Comment recréer du lien social pour lutter contre les solitudes ? (visioconférence)

7 millions de personnes souffrent d’isolement relationnel en 2020, soit 13 % des Français.

Le nombre de personnes isolées augmente chaque année et comprend de plus en plus de jeunes. La pandémie accroît la précarité, l’une des principales causes de l’isolement.

Depuis 2010, l’Observatoire de la Fondation de France conduit une étude annuelle sur les solitudes en France : Laurence de Nervaux, responsable de l’Observatoire, analyse les résultats de l’édition 2020.

3 associations présentent leurs actions pour lutter contre l’isolement dans toute la population (Astrée) ou chez des cibles spécifiques comme les agriculteurs (Solidarité Paysans) ou les adolescents (Maison des Adolescents).

 

Visoconférence animée par Cyril Maury, fondateur du fonds de dotation Après-Demain, vice-président d’Un Esprit de Famille

Laurence de Nervaux, responsable de l’Observatoire de la Philanthropie à la Fondation de France

Depuis 10 ans, l’Observatoire de la Fondation de France publie une étude annuelle sur les solitudes. Ces études mesurent « l’isolement relationnel objectif », qui diffère du sentiment de solitude : elles se concentrent sur les contacts des personnes de visu à travers 5 grands réseaux : la famille, les amis, les voisins, les collègues de travail et les activités associatives. Ces critères sont actuellement challengés par la pandémie.

Notre dernière étude relate une enquête sur le terrain réalisée sur 3000 personnes en janvier 2020, donc avant la pandémie.

  • L’isolement relationnel progresse fortement : 7 millions de personnes sont concernées, soit 14 % des Français en 2020 (10 % en 2010).
  • Les personnes âgées sont les plus concernées : 1 sur 3 est isolée.
  • La situation des jeunes est préoccupante : 13 % des jeunes sont en isolement relationnel en 2020, contre 2 % en 2010.
  • 22 % des Français n’ont qu’un seul réseau de sociabilité, le réseau amical étant le plus stable. Le réseau familial progresse, les réseaux de voisinage et associatif s’affaiblissent chaque année.

Les facteurs aggravants

  • La précarité mais les personnes qui disposent de hauts revenus sont désormais concernées : de 6 à 11 % de 2016 à 2020.
  • La santé : les malades limitent leurs contacts, notamment de peur d’être un poids pour leurs proches.
  • L’horizon de mobilité a un lien très direct avec l’isolement relationnel. Il se réduit à cause contraintes financières, de contraintes de santé, du temps de travail.

 

Quelles sont incidences de la crise du Covid sur l’isolement ?

Une enquête a été menée en mai et juin 2020, puis en janvier 2021.

  • Les personnes isolées ont moins mal vécu le premier confinement, le poids de la solitude étant partagé par tous. Le premier confinement a généré un sursaut de solidarité qu’il faut faire durer.
  • Comme la précarité augmente, l‘isolement, qui lui est fortement lié, augmente.
  • La communication à distance ne remplace pas la sociabilité de visu. Les personnes qui ont une forte sociabilité basculent plus facilement dans la communication à distance.
  • L’accoutumance à la restriction des liens sociaux peut générer une peur de l’autre : moins on se voit, moins on se fait confiance.
  • La distanciation sociale supprime les contacts intermédiaires : ainsi elle amoindrit notre capacité d’empathie et c’est une menace pour la cohésion sociale.

Astrée : rompre la solitude à tous les âges

Djelloul Belbachir, délégué général de l’assocation Astrée

Depuis plus de 30 ans, Astrée se donne pour mission de rompre l’isolement à tous les âges de la vie. On parle souvent du sentiment de solitude des personnes âgées mais les plus jeunes sont largement concernés.

Nous intervenons grâce à notre expertise de l’écoute personnalisée et de l’accompagnement relationnel. 700 bénévoles d’Astrée agissent dans 21 villes en France. Ils sont formés à l’écoute et s’engagent à suivre des groupes de régulation tous les mois pour débriefer des situations qu’ils rencontrent.

Astrée agit dans 3 directions :

  • Accompagner des adultes : le même bénévole accompagne la même personne dans la durée, 1 h 30 à 2 h par semaine. Les bénévoles deviennent des personnes de confiance. Les personnes accompagnées ont en moyenne 49 ans : 75 % sont des femmes, 86 % vivent seules et 60 % sont inactives. La solitude a des conséquences sociales et sanitaires : par exemple, 43 % des personnes qui se sentent seules consomment des psychotropes, contre 11 % pour l’ensemble de la population.
  • Accompagner 3000 jeunes :
    • Collégiens : « Attentifs aux autres » est notre programme de soutien par les pairs ; l’accent est mis sur l’accueil en 6è car cette transition est délicate.
    • Lycéens : des professeurs sont formés pour mettre en place des points d’écoute pour les jeunes.
    • Etudiants : nous favorisons la mise en relation de jeunes qui n’ont pas bénéficié d’intégration pendant la crise du Covid.
  • Faire avancer la cause : le sujet de la solitude est mal connu. Il faut briser le tabou : Les deux tiers des personnes qui vivent dans la solitude n’osent pas en parler. Nous avons lancé la journée nationale des solitudes le 23 janvier, notamment avec des spots télévisés qui ont un gros impact. Nous avons créé un kit de sensibilisation pour que chacun puisse agir à son échelle.

