Visioconférence le 8 mars 2021
« Je crois profondément au déterminisme social mais je crois aussi profondément en la force de l’humain » (pour sortir de ce déterminisme). Dans cet état d’esprit, Bruno Lajara a fondé l’Envol, l’une des associations « pépites » soutenues par la fondation Break Poverty. Break Poverty a créé le dispositif de Dotation d’Action Territoriale (DAT) pour identifier et soutenir les associations les plus pertinentes qui luttent pour « un monde où les enfants pauvres ne deviennent pas des adultes pauvres. »
Les acteurs de la DAT qui s’expriment dans cette table ronde montrent comment Break Poverty façonne des alliances territoriales avec les entreprises, les pouvoirs publics et les associations pour lutter plus efficacement contre la pauvreté.
Denis Metzger, président fondateur de Break Poverty Foundation : la France est l’avant-dernier pays de l’OCDE en matière d’égalité des chances, c’est un drame national. Je trouvais qu’il y avait un déficit d’analyse de la cause de ce problème : c’est pourquoi, avec des amis, nous avons créé Break Poverty Foundation en 2017. Break Poverty est un think tank et un acteur grâce à son équipe opérationnelle qui identifie les projets les plus pertinents pour les faire changer d’échelle. Le déterminisme social se créée avant 3 ans ; l’écart se creuse au collège et devient encore plus béant au moment de la recherche d’emploi. Nous avons donc concentré nos efforts sur 3 axes : la petite enfance, la lutte contre l’échec scolaire et l’accès au premier emploi.
Break Poverty fait appel à la générosité des entreprises et fondations locales qui veulent traiter ces problèmes sur leur territoire. Les pouvoirs publics sont toujours très présents et leur abondement est multiple, par l’incitation fiscale et des subventions. Nous avons mené trois projets pilotes : notre objectif était de toucher 1000 jeunes à Romans-sur-Isère, ainsi qu’à Béthune ; à Nantes, nous ciblons une population de 10 000 jeunes. Notre ambition dans les deux prochaines années est de toucher 100 000 jeunes dans 50 territoires.
Comment Break Poverty agit sur le terrain ?
- En mobilisant toutes les parties prenantes car la pauvreté a des racines sociales, psychologiques, économiques…
- En créant des alliances territoriales nécessaires pour résoudre les problèmes au niveau local.
- En mettant l’accent sur la culture du résultat.
Bruno Lajara, fondateur et directeur général de l’Envol
Que faire quand on voit son territoire du Pas-de-Calais s’enfoncer, la jeunesse manquer de perspectives et de vision d’avenir ? J’ai créé l’Envol, Centre d’Art et de Transformation sociale qui s’adresse à la jeunesse NEET (Not in Education, Employment, Training) de 16 à 25 ans : je suis convaincu que l’art et la culture apportent une plus-value pour sortir de forts traumatismes.
L’Envol est une structure d’innovation sociale et d’expérimentation. Sa méthode est « la classe Départ« , mise en œuvre depuis 2015 à Arras, puis à Béthune, à Lyon en 2019. Nous allons essaimer dans les Yvelines, à Avignon et Roubaix. Ce dispositif travaille sur 3 volets.
- L’art comme moyen d’expression : pendant sept mois de service civique, les jeunes expérimentent des pratiques artistiques qui les aident à s’exprimer et avancer.
- Monter des projets citoyens avec eux : comment peuvent-ils agir dans leur territoire ?
- Ecrire avec eux leur projet de vie : quels sont leurs objectifs ? Trouver un logement, enclencher une formation, l’Ecole de la Deuxième Chance, rencontrer des entrepreneurs…
Depuis 2015, l’Envol a accompagné plus de 120 jeunes, avec 75 % de sorties positives. La fondation Break Poverty a permis à l’Envol de changer d’échelle, de stabiliser l’emploi dans l’association. Le maillage avec les entreprises du territoire améliore le placement de nos jeunes bénéficiaires. Break Poverty nous fait gagner du temps et améliore notre impact.
