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Transposition du dispositif de l’ISF-dons et abandon de l’ISF-PME

A l’issue des discussions menées par le CFF avec les services de Matignon et de Bercy, le ministre de l’Économie et des Finances confirme, dans un entretien accordé au journal Les Echos, le maintien de l’ISF-dons et l’abandon de l’ISF-PME dans le cadre de la future réforme de l’ISF.

Bruno Le Maire justifie cette décision par le fait que les PME « vont largement bénéficier de la libération et de la réorientation de l’épargne vers l’économie productive générée par notre réforme fiscale ». Pour rappel, cette réforme fiscale prévoit notamment de créer une flat tax de 30 % sur les revenus du capital et de transformer l’impôt sur la fortune (ISF) en un impôt sur la fortune immobilière (IFI), excluant ainsi les valeurs mobilières de l’assiette de l’impôt. Ces deux nouvelles mesures visent à encourager l’investissement dans les entreprises françaises et auraient été redondantes avec un report de l’ISF-PME sur un IFI-PME, qui permet aujourd’hui au contribuable de réduire du montant de l’ISF 50 % des sommes investies dans des PME, dans la limite de 45 000 euros.

Le dispositif de l’ISF-dons, qui permet quant à lui au contribuable de réduire de son ISF 75 % des sommes versées à des organismes éligibles (dans la limite de 50 000 euros) avait généré, en 2016, 250 millions d’euros de dons. Le futur IFI revenant à supprimer environ 50 % de l’assiette de l’ISF et les profils différant entre les deux catégories d’assujettis, le CFF avait alerté les pouvoirs publics d’une perte potentielle de 150 millions d’euros de dons pour le secteur des fondations.

L’annonce faite par Bruno Le Maire de la volonté du gouvernement de ne pas reporter l’ISF-PME (qui représentait 516 millions d’euros investis en 2016) sur un IFI-PME pourrait donc compenser cette perte, en faisant de l’IFI-dons l’unique dispositif de réduction du futur IFI. Encore faut-il qu’elle soit suivie par le Parlement car, ainsi que le relève le ministre de l’Économie et des Finances dans l’entretien accordé aux Echos, « les choses peuvent encore évoluer durant le débat parlementaire de l’automne ». Il convient par conséquent de rester vigilant sur la question, tout en poursuivant notre réflexion sur les alternatives au manque à gagner prévu par le passage de l’ISF à l’IFI.

Lisez l’article dans Les Echos 

Quelle place pour la philanthropie individuelle et familiale
dans le développement de projets sociaux et culturels en France ?

Le 30 mai 2017 est intervenu sur ce thème Jean-Paul Delevoye, ancien ministre, ancien président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), président de la commission des investitures aux élections législatives pour la République En Marche. Il a répondu aux questions des membres d’Un Esprit de Famille et des invités du fonds de dotation Entreprendre&+.
Arnaud de Ménibus, président fondateur d’Entreprendre&+ : à travers les différentes responsabilités que vous avez exercées, vous avez pu observer les tendances longues de la société française au cours des 20 dernières années. Pouvez-vous nous retracer les principales évolutions que vous avez constatées et comment vous les projetez dans l’avenir ? Que peuvent faire les citoyens engagés que nous sommes pour accompagner ces évolutions ?
Jean-Paul Delevoye : nous vivons actuellement une révolution culturelle à laquelle nous ne sommes pas préparés...
En premier lieu, nous assistons à l’éclatement des blocs politiques car les hommes et femmes des partis ne s’entendaient par sur un projet mais sur un concept du pouvoir. La France est un pays de la jouissance du pouvoir, non de l’exercice du pouvoir. Des éruptions citoyennes ont fragmenté cette logique des blocs. La nécessaire adhésion du citoyen a remplacé l’obéissance du citoyen à L’Etat. A mon sens, la nation est plus importante que l’Etat, qui n’est qu’une prestation de services.

La liberté individuelle est en marche partout dans le monde. L’individu doit construire lui-même sa propre croyance mais il n’a pas été formé à cela. Nous étions dans une forme d’l’insouciance collective jusqu’aux années 1986-87 car nous n’avions pas besoin de nous remettre en cause : chacun était assez stable dans ses convictions politiques, dans son travail, dans sa vie affective… Les croyances se transmettaient de génération en génération. Elles ont explosé sous le choc des réalités mais certaines se sont radicalisées. Nous sommes dans un moment crucial de radicalisation des positions, révélatrice d’une fragilité à ne pas pouvoir se remettre en question. La lutte des identités remplace la lutte des classes, la concurrence des territoires renforce l’esprit nationaliste, le vieillissement de la population crée une fragmentation d’intérêts démographiques. Les conflits d’intérêts générationnels, identitaires, territoriaux risquent de l’emporter. La mondialisation abat toutes les frontières économiques pour voir émerger des murs derrière lesquels se replier.