Solidarité Paysans : combattre l'isolement de familles d'agriculteurs et les soutenir pour résoudre leurs difficultés

Elisabeth Chambry, directrice de l’association Solidarité Paysans de Bretagne

Lutter contre l’isolement est un axe de travail important de notre association : il est prépondérant dans les difficultés que rencontrent les paysans que nous accompagnons. Solidarité Paysans de Bretagne fait partie du réseau Solidarité Paysans qui comprend 30 associations régionales.

En Bretagne, nous accompagnons chaque année 350 familles rurales, dont beaucoup de producteurs de lait : c’est un métier très prenant et difficile.

Les personnes en difficulté nous appellent, souvent pour une urgence, comme un huissier qui arrive. Nous gérons l’urgence puis déployons une approche globale. Plusieurs rencontres sont nécessaires pour établir un diagnostic partagé puis coconstruire un plan d’actions. Nous aidons les personnes dans les démarches, notamment administratives, qui peuvent être très lourdes.

Nous visons aussi une aide à la personne, affaiblie par des années de difficultés. Agriculteur est la profession qui connaît le plus fort taux de suicide. Nous aidons la personne à se reconstruire intérieurement et extérieurement pour qu’elle se mobilise dans l’objectif du redressement. Les accompagnements peuvent s’étaler sur plusieurs années.

Une famille est accompagnée par un salarié en binôme avec un bénévole qui a un rôle de pair – l’association compte 10 salariés et 120 bénévoles. Il y a aussi un portage collectif car les problématiques sont complexes et transverses : par exemple, la comptabilité n’est plus tenue, ce qui coupe également les droits sociaux et les crédits.

Quelles sont les causes des difficultés ? Les problèmes de santé sont une cause majeure. Également des problèmes de structures d’exploitation, familiaux, de financement…

Les partenaires de nos accompagnements sont les travailleurs sociaux, les services des conseils départementaux, la fondation Abbé Pierre pour le logement, diverses organisations agricoles…

Les freins rencontrés sont l’isolement et le manque d’information, le déni de la situation, la perte de confiance et de mobilisation, la peur d’être jugé.

Maisons des Adolescents : écouter et accompagner les jeunes en difficulté

Delphine Rideau, directrice de la Maison des Ados de Strasbourg et secrétaire générale de l’Association Nationale Maisons de Adolescents

110 Maisons des Adolescents existent en France depuis 2000 : ce sont des lieux d’écoute et d’accompagnement des jeunes de 11 à 25 ans, ainsi que de leurs familles et leurs proches. La deuxième cause de mortalité chez les adolescents est le suicide. Des ruptures de période sont difficiles à gérer, comme l’entrée en 6è et en 2è.

Les équipes des Maisons des Ados sont pluridisciplinaires, rassemblant professions médicales, paramédicales et travailleurs sociaux.

  • Le socle de l’activité est d’accueillir et accompagner par des entretiens individuels ; ils sont gratuits, sans formalité administrative, avec ou sans rendez-vous. L’anonymat est possible. La radicalisation est une tentation notamment quand on n’est pas écouté.
  • Les entretiens individuels, mais aussi des ateliers artistiques, sportifs ou culturels aident à exprimer des souffrances. Le cirque, le théâtre ou la photographie ont une composante thérapeutique.
  • Le troisième mode d’intervention en cours de développement est la mobilité, pour aller vers les jeunes. Beaucoup d’antennes existent dans des villes secondaires.
  • Un quatrième mode d’intervention est en développement sur les territoires numériques. C’est un formidable outil pour nous contacter de façon anonyme et entretenir des relations avec des jeunes qui vivent dans des zones rurales, entre des rendez-vous physiques.

Nous intervenons de plus en plus en milieu scolaire pour la prévention primaire : sexualité, addictions, famille, scolarité, thème particulièrement sensible depuis la crise sanitaire. Les jeunes ont beaucoup de difficultés à rester investis dans leur parcours scolaire, les décrochages sont difficiles à vivre pour eux et leur famille.

Notre projet des ambassadeurs de La Maison des Ados de Strasbourg est soutenu par la Fondation de France : des étudiants en travail social ou psychologie sont ambassadeurs de la Maison des Ados sur les réseaux sociaux, dans la logique des pairs aidants.

Brik’école est un projet de solidarité pour les décrocheurs scolaires. Il n’existe pas de solution pour des grands décrocheurs dans l’Education Nationale. Nous avons un projet de scolarité adaptée, avec ateliers et soins.

Le réseau VIRAGE prévient la radicalisation de jeunes isolés et décrocheurs qui sont des proies pour les mouvements idéologiques radicaux et parfois violents. Le transgénérationnel est un bon outil de prévention et de prise en charge des jeunes en dérive radicale : l’échange avec des personnes de la génération des grands-parents est souvent plus porteur qu’avec la génération des parents.