Rodolphe Dumoulin, Haut-Commissaire à la prévention et la lutte contre la pauvreté dans les Hauts-de-France
Dans chaque région, un commissaire met en œuvre la stratégie nationale de prévention et lutte contre la pauvreté, lancée par le Président de la République en 2018. La pauvreté commençait à reculer en 2019, notamment sous l’impact de la revalorisation de la prime d’activité, qui a quasiment fait disparaître les situations où le retour à l’activité n’était pas encouragé par le système social. Mais la crise sanitaire est un accélérateur du décrochage des jeunes et des demandeurs d’emploi.
Dans les Hauts-de-France, Break Poverty est un catalyseur des réponses publiques et privées. Des ressources publiques et privées font bouger les lignes mais cela va bien au-delà du financement : nous testons des approches innovantes que les institutionnels ne peuvent absorber par manque d’agilité. Il faut que des acteurs privés osent prendre des risques. Nous mutualisons nos différents leviers pour innover ensemble dans l’accompagnement des personnes. Je crois que la société a toujours précédé les pouvoirs publics en matière sociale.
Adrien Baudet, directeur de Koreis, conseil et recherche en impact social
Adrien Baudet, directeur de Koreis, conseil et recherche en impact social
Break Poverty a mis en place un dispositif ambitieux de mesure des impacts de la DAT : un logiciel de suivi des actions et des enquêtes annuelles auprès des entreprises et associations partenaires pour appréhender les retombées de l’action de la DAT. Plusieurs publications sont prévues pour évaluer la progression, de 2021 et 2023 : les actions de prévention de la pauvreté ne peuvent s’apprécier que sur un temps long.
Les données du rapport 2021 ont été collectées dans les 3 territoires pilotes : Nantes, Béthune, Romans-sur-Isère. Les premières conclusions sont très positives.
- 3000 jeunes bénéficiaires ont été accompagnés dans le cadre de la DAT. 84 % d’entre eux connaissent une évolution positive de leur parcours de vie : diplôme, qualification, emploi…
- La DAT permet aux associations de renforcer leurs capacités à agir, à se consolider (30 000 € par an, nouveaux mécènes, recrutements, changement d’échelle…) ; 80 % des associations disent que la DAT leur permet de mieux accompagner leurs bénéficiaires.
- Démocratisation du mécénat social : près d’un tiers des entreprises et philanthropes ont donné pour la première fois dans le cadre de la DAT ; plus de 70 % des entreprises donatrices sont des TPE et PME. La DAT facilite la mise en place du mécénat social, l’identification et l’impact des projets soutenus.
Valérie Daher, directrice de Break Poverty Foundation
Nous associons au diagnostic les entreprises, les acteurs publics, les associations pour comprendre les enjeux du territoire. Les partenaires du dispositif DAT s’engagent sur 3 ans pour que les associations sélectionnées aient des moyens et de la visibilité. A Romans-sur-Isère, nous en sommes à la fin de la 3è année de la DAT : le dispositif sera pris en mains par la mairie. Dans le cadre de cette passation, de nouveaux projets pourront être soutenus dans les 3 prochaines années.
Nous avons ouvert la Digitale Académie à Romans-sur-Isère, un campus universitaire connecté pour suivre des études supérieures dans la ville : elle connaît un très fort taux de décrochage après le bac car les jeunes peuvent difficilement aller étudier dans des villes universitaires. La Digitale Académie intéresse aujourd’hui beaucoup d’autres municipalités.
Avec la crise du Covid-19, notre engagement auprès des jeunes est plus nécessaire que jamais. L’année dernière, les associations ont été aidées par des dons spécifiques pour répondre à l’urgence sanitaire.
Un programme de formation est à la disposition des acteurs qui souhaitent s’engager dans une DAT.
Les délégués régionaux de Break Poverty accompagnent gratuitement la mise en place de la DAT.