Les philanthropes ont un rôle essentiel à jouer dans ces moments. Il faut que vous mettiez en avant les causes que vous défendez. Pourquoi ? De Gaulle nous alertait déjà : quand on demande au peuple de défendre des causes, il se transforme. Quand on le laisse sur la défense de ses intérêts, il se déchire. Nous sommes dans un moment où le monde se déchire sur des intérêts. La défense des causes donne du sens. La vraie bataille est : quel est le sens collectif aujourd’hui qui rassemble les individus ? On ne peut pas construire un avenir commun sans avoir le sens de l’autre. Comment gérer les plus faibles qui fragilisent la société ? Nous avions pensé que la technologie et le progrès pouvaient tout régler, tout permettre. Mais la conscience de la fragilité est brutalement réapparue, liée à la fragilité de l’humain, d’un emploi, de l’environnement…

Actuellement, la vraie puissance du monde est à ceux qui détiennent les banques de données et qui vont influencer le comportement des individus. L’homme moderne sera-t-il un esclave qui s’enchaînera de façon volontaire ? Comment permettre à nos enfants, aux adultes de prendre le temps nécessaire de se construire des convictions, de faire des choix directement liés à leur liberté ?

Pour mettre en œuvre des solutions, l’Etat n’a pas votre souplesse, votre capacité d’emprunter des chemins d’innovation. Le monde est instable : il faut accompagner les gens dans cette période d’incertitude, ce que le service public ne sait pas faire. Nous avons besoin de réveiller les consciences pour que les citoyens ne deviennent pas des esclaves modernes d’émotions médiatiques fabriquées par d’autres. Il faut des espaces de dialogue, d’échange où le temps s’arrête, où surgit la capacité d’agir ensemble pour des causes qui nous transcendent et nous embellissent.

Arnaud de Ménibus : comment mobiliser l’engagement citoyen et créer un projet pour la société, comment pouvons-nous y contribuer ?
J.-P. Delevoye : je crois aux actions de caractère local, expérimental...
Les solutions ne sont pas les mêmes au nord et au sud du pays. Or la France est un pays d’ingénieurs où on veut placer les gens dans une norme. Il faut travailler sur la notion de prise de risque, de droit à l’erreur dans la fonction publique. Nous allons passer de la contrainte au contrat avec des objectifs. Vous avez des réflexions permanentes sur les causes que vous voulez défendre et les objectifs que vous voulez atteindre.

Je connais le choc de la confrontation entre un système politico-administratif qui veut imposer sa réalité et l’innovation qui vient du terrain et cherche à renverser les certitudes. Quand les gens se trouvent dans un environnement constructif, leur comportement se transforme. Vous contribuez à transformer l’environnement social qui transforme le comportement des gens.

Isabelle Bouzoud, fondation Brageac Solidarité : comment des projets que nous expérimentons et qui réussissent pourraient-ils être étendus dans l’espace public ? Actuellement, ces projets n’entrent dans aucune « case »…
J.-P. Delevoye : quand vous obtenez un résultat par un chemin différent, vous contestez le système, vous lui échappez en le mettant en situation d’échec...
Une fondation a expérimenté le maintien de la cellule familiale, même si l’un des parents était alcoolique ou drogué : les effets ont été extrêmement positifs sur le comportement des enfants, avec une diminution des violences à l’école. Mais étendre ce projet en s’appuyant sur les Caisses d’Allocations Familiales a été impossible. Nous réfléchissons à la création de fonds d’amorçage sur le droit à l’innovation dans la fonction publique. La contribution philanthropique n’est pas une concurrence de l’Etat mais un champ d’expérimentation qui permet au service public d’innover tout en faisant des économies. La comptabilité publique ne connaît par le retour sur investissement… Le coût social doit devenir une politique d’investissement social.