La solitude est un phénomène lié à l’évolution des sociétés occidentales : individualisation des modes de vie, défiance envers les institutions, développement des sociabilités virtuelles… Les pays du Sud de l’Europe connaissent plus de sociabilité familiale qui sont des réseaux très résilients, pour toute la vie.

Sortir les jeunes de la pauvreté par la Dotation d’Action Territoriale (visioconférence)

Visioconférence le 8 mars 2021

 

« Je crois profondément au déterminisme social mais je crois aussi profondément en la force de l’humain » (pour sortir de ce déterminisme). Dans cet état d’esprit, Bruno Lajara a fondé l’Envol, l’une des associations « pépites » soutenues par la fondation Break Poverty. Break Poverty a créé le dispositif de Dotation d’Action Territoriale (DAT) pour identifier et soutenir les associations les plus pertinentes qui luttent pour « un monde où les enfants pauvres ne deviennent pas des adultes pauvres. »

Les acteurs de la DAT qui s’expriment dans cette table ronde montrent comment Break Poverty façonne des alliances territoriales avec les entreprises, les pouvoirs publics et les associations pour lutter plus efficacement contre la pauvreté.

Denis Metzger, président fondateur de Break Poverty Foundation : la France est l’avant-dernier pays de l’OCDE en matière d’égalité des chances, c’est un drame national. Je trouvais qu’il y avait un déficit d’analyse de la cause de ce problème : c’est pourquoi, avec des amis, nous avons créé Break Poverty Foundation en 2017. Break Poverty est un think tank et un acteur grâce à son équipe opérationnelle qui identifie les projets les plus pertinents pour les faire changer d’échelle. Le déterminisme social se créée avant 3 ans ; l’écart se creuse au collège et devient encore plus béant au moment de la recherche d’emploi. Nous avons donc concentré nos efforts sur 3 axes : la petite enfance, la lutte contre l’échec scolaire et l’accès au premier emploi.

Break Poverty fait appel à la générosité des entreprises et fondations locales qui veulent traiter ces problèmes sur leur territoire. Les pouvoirs publics sont toujours très présents et leur abondement est multiple, par l’incitation fiscale et des subventions. Nous avons mené trois projets pilotes : notre objectif était de toucher 1000 jeunes à Romans-sur-Isère, ainsi qu’à Béthune ; à Nantes, nous ciblons une population de 10 000 jeunes. Notre ambition dans les deux prochaines années est de toucher 100 000 jeunes dans 50 territoires.

Comment Break Poverty agit sur le terrain ?

  • En mobilisant toutes les parties prenantes car la pauvreté a des racines sociales, psychologiques, économiques…
  • En créant des alliances territoriales nécessaires pour résoudre les problèmes au niveau local.
  • En mettant l’accent sur la culture du résultat.

Bruno Lajara, fondateur et directeur général de l’Envol

Que faire quand on voit son territoire du Pas-de-Calais s’enfoncer, la jeunesse manquer de perspectives et de vision d’avenir ? J’ai créé l’Envol, Centre d’Art et de Transformation sociale qui s’adresse à la jeunesse NEET (Not in Education, Employment, Training) de 16 à 25 ans : je suis convaincu que l’art et la culture apportent une plus-value pour sortir de forts traumatismes.

L’Envol est une structure d’innovation sociale et d’expérimentation. Sa méthode est « la classe Départ« , mise en œuvre depuis 2015 à Arras, puis à Béthune, à Lyon en 2019. Nous allons essaimer dans les Yvelines, à Avignon et Roubaix. Ce dispositif travaille sur 3 volets.

  • L’art comme moyen d’expression : pendant sept mois de service civique, les jeunes expérimentent des pratiques artistiques qui les aident à s’exprimer et avancer.
  • Monter des projets citoyens avec eux : comment peuvent-ils agir dans leur territoire ?
  • Ecrire avec eux leur projet de vie : quels sont leurs objectifs ? Trouver un logement, enclencher une formation, l’Ecole de la Deuxième Chance, rencontrer des entrepreneurs…

Depuis 2015, l’Envol a accompagné plus de 120 jeunes, avec 75 % de sorties positives. La fondation Break Poverty a permis à l’Envol de changer d’échelle, de stabiliser l’emploi dans l’association. Le maillage avec les entreprises du territoire améliore le placement de nos jeunes bénéficiaires. Break Poverty nous fait gagner du temps et améliore notre impact.

 

Rodolphe Dumoulin, Haut-Commissaire à la prévention et la lutte contre la pauvreté dans les Hauts-de-France

Dans chaque région, un commissaire met en œuvre la stratégie nationale de prévention et lutte contre la pauvreté, lancée par le Président de la République en 2018. La pauvreté commençait à reculer en 2019, notamment sous l’impact de la revalorisation de la prime d’activité, qui a quasiment fait disparaître les situations où le retour à l’activité n’était pas encouragé par le système social. Mais la crise sanitaire est un accélérateur du décrochage des jeunes et des demandeurs d’emploi.

