’actions existantes et qui ont fait leurs preuves est aussi essentielle.
                              • L’utilité sociale s’inscrit dans le long terme. Privilégions les actions de long terme. Accompagnons les structures dans la durée pour leur permettre de se concentrer sur leurs activités, et non sur la recherche de fonds.
                              • Allégeons les lourdeurs administratives et favorisons des relations fondées sur la confiance, la transparence et les échanges sincères.

                              Nous croyons qu’en assurant un financement stable et pérenne, en soutenant le fonctionnement, essentiel à la réalisation de projets, sans imposer des exigences excessives de mesure d’impact, nous permettons à ces associations de se concentrer pleinement sur leur mission sociale.

                              Il nous semble important de favoriser la reconnaissance du travail effectué par les dirigeant.e.s d’associations, les équipes et les bénévoles, et de lutter contre le risque d’épuisement de l’ensemble des parties prenantes associatives, dans un contexte qui se complexifie.

                              Il est donc essentiel de travailler ensemble, avec d’autres fonds et fondations, à consolider les associations pour leur permettre d’atteindre pleinement leur mission, et ainsi renforcer et soutenir durablement le secteur associatif. Cette nécessité de collectif nous a motivés, entre autres réseaux, à rejoindre Un Esprit de Famille.

                              Actualités de la philanthropie Janvier 2025

                              Les actualités d'Un Esprit de Famille

                                UN ESPRIT DE FAMILLE VOUS ADRESSE SES MEILLEURS VOEUX POUR 2025

                                Que cette nouvelle année soit l’occasion de continuer à accomplir de belles choses ensemble et de porter haut les valeurs qui nous unissent.

                                • Promouvoir la force du collectif pour plus d’impact.
                                • S’engager en faveur de celles et ceux qui en ont besoin.
                                • Soutenir des projets innovants porteurs de sens.
                                • Agir pour plus de générosité, de fraternité et de solidarité.

                                2025 : une philanthropie familiale toujours en action.

                                BIENVENUE A NOS 7 NOUVEAUX MEMBRES

                                • Vanessa Cahierre et sa famille dont le fonds APAMA aide les femmes en grande précarité;
                                • Sophie et Patrick Mouterde et leur famille dont le fonds TETE D’OR est dédié à l’éducation et à l’autonomie de la personne. 
                                • Claire Charier et sa famille dont le fonds CHARIER s’articule autour de 4 axes : environnement, personnes en difficulté, vie culturelle et patrimoine.
                                • Véronique Charlier et sa famille dont le fonds ARTERA est engagé dans les sujets liés à l’environnement, la santé et la culture.
                                • Alix et Damien Watine dont le fonds WATINE POUR L’EDUCATION a pour mission de faire grandir les enfants et les adolescents par l’éducation et par le sport.
                                • Marie-Paule, Alain Bentejac et leur fils, dont le fonds FEXAM est consacré au lien social, au handicap et au patrimoine.
                                • Jean Vendroux et Anne de Laroullière dont la fondation ANNE de GAULLE œuvre au quotidien avec celles et ceux qui vivent avec un handicap.

                                ANTENNES REGIONALES 

                                C’est officiel : l’antenne Grand Ouest Un Esprit de Famille est ouverte ! Elle sera co-animée par le duo Isabelle de Queral (FDD Stella Maris) et Claire Charier-Chabert (FDD Charier). Un chaleureux merci à toutes les deux pour leur engagement et leur énergie communicative !
                                Plus d’infos.

                                EVENEMENTS RESERVES A NOS MEMBRES

                                En visio le 28 janvier
                                En présentiel à
                                Paris, jeudi 30 janvier
                                Comment le digital peut-il démultiplier l’impact des projets que vous soutenez ?
                                Event en partenariat avec l’association Share It

                                ► En présentiel à Marseille, mardi 22 avril 2025
                                En immersion dans les quartiers avec l’association Le Rocher et la fondation Brageac

                                  RETOUR SUR NOS EVENEMENTS PASSES

                                  ► Les membres de l’ouest se sont retrouvés près de Nantes le 14 janvier sur les thèmes communication et gouvernance.

                                  NOS CERCLES & GROUPES DE REFLEXION

                                  • Le Cercle Citoyenneté travaille sur des problématiques en lien avec le vivre-ensemble.
                                  • Le Cercle Culture co-finance un projet autour de la culture et du handicap en partenariat avec le Théâtre National de Bretagne.
                                  • Le Cercle Environnement est co-animé par le fonds Yes Futur et le fonds Astrolabe.
                                  • Le Cercle Handicap est co-animé par HappyCap foundation et Ahadi Foundation. 
                                  • Le Cercle Insertion est co-animé par la fondation Acome et la fondation Cassiopée. Il a pour but d’échanger et de soutenir des associations en France dans le domaine de l’insertion et de la réinsertion par le biais de la formation et l’accompagnement de publics défavorisés ou éloignés de l’emploi.
                                  • Le Cercle Vulnérabilité approfondit chaque trimestre un sujet.
                                  • Le Cercle Weber soutient collectivement des associations dans le domaine de l’éducation.
                                  • Le Groupe New Gen réunit la nouvelle génération de philanthropes entre 25 et 40 ans dont les perceptions et les formes d’engagement peuvent différer de celles de leurs aînés.

                                      Les actualités des membres d'Un Esprit de Famille

                                      • Découvrez les 2 nouveaux épisodes de notre série « Philanthropes en action ».
                                      • Dominique du Peloux, fondateur de Green Link, vient de publier un livre blanc intitulé « Insertion et les métiers verts ». Une invitation à se plonger au coeur d’initiatives innovantes, destinées à des personnes éloignées de l’emploi, tout en préservant l’environnement. A lire ici
                                      • La fondation Alter&Care fête ses 10 ans, une occasion de rappeler lors d’une soirée au théâtre du Rond Point le 27 janvier, la force et l’engagement des familles en faveur du monde associatif qui sera particulièrement mis à l’honneur. 
                                      • La fondation Cassiopée, en partenariat avec Break Poverty, organise le 30 janvier à Lille de 10h à 12h une rencontre pour mieux comprendre le système et le fonctionnement de l’Aide Sociale à l’Enfance. Informations et inscriptions auprès de Mariane Gay-Wibaux : mgaywibaux@fondationcassiopee.org  
                                      • La Maison des Marraines, portée par le fonds Impala Avenir, a reçu le Prix « Coup de Cœur » du Jury décerné par la Fondation SNCF.
                                      Les actualités de l'écosystème

                                       La Fondation Terre Solidaire, en collaboration avec Recherches & Solidarités, a mené une enquête auprès de 2 716 responsables associatifs pour mesurer l’implication des associations dans la transition écologiquePrincipaux résultats.

                                       Le numérique au service de la démocratie : découvrez le premier Carnet de l’Observatoire Philanthropie & Société.

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                                      • Podcast de la Chaire Essec de la Philanthropie sur l’étude « La philanthropie face aux défis environnementaux : enjeux et perspectives pour une transition juste »
                                      • Article du Monde : « Le mécénat des ultrariches change le visage de philanthropie ».
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