Dans le traitement du handicap par exemple, on oublie l’enrichissement qu’apporte un handicap à la vie de la société. C’est un choc culturel. On ne comptabilise pas ce qu’apporte un enfant handicapé dans une classe « normale ». Dans le soins palliatifs, c’est à partir d’un noyau professionnel très fort que la valorisation du service se fait avec des bénévoles. Ce sont des combats où l’action publique et l’action philanthropique sont complémentaires.

Elisabeth Terrien, fondation CAJJED : dans la société française on ne donne pas assez de place à l’apprentissage du don dans l’éducation dès le plus jeune âge. Comment mobiliser les jeunes pour qu’ils donnent du temps aux autres et que cela devienne normal ?
J.-P. Delevoye : les notions d'empathie, d'altérité se construisent en effet dès l’école maternelle...
Nous réfléchissons par ailleurs à un 14 juillet qui ne soit pas seulement militaire mais aussi citoyen, qui mette en avant des personnes actives dans la pacification sociale. Les gens ont besoin de se parler. Au-delà de la cohésion sociale, nous avons besoin de trouver la vitalité sociale. Il y a quelques jours s’est déroulée une initiative que je trouve extraordinaire, un concours d’éloquence en Seine Saint-Denis, pour révéler des talents grâce à la langue française.
Blandine Mulliez, fondation Entreprendre : les fondations territoriales publiques recueillent des dons privés pour aider des territoires en finançant des projets de proximité. C’est un maillage entre privé et public. Qu’en pensez-vous et quelle potentialité ont-elles ?
J.-P. Delevoye : l’OCDE a indiqué que le taux d’imposition des entreprises dans le monde est passé de 35 à 25 %...
Donc les ressources publiques diminuent. Les relations entre les collectivités locales et l’Etat vont se traduire par des difficultés de ressources, moins d’argent et plus de besoins d’investissements.

L’action publique voulait créer l’unité et la conformité et ne sait traiter que la masse. Aujourd’hui, il faut traiter les problèmes dans leur diversité. Il faut que l’autorité publique ait l’humilité de transférer et déléguer ce qu’elle ne sait pas faire. Vous êtes dans l’enthousiasme face à des partenaires publics qui sont dans l’angoisse de préserver leurs structures. Il faudrait des espaces où s’apprivoiser les uns les autres et bâtir des partenariats public-privé dans les sens des innovations sociales. Les philanthropes nous alertent sur des sujets que, personnellement, je connaissais très peu comme les violences psychiques, l’autisme, les problèmes des familles monoparentales…

Déjà au Forum de Davos en 2014, la dislocation sociale était identifiée comme le plus important risque du monde actuel. Nous sommes entrés dans ce monde et vous apportez des réponses.

 

Sabine Roux de Bézieux introduit les débats, aux côtés de Jean-Paul Delevoye et Arnaud de Ménibus

7 ans de la fondation Caritas

Créée en 2009 à l’initiative du Secours catholique, la fondation Caritas a fêté ses 7 ans le 25 avril 2017. 3 membres d’Un Esprit de Famille ont partagé leur expérience au cours d’une table ronde. 

ont été invitées à s’exprimer sur  l’étude de Nicolas Duvoux  intitulée La  fondation des familles, menée sur le base des interviews de 17 fondateurs.

Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis, chercheur au CRESPPA-LabToP et rédacteur en chef de La Vie des Idées. Son étude La  fondation des familles répond à de nombreuses questions : quels itinéraires suivent les fondateurs de fondations familiales ? Quelle professionnalisation connaissent-ils ? Quelles relations nouent-ils avec leurs pairs ? Comment la fiscalité impacte-t-elle leurs décisions ?, etc.

UEDF organisera d’ici quelques mois une réunion au cours de laquelle toutes les réponses vous seront données par le principal intéressé !

Accompagner la fin de la vie

L’accompagnement des grands malades et de la fin de la vie est un droit en France mais seules 20 % des personnes concernées en bénéficient. Comment diffuser la culture des soins palliatifs et mourir dans de meilleures conditions ? Comment adoucir les douleurs  du deuil ? Une vingtaine de membres d’Un Esprit de Famille se sont réunis le 9 mars 2017 autour de 4 associations qui agissent pour les soins palliatifs ou accompagnent les personnes endeuillées. 

Le débat était animé par Didier Berthelemot, cofondateur du fonds de dotation Le Chant des Etoiles dont l’un des principaux axes d’intervention et l’accompagnement de fin de vie. Les 4 associations se sont présentées avant de répondre aux questions de l’assistance.