Dans les Hauts-de-France, Break Poverty est un catalyseur des réponses publiques et privées. Des ressources publiques et privées font bouger les lignes mais cela va bien au-delà du financement : nous testons des approches innovantes que les institutionnels ne peuvent absorber par manque d’agilité. Il faut que des acteurs privés osent prendre des risques. Nous mutualisons nos différents leviers pour innover ensemble dans l’accompagnement des personnes. Je crois que la société a toujours précédé les pouvoirs publics en matière sociale.

Adrien Baudet, directeur de Koreis, conseil et recherche en impact social

Adrien Baudet, directeur de Koreis, conseil et recherche en impact social

Break Poverty a mis en place un dispositif ambitieux de mesure des impacts de la DAT : un logiciel de suivi des actions et des enquêtes annuelles auprès des entreprises et associations partenaires pour appréhender les retombées de l’action de la DAT. Plusieurs publications sont prévues pour évaluer la progression, de 2021 et 2023 : les actions de prévention de la pauvreté ne peuvent s’apprécier que sur un temps long.

Les données du rapport 2021 ont été collectées dans les 3 territoires pilotes : Nantes, Béthune, Romans-sur-Isère. Les premières conclusions sont très positives.

  • 3000 jeunes bénéficiaires ont été accompagnés dans le cadre de la DAT. 84 % d’entre eux connaissent une évolution positive de leur parcours de vie : diplôme, qualification, emploi…
  • La DAT permet aux associations de renforcer leurs capacités à agir, à se consolider (30 000 € par an, nouveaux mécènes, recrutements, changement d’échelle…) ; 80 % des associations disent que la DAT leur permet de mieux accompagner leurs bénéficiaires.
  • Démocratisation du mécénat social : près d’un tiers des entreprises et philanthropes ont donné pour la première fois dans le cadre de la DAT ; plus de 70 % des entreprises donatrices sont des TPE et PME. La DAT facilite la mise en place du mécénat social, l’identification et l’impact des projets soutenus.

Valérie Daher, directrice de Break Poverty Foundation

Nous associons au diagnostic les entreprises, les acteurs publics, les associations pour comprendre les enjeux du territoire. Les partenaires du dispositif DAT s’engagent sur 3 ans pour que les associations sélectionnées aient des moyens et de la visibilité. A Romans-sur-Isère, nous en sommes à la fin de la 3è année de la DAT : le dispositif sera pris en mains par la mairie. Dans le cadre de cette passation, de nouveaux projets pourront être soutenus dans les 3 prochaines années.

Nous avons ouvert la Digitale Académie à Romans-sur-Isère, un campus universitaire connecté pour suivre des études supérieures dans la ville : elle connaît un très fort taux de décrochage après le bac car les jeunes peuvent difficilement aller étudier dans des villes universitaires. La Digitale Académie intéresse aujourd’hui beaucoup d’autres municipalités.

Avec la crise du Covid-19, notre engagement auprès des jeunes est plus nécessaire que jamais. L’année dernière, les associations ont été aidées par des dons spécifiques pour répondre à l’urgence sanitaire.

Un programme de formation est à la disposition des acteurs qui souhaitent s’engager dans une DAT.
Les délégués régionaux de Break Poverty accompagnent gratuitement la mise en place de la DAT.

dat-france.org

Justin Vaïsse : « L’édition 2020 du Forum de Paris sur la Paix a permis de progresser sur certains sujets majeurs »

Visioconférence le 8 février 2021

 

Du 11 au 13 novembre 2020, le Forum de Paris sur la Paix a rassemblé (via une plateforme numérique) plus de 12 000 participants représentant 174 nationalités. Avec quels objectifs et pour quels résultats ? Justin Vaïsse, son fondateur et directeur général, relate la genèse, les méthodes et les actions menées par cet organisme indépendant de gouvernance mondiale.

Le Forum de la Paix est né en 2018 d’une contradiction. De plus en plus de défis et problèmes communs ignorent les frontières : le climat, la santé, la corruption, la gestion des flux migratoires… Mais la coopération internationale décroît : l’ONU est de moins en moins efficace, la montée des populismes fait reculer le multilatéralisme… Les besoins de coopération croissent mais les moyens qui y sont consacrés diminuent.

Restaurer une gouvernance mondiale

L’ambition du Forum de Paris est de consolider les piliers de la paix. Il réunit chaque année les Etats et tous les acteurs de la société civile : ONG, associations, universités, experts, fondations, syndicats…  Il est

  • une rencontre pour avancer sur la coordination internationale : 6000 participants en 2018, plus de 12 000 en 2020 et 174 nationalités représentées ;
  • un acteur qui accompagne des projets sélectionnés : ils apportent des solutions dans les domaines du développement, des nouvelles technologies, de l’économie inclusive, de l’éducation, la culture… 100 projets sont choisis chaque année sur 800 candidatures venues du monde entier. 10 projets font l’objet d’un suivi particulier par le Scale-up Committee.
Deux grands domaines d’action
  • La gestion des espaces communs : l’espace, les océans, les pôles, le climat, la biodiversité, l’espace numérique…
  • L’apport de solutions concrètes aux problèmes communs : migrations, commerce…

La première édition a eu lieu le 11 novembre 2018. L’édition 2020 s’est déroulée via une plateforme numérique ; elle a permis de progresser sur certains sujets majeurs.

