Philanthropes en action #5 : Aider les jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance à s’émanciper
Philanthropes en action #5
Aider les jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance à s’émanciper
avec Aurélie Defrance, présidente de la fondation 16h24
]
L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) est un service placé sous l’autorité les départements. Elle a pour mission d’apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs en situation de danger.
En France, environ 370 000 jeunes sont ainsi confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Parmi eux, 170 000 se retrouvent placés en maisons à caractère social, foyers ou familles d’accueil. Séparés de leur famille, souvent ballotés dans plusieurs lieux de placement, ces enfants débutent leur existence avec beaucoup de difficultés. Entre 18 et 21 ans, une majorité ne bénéficie plus de la protection des institutions. Sans argent, sans logement, sans réseau, souvent sans projet clair, un certain nombre tombe ainsi dans la précarité et s’expose à de nombreux risques.
Créée en 2021, la fondation 16H24 sous l’égide de la Fondation Caritas est née de la volonté de se mobiliser pour ces jeunes, afin qu’ils aient l’opportunité de se construire un destin plus serein.
Entretien avec Aurélie Defrance, présidente fondatrice de 16h24.
Qu’est-ce qui vous amenée à vous engager dans la philanthropie ?
Mes parents m’ont sensibilisée dès l’enfance au fait de donner de manière désintéressée. Pendant mon parcours professionnel, j’ai initié une action de mécénat d’entreprise qui m’a apporté une première expérience d’aide à des associations de terrain. L’association soutenue permettait à des femmes SDF d’Ile de France d’accéder à des soins gynécologiques.
La vente de l’entreprise familiale dont j’étais actionnaire m’a permis d’aller plus loin en créant un projet philanthropique porté par une fondation.
Pourquoi avoir choisi l’Aide Sociale à l’Enfance comme axe de votre fondation ?
Un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance était rattaché à l’école où mes enfants étaient scolarisés.
J’ai été touchée par ces enfants qui arrivaient en groupe à l’école avec des éducateurs affectueux mais ne pouvant apporter le même niveau d’attention et de disponibilité que les parents présents. Au fil du temps, j’ai pu constater que nombre d’entre eux avaient une scolarité compliquée du fait de leur situation.
J’ai alors été plus attentive aux prises de parole et articles à leur sujet.
Une statistique en particulier a été beaucoup relayée en 2020 :
25% des personnes SDF en France ont été prises en charge par l’ASE enfants, 36% si l’on considère la seule tranche des moins de 30 ans.
Je suis sensible à la question de l’injustice du « 1er jour », celle qui ne donne pas les mêmes conditions de départ dans la vie. Ces enfants démarrent leur existence avec plus de difficultés et leur situation est moins connue, moins soutenue.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de les soutenir.
Que signifie le nom 16h24 ?
Les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance sont pris en charge par les Départements jusqu’à leurs 18 ans. S’ils ont un projet d’études ou un projet professionnel précis, ils peuvent bénéficier d’un Contrat Jeune Majeur renouvelable sous conditions jusqu’à leurs 21 ans.
La majorité se retrouve néanmoins forcée de prendre son autonomie à 18/19 ans alors qu’en moyenne les jeunes français quittent le foyer parental à 24 ans. Sans famille ou réseau sur qui compter, sans diplôme pour 70% d’entre eux, sans ressources, ils tombent plus facilement dans la précarité, les addictions, la radicalisation, la prostitution ou la délinquance.
Le passage à la majorité fait donc office de couperet, auquel les éducateurs et éducatrices les sensibilisent tôt, en les incitant à suivre des formations courtes et en leur apprenant à être autonome pour les tâches du quotidien.
Dès 16 ans la question de l’émancipation est source d’angoisse pour ces jeunes.
J’ai donc choisi de consacrer mon aide à la tranche d’âge 16-24 ans, période critique du passage à l’âge adulte. 16H24 évoque ce moment clé et l’urgence d’agir pour eux.
Pourquoi avez-vous décidé de financer des actions de plaidoyer ?
Comme le dit très justement Lyes Louffok (ancien enfant placé et « activiste » pour cette cause), « les enfants placés sont invisibles, ils n’ont pas de parents, pas de lobby, pas d’avocat, personne pour porter leur voix ». Ils sont également trop peu nombreux à voter pour intéresser les politiques.
Soutenir le lobbying d’anciens enfants placés (via Repairs ou via Les oubliés de la République) c’est :
- Permettre une prise de parole libre et forte alors que les plaidoyers dans ce domaine sont majoritairement portés par des structures dépendantes des fonds publics ;
- Reconnaitre et prendre en compte leurs avis d’experts pour faire évoluer l’Aide Sociale à l’Enfance ;
- Leur donner l’opportunité de se retrouver dans un collectif où chacun se comprend et se met en action.
Sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics sur la situation des jeunes confiés à l’ASE peut pousser nos élus et les acteurs du secteur à agir plus rapidement pour mieux accompagner ces enfants.
16h24 a également une mission d’acompagnement. Que faites-vous précisément ?
Avec l’octroi de bourses, 16h24 apporte des aides concrètes et immédiates à des jeunes connaissant ou ayant connu le placement. Ces bourses couvrent des besoins qui ne sont pas pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance et les aides publiques.
Leur couverture est vaste : aide financière pour l’octroi du permis, d’ordinateur ou de matériel professionnel, de frais de scolarité, de soutien scolaire…
Notre objectif est de débloquer des situations qui rendent plus difficile le parcours souhaité ou plus largement l’émancipation du jeune.
En quoi l’appartenance à Un Esprit de Famille vous a-t-elle permis de renforcer vos actions ?
En rejoignant Un Esprit de Famille, j’ai pu rencontrer d’autres fondations souhaitant aider les jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance. Grâce à elles, j’ai enrichi mes réflexions, identifié de nouveaux projets à financer et recueilli des avis sur des associations. Cela m’a également donné l’opportunité de co-financer avec 2 autres fondations un programme de bourses.
Un Esprit de Famille m’apporte ce qu’il me manquait : un partage d’expériences et la possibilité de m’associer sur des projets de financement.