ASP fondatrice forme des accompagnateurs bénévoles
 

Antonio Ugidos, délégué général de l’ASP fondatrice : ASP fondatrice développe l’Accompagnement des Soins Palliatifs dont chacun peut bénéficier dès l’annonce d’une maladie grave évolutive. Cependant, les soins palliatifs sont toujours globalement perçus comme un accompagnement des personnes proches de la mort. Ils prônent une approche holistique de la personne qui prend en compte sa douleur physique, sa souffrance morale, ses questions spirituelles et existentielles. La famille et les proches du malade peuvent également être accompagnés.

2 infirmières ont créé l’ASP fondatrice en 1984. Aujourd’hui, l’association compte 250 bénévoles répartis dans 37 établissements ; plus de 10 000 personnes sont accompagnées par an. Accompagner signifie être présent, être à l’écoute pour que les malades ne se sentent pas abandonnés. Le bénévolat d’accompagnement est encadré par la loi de 1999. Son article 1 stipule : « Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à de l’accompagnement. » Or 20 % seulement des Français concernés en bénéficient. Un énorme travail d’information et de formation est à réaliser auprès des soignants et des équipes qui accompagnent les malades. D’ailleurs, de plus en plus de médecins s’y intéressent.

Empreintes soutient les personnes qui ont subi un deuil, quelle qu'en soit l'origine
Hélène Tournigand, déléguée générale : je suis devenue bénévole en soins palliatifs à la Maison médicale Jeanne Garnier. J’ai alors découvert le champ du deuil et les besoins énormes pour faire connaître sa réalité, son processus, sa temporalité. Or, selon une étude du CREDOC de 2016, seulement 3 % des Français se sont fait aider lors d’un deuil mais
97 % de ceux qui l’ont fait ont trouvé cette aide irremplaçable.

Empreintes est né il y a 22 ans et accompagne toutes les personnes touchées par un deuil, enfants, adolescents et adultes, quelle que soit la cause du deuil. Empreintes intervient par une écoute téléphonique, des entretiens, des groupes d’entraide et des rencontres organisées un autour d’un thème. Empreintes est également un organisme agréé de formation pour les accompagnateurs bénévoles.

Le deuil est naturel, il fait partie de la vie. Le processus de cicatrisation est moins douloureux avec un accompagnement. L’approche du deuil d’Empreintes est holistique : elle concerne la santé, les émotions, les questions existentielles…. Empreintes développe des formations pour diffuser cette culture du deuil dans les entreprises, les mutuelles, les écoles.

La fondation Saint-Jean de Dieu accueille des populations particulièrement vulnérables en fin de vie à Marseille
Olivier Quenette, directeur de l’EHPAD* de la fondation Saint-Jean de Dieu à Marseille : la fondation Saint Jean de Dieu, reconnue d’utilité publique en 2012 est une émanation de l’Ordre hospitalier du même nom, créé en 1602. La Fondation regroupe 6 établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux en Bretagne, à Paris et Marseille.

L’EHPAD Saint-Barthélémy à Marseille que je dirige fut créé en 1852 pour accueillir des vieillards pauvres et nécessiteux. L’EHPAD accueille aujourd’hui 245 résidents, issus de la rue, de services psychiatriques, souffrant de maladies neurodégénératives… La moyenne d’âge est 76 ans. Notre approche se veut aussi holistique, en mettant en oeuvre chaque jour les 5 valeurs de l’Ordre : hospitalité, qualité, respect, spiritualité et responsabilité. La plupart des résidents n’ont pas de famille, donc l’accompagnement, de fin de vie ou non, est très important.

La fin de vie est une orientation stratégique de l’Ordre dans les 5 années à venir. A Marseille, nous avons établi une convention avec une équipe de soins palliatifs. Une loi de 2014 oblige à trouver une alternative à l’incarcération à partir de 72 ans. Les personnes âgées sortant de prison sont accueillies dans notre EHPAD depuis 2009 et nous avons le projet d’ouvrir 40 lits supplémentaires pour elles.

*EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Visitatio, « start-up » associative, lance un projet innovant d’accompagnement à domicile
Jean François Vié, cofondateur de Visitatio : Visitatio s’inspire d’une expérience emblématique en Inde, dans le Kerala, où la mort est considérée comme une étape de la vie, avant d’être un problème médical : des communautés constituées assurent l’accompagnement de fin de vie. En France, les soins palliatifs se sont d’abord développés en milieu hospitalier et seulement 27 % des Français meurent chez eux. L’effort actuel en faveur du maintien à domicile dessine une perspective dans laquelle la dimension médicale est l’une des composantes de la fin de vie ; les autres composantes à prendre en compte sont les dimensions humaine, familiale, sociale, psychologique et spirituelle.