  • La distribution des vaccins, déclarés bien public mondial. Toutes les parties prenantes étaient présentes : les Etats, le Wellcome Trust britannique, la fondation Gates, le Gavi (l’Alliance du Vaccin), des laboratoires, le Serum Institute of India (plus gros producteur mondial de vaccins)… Ce fut un moment important pour faire avancer le dispositif de distribution des vaccins (COVAX) et freiner le nationalisme vaccinal.
  • La première rencontre des banques publiques de développement : 400 banques étaient présentes, qui représentent environ 10 % de l’investissement mondial. Elles ont notamment pris des engagements climatiques et sur la santé.
  • Lancement d’une réflexion sur le monde post-covid avec des Etats et le FMI : profiter de la crise pour déboucher sur de nouveaux principes d’action.

En 2021, les questions de santé resteront centrales, ainsi que les questions climatiques : le Forum sera contemporain de la COP26 qui devrait se tenir à Glasgow en novembre.

La gouvernance des espaces communs est aussi d’actualité :

  • la gestion de l’environnement spatial : des centaines de satellites sont lancés chaque année ; il n’existe pas de gouvernance de l’espace ;
  • l’espace numérique doit être régulé : les plateformes créent des dommages à la démocratie, aux ressources fiscales des Etats, au partage des données individuelles et collectives.

Fondateur et Directeur général du Forum de Paris sur la Paix, Justin Vaïsse a dirigé le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Ministère des Affaires étrangères français pendant six ans, de 2013 à 2019. Auparavant, il était directeur de recherche à la Brookings Institution de Washington (2007-2013) où il travaillait notamment sur les relations transatlantiques et la politique étrangère européenne. Historien spécialiste des Etats-Unis et des relations internationales, il a notamment enseigné à Sciences Po et à SAIS (Johns Hopkins University). Justin Vaïsse est l’auteur de nombreux articles et d’une dizaine d’ouvrages traduits en plusieurs langues. 

Le Forum de la Paix est une association fondée par 10 organisations du Nord et du Sud qui en dessinent la trajectoire, dont 4 françaises : l’Ifri, Sciences Po, l’Institut Montaigne, le Quai d’Orsay. Le budget annuel s’élève 6 millions €. Des fondations partenaires du Forum assument 45 % de ce budget : fondations américaines, allemandes, fondation Calouste Gulbenkian, fondation Chanel… 8 % du budget provient du ministère des Affaires étrangères.

L’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés – Un cas d’école : les Plombiers du Numérique

Les Plombiers du Numérique :

l’insertion des jeunes non qualifiés, un cas d’école

Visioconférence le 1er février 2021
animée par Florian du Boÿs, fondateur du fonds de dotation Impala Avenir et des Plombiers du Numérique 

Plus d’un million de jeunes en France étaient considérés comme NEET (Not in Education, Employment or Training) avant la crise du covid-19. La situation s’est encore aggravée. Les politiques d’insertion se sont multipliées depuis 40 ans, avec peu d’efficacité. En quoi innovent les Plombiers du Numérique, formation par le geste non diplômante ?
Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises rattaché au ministère du Travail, Nadège Vezinat et Nicolas Duvoux, sociologues spécialistes de la pauvreté en France apportent leurs points de vue. Alain Le Mell, Secrétaire général de l’association Impala Avenir Développement, expose les spécificités des Plombiers du Numérique.

Les Plombiers du Numérique reposent sur trois piliers : une formation par le geste non diplômante, en entreprise, avec accompagnement social

Alain Le Mell, Secrétaire général de l’association Impala Avenir Développement

Les Plombiers du Numérique, ce sont 18 écoles ouvertes depuis 2017 ; 3 sur le métier de technicien data center, 15 dans le secteur de la fibre optique. Le taux de sortie positive (jeunes en emploi à l’issue de la formation) s’élève à 70 %.

Ce dispositif d’insertion pour les jeunes actifs non occupés repose sur 3 piliers :

  1. un dispositif court (3 à 4 mois) avec accompagnement social pour placer les jeunes dans des conditions favorables à une formation ;
  2. une formation par le geste pré-qualifiante non diplômante dans des métiers du futur : la fibre optique, les data centers ; pas de notes ni de diplôme, on délivre une attestation de compétences ;
  3. les jeunes suivent des stages en entreprise, la plupart ne connaissant ni les métiers ni le monde de l’entreprise.

 

 

Les écoles fédèrent un ensemble d’acteurs sur chaque territoire ; l’association Impala Avenir Développement assure l’ingénierie du projet.

  • Les partenaires industriels prennent les jeunes en stage.
  • Les mécènes financent les plateaux techniques (60 à 80 000 € pour chaque école) : financeurs publics, fonds de dotation Impala Avenir, collectivités locales.
  • Les opérateurs de compétences (OPCO) financent la formation professionnelle.
  • Les porteurs de projet, acteurs de l’insertion, accompagnent les jeunes : les Apprentis d’Auteuil, les Ecoles de la Deuxième Chance…

L’espoir est mobilisateur

Nadège Vezinat, Maître de conférences (URCA-Regards), sociologue de l’action publique

Les interviews des stagiaires mettent en valeur les caractéristiques et les bénéfices de la formation.