Le modèle de Visitatio s’appuie sur la mobilisation de la société civile, en partant d’associations locales déjà constituées, dont les membres se saisissent de l’accompagnement en fin de vie. Nous démarrons un pilote fin avril. Nous formons actuellement les équipes pour un accompagnement professionnel, qualitatif  et durable. Nous espérons ainsi renforcer les solidarités locales, tout en mettant en place des indicateurs concrets pour mesurer nos résultats.

Comment se différencie l’accompagnement à l’hôpital de celui à domicile ?
ASP fondatrice : à domicile le bénévole est plus autonome mais il s'intègre dans une équipe
Jean-François Combe, président d’ASP fondatrice et accompagnant bénévole dans un service clinique : au domicile le bénévole est seul avec le malade, il n’est pas entouré des soignants et doit donc être autonome. Les bénévoles à domicile de l’ASP fondatrice sont formés aux premiers gestes de secours. Actuellement, seulement 18 bénévoles sur 250 vont à domicile mais nous voulons développer cette forme d’accompagnement.

Au domicile le bénévole a une proximité, une intimité plus grande avec le malade. Il y a parfois un risque de surinvestissement. Il n’est pas là pour créer du lien, mais pour être présent, ici et maintenant. Pour éviter cet écueil, les bénévoles travaillent en équipe : plusieurs bénévoles se relaient auprès d’un malade.

Empreintes : une éthique du bénévole en 3 axes
Hélène Tournigand : l’éthique du bénévole d’Empreintes se fonde sur des connaissances des pratiques. Elle se décline en 3 axes pour éviter le surinvestissement des bénévoles :

  • une formation pour connaître le processus de deuil et ses répercussions sur les personnes,
  • le respect et la compréhension de la souffrance de la personne endeuillée,
  • la distanciation de son propre vécu.
Les aidants sont souvent très démunis devant les souffrances de leurs proches. Comment aider les aidants ? 
L'aide aux aidants s'est beaucoup développée en France
Plusieurs organismes se consacrent à l’aide aux aidants :

L’ASP fondatrice accompagne le malade et ses proches.

Une personne extérieure formée aux soins palliatifs, sans lien affectif avec le malade, soulage les proches et permet parfois au malade d’exprimer ce qu’il n’ose dire à sa famille.

Comment répondre aux demandes des malades qui veulent en finir avec la vie ? 
Les demandes d'euthanasie diminuent fortement quand les malades sont accompagnés
Les bénévoles formés au soins palliatifs sont là pour accueillir des paroles telles que « Je veux en finir… Je ne suis plus utile à personne… » Une étude a été réalisée à la Maison médicale Jeanne Garnier : quand les malades sont écoutés, accompagnés, que leur souffrance physique, morale, spirituelle est prise en compte, 96 % des demandes d’euthanasie disparaissent. D’où l’urgence de développer la culture des soins palliatifs.

Par ailleurs, une prise en charge précoce par les soins palliatifs est économiquement rentable : ses conséquences sont moins de traitements, moins de maladies psychosomatiques, moins d’absentéisme des proches dans leur travail.

L’équilibre de la loi française est très spécifique : ni acharnement thérapeutique, ni euthanasie. L’objectif des soins palliatifs est de faire disparaître la souffrance mais pas la personne qui souffre.

Toute notre société est orientée vers l‘efficacité et l’utilité : il est nécessaire de respecter et soutenir les personnes qui, à certains moments de la vie, ne se sentent pas « utiles ».

 

Développer en France une culture des soins palliatifs

Cession/transmission de titres d’entreprise :
un levier philanthropique à anticiper

Petit déjeuner organisé le 24 janvier 2017 par la fondation d’Auteuil 

De nombreux chefs d’entreprises ou cadres dirigeants se posent la question de leur engagement philanthropique après avoir vendu leurs titres. Or plus le projet philanthropique est anticipé, plus les avantages sont importants pour le donateur et pour l’organisme bénéficiaire, plus l’impact est fort pour l’intérêt général. Les formes d’action avant la vente des titres ne manquent pas – don de titres en pleine propriété, donation temporaire d’usufruit ou donation en nue-propriété – et différents degrés d’engagement sont également envisageables.

Crama Trouillot du Boÿs, cofondatrice et présidente du fonds de dotation Impala Avenir, membre d’Un Esprit de Famille, a choisi avec son mari de créer ce fonds doté de titres de leur entreprise avant cession ; leur valeur assure l’autonomie de fonctionnement du fonds pour 5 ans. Au cours du petit déjeuner qui rassemblait un grand nombre de banquiers et quelques journalistes, Crama Trouillot du Boÿs a relaté les différentes étapes pour rendre actif le fonds de dotation et l’importance d’adhérer à des associations telles qu’Un Esprit De Famille pour l’accompagner dans sa démarche.

Les nouvelles formes de philanthropie

Deux avant-gardistes de la philanthropie, membres d’Un Esprit de Famille ont créé des modèles novateurs : Alexandre Mars (fondation Epic) et Pascal Vinarnic (fondation Demeter). 30 membres d’Un Esprit de Famille se sont réunis autour d’eux pour échanger sur les nouvelles formes de philanthropie. Tessa Berthon (fondation la Ferthé, membre du conseil d’administration d’UEDF) menait les débats dont voici des extraits. 

Tessa Berthon : la fondation Epic, née en 2014, se présente comme une start-up à but non lucratif qui a pour mission d’offrir un avenir meilleur aux jeunes de 0 à 25 les jeunes dans le monde ; son action est basée sur la confiance à qui l’on donne, la traçabilité de ce que l’on donne et la transparence de l’objet auquel on donne. La fondation Demeter, née en 1994, met en œuvre des projets pilotes pour renforcer les compétences et l’autonomie financière des structures qui mènent des actions humanitaires et sociales ; la fondation Demeter leur apporte à la fois appui financier et conseil.

Pouvez-vous nous expliquer plus précisément en quoi vos fondations innovent dans la philanthropie ?

Alexandre Mars
Avant de créer Epic, j’ai effectué une étude de marché pendant 2 ans et un tour du monde. J’ai rencontré beaucoup de gens qui aimeraient donner plus mais ne le font pas parce qu’ils n’ont pas confiance dans les associations, à la suite à plusieurs scandales, et parce qu’ils manquent de temps et de connaissances. Il est difficile de choisir parmi les très nombreuses organisations de solidarité existantes.

Epic propose des outils qui répondent à ces problématiques.

  • Nous avons créé un processus unique de sélection, avec l’aide de 150 partenaires (fondation Gates, Ashoka, Fondation de France…). L’année dernière nous avons reçu 1900 candidatures d’associations. 8 personnes chez Epic les analysent selon 45 critères de sélection. Nous retenons au final moins de 1 % des candidats : nous soutenons entre 7 et 12 nouvelles organisations chaque année, pour une durée de 3 ans. Nous recherchons des financements pour ces organisations, sans aucune commission pour Epic car je finance moi-même ce processus de sélection et toute la structure d’Epic. Nous sommes présents dans de nombreux pays pour répondre aux souhaits des donateurs qui veulent investir localement.
  • Deuxième outil, qui favorise la traçabilité : notre application mobile permet de suivre la réalité du terrain des programmes sélectionnés. Par ailleurs, nous continuons à analyser les organisations choisies et partageons tous les semestres les résultats avec les donateurs.
  • Troisième outil d’expérience et de transparence : les donateurs visitent les organisations, où qu’elles soient. Nous avons filmé ces organisations en réalité virtuelle pour mieux percevoir encore la réalité du terrain.

Notre modèle est en constante évolution et nous sommes prêts à partager notre base qui répertorie 2500 organisations.

Pascal Vinarnic
Si Alexandre a choisi d’innover dans la façon de faire, Demeter a l’ambition d’innover dans la façon de financer. Nous testons une idée en lançant un projet pilote pour 25 à 50 bénéficiaires sur 3 à 5 ans. A partir des résultats, nous faisons grandir l’idée et la généralisons.

Entre 1994 et 2006, Demeter s’est penché sur la microfinance. Nous avons financé une quarantaine d’institutions de microfinance en Inde et en Amérique du Sud pour analyser comment des femmes en position d’agent économique changent la nature de la communauté. Les taux de remboursement étaient excellents. Mais à court terme, la microfinance ne fait pas sortir les femmes de la pauvreté : une femme qui gagne 1 $ par mois et emprunte 250 $ gagne 3 $ par mois au bout de 3 ans. Ce fut une grosse déception… Il faut analyser les retours sur 20 ans pour une sortie de pauvreté : au Bendaglesh, les enfants des femmes qui ont emprunté vont à l’université.