  • Le rapport au geste est très positif : il se différencie de mauvais souvenirs scolaires.
  • La formation est courte mais les jeunes la vivent comme longue : ils ont souvent enchaîné des stages d’observation d’une semaine. 4 mois sur une même thématique, dans une dynamique de groupe (8 jeunes sont formés ensemble) contribue à les stabiliser.
  • Les perspectives d’emploi sont réelles. Des entreprises les accueillent, ils sont considérés : c’est déterminant. L’espoir est mobilisateur.

Le rôle des prescripteurs est essentiel pour que le jeune atterrisse dans le bon dispositif qui lui fournit une réponse globale personnalisée : logement, mobilité (permis de conduire), santé…

Dispositifs d’insertion et entreprises se rencontrent rarement. L’association Impala Avenir Développement est un médiateur actif.

L’école des Plombiers du Numérique met la société française face à ses contradictions

Nicolas Duvoux, Professeur en sociologie, Philanthropy & Social Sciences Program (PSSP)

Il existe en France un foisonnement d’initiatives d’insertion autour de deux politiques.

  • La formation professionnelle et continue s’adresse d’abord aux salariés en emploi. Elle se coule dans un moule scolaire, donc non adapté aux jeunes décrocheurs. Les Plombiers du Numérique les font entrer directement dans le concret, auprès d’employeurs.
  • Depuis 40 ans, les politiques d’insertion sont destinées à ramener les gens vers la société, en levant des freins périphériques. Mais elles sont souvent déconnectées du monde de l’entreprise.

Le dispositif des Plombiers du Numérique met la société française face à ses contradictions :

  • l’école fonctionne à la reproduction sociale, le lien est fort entre origine sociale et obtention de diplômes ;
  • le poids des diplômes est très important dans les parcours de vie, le lien est fort entre formation initiale et statut d’emploi.

Aider des personnes à développer leur potentiel mais aussi sensibiliser les entreprises, la société à l’inclusion

Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises rattaché au Ministère du Travail

Chaque jeune a sa situation particulière, son histoire particulière, sur son territoire particulier. Il faut orienter et coordonner tous les dispositifs vers les besoins du jeune : d’où le portail 1jeune1solution.

Le plan 1jeune1solution s’appuie sur plusieurs leviers.

  1. Aider financièrement les employeurs à recruter des jeunes.
  2. Réformer la formation professionnelle pour la réorienter vers ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d’emploi et les NEETs. 200 000 formations supplémentaires sont financées en 2021.
  3. Promouvoir le service civique : les jeunes s’y sentent utiles et entendus ; ils y développent leurs compétences.
  4. Repenser l’accompagnement pour tous les jeunes qui cherchent un emploi.

Il sera nécessaire de mesurer l’impact et l’adéquation aux besoins des jeunes de toutes ces offres de services.

Le service public de l’insertion connecte les conseillers d’insertion avec les offres d’emploi sur leur territoire. 2 500 contrats de travail ont été signés la semaine dernière.

Le rôle des fondations dans l’inclusion est important :

  • elles innovent, proposent une nouvelle approche ; pour changer d’échelle, il faut une hybridation avec la ressource publique.
  • Il serait intéressant que les fondations travaillent plus sur l’ingénierie que sur des projets, par exemple sur les coopérations. On a tendance à valoriser l’idée plus que l’impact.
  • Utiliser la dimension open source : ce qui est réalisé par les Plombiers du Numérique peut être répliqué par d’autres structures. Comment unir les forces et mutualiser ?

L’inclusion, c’est réconcilier la dimension humaine avec la performance économique ; c’est aider des personnes à développer leur potentiel mais aussi sensibiliser les entreprises, la société à l’inclusion.

Il faut lever les freins posés par l’héritage culturel de la « diplômite » dans notre monde moins linéaire, où savoir s’adapter est essentiel. Qui sont les personnes, quelles sont leurs compétences ? Ce sont les données intéressantes.

Pour en savoir plus : L’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés – Un cas d’école,
par Nadège Vezinat et Nicolas Duvoux.

Sophie Cluzel : « Ce qui m’anime, c’est que l’on puisse regarder la personne en situation de handicap
avec une présomption de compétence sur ses choix de vie »

Visioconférence le 11 janvier 2021

Droits au logement, scolarisation en milieu ordinaire, l’emploi, la parentalité…  Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées, mène de front tous ces enjeux d’inclusion. La France progresse à grands pas pour que la personne en situation de handicap soit considérée comme un.e citoyen.ne à part entière et non plus seulement comme un sujet de soins.

J’ai quatre enfants dont la dernière est porteuse de trisomie 21 : c’est la source de mon engagement auprès des personnes en situation de handicap. Dans un premier temps, j’ai choisi de travailler dans des collectifs et fédérations d’associations d’aide aux personnes en situation de handicap car ensemble, nous sommes plus forts. Mon combat est l’accueil à la crèche du quartier, à l’école du quartier, à l’entreprise à côté de chez soi : c’est ainsi que nous faisons monter le degré d’acceptation de la différence.