Depuis 10 ans, Demeter travaille sur l’entrepreneuriat comme voie d’insertion ou de réinsertion des jeunes à risque de 16 à 24 ans (délinquants, drogués, handicapés…), soit 850 millions de jeunes dans le monde qui n’ont pas accès à l’emploi. Ma conviction est qu’on peut les insérer par le travail. L’entrepreneuriat permet au jeune de reprendre le contrôle de ses décisions et de sa vie. Demeter a financé des projets pilotes avec des fonds d’investissement, par exemple The Financer à New York : ce fonds finance chaque année 80 anciens délinquants qui ont passé entre 10 et 15 ans en prison. Ils sont accompagnés pour créer leur entreprise pendant 6 mois avant et 12 mois après leur sortie de prison. Résultats au bout de 7 ans : 85 % de réinsertion, – 5% de récidive, pour un coût de 35 000 $ par personne (à New York, le coût pour la collectivité d’une récidive s’élève à 75 000 $). Ce type de projet souligne également la valeur du mentorat : 5 à 8 personnes de diverses compétences s’occupent de chaque jeune.

Actuellement, Demeter travaille sur un Contrat à Impact Social (CIS) proposant une alternative à l’incarcération à Marseille : le programme d’Alternative à l’Incarcération par le Logement et le Suivi Intensif (AILSI) pour des personnes déférées en comparution immédiate, sans domicile et vivant avec une maladie psychiatrique sévère. Le CIS est un outil financier correspondant à une donation remboursable : suivant le taux de réinsertion, les pouvoirs publics remboursent aux investisseurs privés leur mise de départ. En cas de succès, le programme est étendu.

Tessa Berthon : quelles sont les limites de vos modèles ? Quelles difficultés principales rencontrez-vous ? 

Alexandre Mars
La plus grande difficulté est de convaincre les gens de donner, c’est un challenge de tous les jours ! Notre plus grand avantage est la jeune génération qui veut être employée par des entreprises qui donnent du sens au travail. En France, Caudalie donne 1% de ses revenus pour la protection des femmes. Cojean donne 10% de ses profits. Il faut structurer la philanthropie et qu’elle devienne une obligation pour les entreprises. Le plus compliqué est toujours de changer les mentalités.

 

Pascal Vinarnic
L’une de nos difficultés principales est de mesurer l’imapct de nos actions. Il n’existe pas de mesure homogène de l’impact social. Quels sont les bons critères de réinsertion ou d’éducation ? Comment comparer les coûts et les bénéfices pour la société du bracelet électronique ? On est en retard dans ce domaine. Il faut accepter de mesurer l’impact, définir ce qu’il faut mesurer et développper des méthodologies et des outils. Dans le CIS de Marseille (le plus important CIS en Europe), 4 millions d’euros sur un budget de 17 millions sont consacrés à mesurer l’impact du programme.

 

Tessa Berthon : quelle est la part de votre financement dans le budget des associations que vous soutenez ? 
Alexandre Mars
Epic finance des organisations entre 250 000 euros et 20 millions de budget. Dans certains pays, il existe des organisations extraordinaires qui fonctionnent avec un budget restreint. Notre contribution financière se limite à 20 % des ressources financières pour que les organisations ne soient pas dépendantes. Nos dons ne sont pas affectés à un projet précis.
Pascal Vinarnic
Sur un pilote, Demeter peut monter à 50% du budget mais j’exige 50% de financement local : il est très important de travailler avec un partenaire local qui connaît bien le terrain. Demeter finance l’investissement et le fonctionnement sur 3 à 5 ans. Les 2 années suivantes, nous aidons les associations à trouver d’autres financements.

 

 

Pour conclure 
  1. Les processus de sélection sont essentiels mais n’occultent pas la dimension émotionnelle du don qui est souvent le fruit d’un coup de cœur ou d’une rencontre.
  2. Les associations sont extrêmement diversifiées ; la recherche d’efficacité est nécessaire mais ne doit pas niveler cette diversité.
  3. De nouveaux outils et de nouvelles structures pour faciliter l’investissement socialement responsable sont en train d’émerger, comme les benefit corporations (B corps : sociétés d’impact social).
Un Esprit de Famille
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