La loi fondatrice sur la citoyenneté des personnes handicapées et l’égalité des chances date de 2005 : les personnes handicapées sont des citoyens à part entière et non plus des sujets de soins.

Je suis passée de la vie associative à la vie politique en rencontrant le candidat Emmanuel Macron, avec lequel je partage le même regard sur l’inclusion des personnes en situation de handicap : elles sont d’abord et avant tout des citoyens, avec des besoins spécifiques. Pendant des années, elles n’avaient pour seule solution que les établissements médico-sociaux. Depuis 1977, l’Italie a fermé ses établissements médico-sociaux et les enfants en situation de handicap sont scolarisés dans les écoles publiques. Même évolution en Espagne… La désinstitutionalisation a été un vrai mouvement dans les années 1980-90.

En France, par délégation de service public, les grandes associations ont pris soin des personnes en situation de handicap et les ont protégées mais nous n’avons pas encore totalement infléchi la bascule vers une complète diversité de choix de vie. Changement de paradigme politique, mon Secrétariat d’Etat est rattaché au Premier Ministre et non au ministère de la Santé : tous les ministères sont engagés dans cette politique publique des droits des personnes en situation de handicap.

Mère de quatre enfants, dont une fille trisomique, Sophie Cluzel s’engage en 1998 dans le militantisme associatif en faveur du handicap. Elle fonde et préside différentes associations de scolarisation d’enfants handicapés. Elle a été en particulier présidente de la FNASEPH (Fédération Nationale des Associations au Service des Élèves Présentant une Situation de Handicap).

Elle a été administratrice de l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) entre 2011 et 2013. A ce titre, en janvier 2012, elle organise le premier Grenelle de l’intégration des jeunes handicapés dans la société, où près de 50 associations locales ou nationales rédigent une plateforme de mesures qui sont transmises aux candidats à l’élection présidentielle.

Le 17 mai 2017, Sophie Cluzel a été nommée Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées.

Simplifier l’accès aux droits

Mon action est basée sur la simplification de l’accès aux droits, en coordination avec les départements qui sont chefs de file des politiques de solidarité : ils gèrent les guichets d’accès aux droits créés par la loi de 2005, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées. Les résultats sont très inéquitables sur le territoire. J’ai lancé une feuille de route et un baromètre en octobre 2020 qui visent à améliorer rapidement le service rendu aux personnes.

Depuis 2019, de nombreuses personnes handicapées bénéficient de l’octroi de droits à vie, sans obligation de les renouveler en déposant un dossier tous les 3 ans. A présent, les personnes handicapées majeures protégées sous tutelle ont le droit de voter, de se marier et se soigner, sans en référer au juge de tutelle. J’ai également affirmé le droit à la parentalité pour les personnes en situation de handicap avec une aide spécifique ouverte depuis le 1er janvier.

Sous l’égide du Président de la République, le 11 février 2019 s’est tenue la grande conférence nationale sur le handicap, priorité du quinquennat pour accompagner les personnes handicapées dans leurs choix de vie : habitat, scolarisation, travail.

Droit au logement : beaucoup de projets d’habitat inclusif

Les personnes en situation de handicap peuvent choisir entre l’habitat collectif et vivre seules. Un “entre-deux” émerge avec l’habitat inclusif : la colocation de 5 à 8 personnes avec un service d’accompagnement inconditionnel. C’est un apprentissage à l’autonomie, qui s’effectue au cœur des villes : un vrai sujet de transformation sociétale.

Scolariser en milieu ordinaire

L’école inclusive est en marche et nous devons encore avancer en ce qui concerne la pédagogie adaptée et les moyens humains déployés. Il faut ouvrir la porte aux orthophonistes, aux rééducateurs… Des maternelles accueillent des enfants autistes très encadrés, avec beaucoup de personnel médico-social en appui.

Nous sommes dans un temps de transformation : 80 000 enfants sont encore scolarisés dans les établissements médico-sociaux. L’Education Nationale a fait un bond en avant colossal mais il existe encore des réticences quand l’école se considère incompétente en raison du manque de formation sur la pédagogie adaptée.

La première classe d’Ile-de-France pour enfants polyhandicapés, qui sont les invisibles de la République, est ouverte depuis septembre 2020 dans un village des Yvelines. 6 enfants apprennent au milieu des autres.

Droit à l’emploi : accompagner pour rendre autonome

Emplois protégés, emplois dans les entreprises adaptées, emplois accompagnés en milieu ordinaire : en France, nous avons des dispositifs d’accompagnement très variés. Mais les personnes sont en permanence en rupture de parcours à cause du silotage des politiques publiques. En 2017, nous avons hérité d’un empilement de politiques très spécialisées, qu’il faut à présent simplifier pour sécuriser les parcours.

Un manifeste pour l’inclusion a été signé en 2019 par des entreprises du CAC40, qui s’engagent sur des objectifs très précis. Je crois qu’on ne progresse que sur ce qui se mesure : il faudrait disposer d’un baromètre de l’emploi pour connaître le taux d’emploi direct des personnes en situation de handicap dans les entreprises. Aujourd’hui, les personnes handicapées représentent seulement 3, 7 % des effectifs des entreprises privées ; les entreprises publiques atteignent presque le taux de 6 %.

Je suis favorable à l’accompagnement de l’entreprise plutôt qu’à de nouvelles mesures coercitives : mettre à disposition du matériel, comme des claviers en braille, développer le job coaching qui est gratuit pour les entreprises, améliorer le sourcing des personnes handicapées.

Le DuoDay est un vrai levier de changement de regard, qui lève également l’autocensure des personnes handicapées : une personne handicapée travaille avec une autre personne pendant une journée. Près  de 10 000 duos se sont constitués le 19 novembre 2020. Deux éditions auront lieu en 2021, en mai et en novembre.

Le monde du handicap a démontré une résilience très importante durant cette crise : la fabrication des masques a été lancée par les consortiums d’entreprises adaptées. Les personnes  en situation de handicap sont très volontaires et performantes sur les adaptations, contrairement aux idées reçues. Elles peuvent devenir autonomes parce que bien accompagnées. Ce qui m’anime, c’est que l’on puisse regarder la personne en situation de handicap avec une présomption de compétence sur ses choix de vie et sa volonté de vivre au milieu des autres, comme les autres.

 

Comment susciter l’engagement pour une société plus durable et inclusive ?

Dans un contexte de crise sanitaire, sociale et politique, 73 % des jeunes considèrent cependant que la vie qu’ils mènent correspond à leurs attentes et 74 % d’entre eux sont confiants dans leur propre avenir*. Beaucoup ont envie de s’engager pour transformer la société mais ils ont souvent besoin d’être accompagnés pour passer à l’action.
Trois associations ont présenté aux membres d’Un Esprit de Famille le 8 décembre 2020 leurs différents programmes et outils pour inciter les jeunes et moins jeunes à s’engager, pour que leur enthousiasme se transforme en projets concrets à impact social et/ou environnemental.

Baromètre annuel “Jeunesse&Confiance” publié par VersLeHaut, le think tank dédié aux jeunes et à l’éducation

Unis-Cité, pionnier du service civique

Marie Trellu-Kane, cofondatrice et présidente exécutive d’Unis-Cité : il manquait à l’éducation des jeunes une étape d’engagement citoyen sur le terrain ; une étape de rencontres et de brassage, qui toucherait idéalement toute une classe d’âge.

Des fonds privés ont permis le développement d’Unis-Cité. Nous avons mené des actions de plaidoyer pour convaincre les pouvoirs publics, avec des données sur l’impact à l’appui : les jeunes qui ont fait leur service civique rebondissent davantage et mieux dans le monde professionnel ; ils prennent confiance en eux ; certains expriment, que, pour la première fois, ils se sentent français. Le service civique bénéficie depuis 2010 d’un cadre législatif. L’indemnité (demi-SMIC) est prise en charge par l’Etat en grande partie.

Quel est le rôle d’Unis-Cité depuis que le service civique est un dispositif public ?

  1. Nous avons gardé notre modèle historique d’engagement sur 9 mois en équipe, avec une grande mixité sociale. Nos processus de recrutement misent sur la diversité, par exemple en incluant 6 % de jeunes en situation de handicap. Nous accueillons 5000 jeunes chaque année.
  2. Qu’est-ce que des jeunes non professionnels peuvent réaliser pour la société ? Nous expérimentons, nous avons un rôle de laboratoire de projets sociaux : éduquer aux écogestes, soulager des familles avec des enfants en situation de handicap, sortir de leur isolement des personnes âgées…
  3. Nous agissons pour le développement du service civique par du plaidoyer et en menant des actions de formation. Une classe d’âge ayant 800 000 jeunes, la marge de progression est importante !

Nous proposons aux jeunes de nombreux programmes. Par exemple, des jeunes présents depuis plus d’un an sur le territoire avec le statut de réfugié peuvent participer au programme VolontR, qui vise à accélérer l’intégration culturelle, sociale et professionnelle des jeunes réfugiés allophones de 18 à 25 ans, via une mission dans la mixité. 3000 jeunes refugiés dans les équipes profitent ainsi d’une intégration très forte et rapide.

Les jeunes peuvent bénéficier du programme Rêve et Réalise, mené en partenariat avec le fonds de dotation Entreprendre et + : ils imaginent eux-mêmes où ils veulent agir, ce qu’ils ont envie de changer. Leur projet peut devenir une entreprise sociale.

Enactus : innover et entreprendre en équipe au service de la société

Mélanie Sueur Sy, directrice générale d’Enactus et Benjamin Rolland, directeur d’Enactus Organisation.

Avoir 20 ans aujourd’hui, c’est souvent vivre dans un studio ou chez ses parents, galérer dans sa recherche de stage ou de premier emploi, étudier à distance, réduire sa vie sociale, ses activités sportives, renoncer à découvrir le monde… Pourtant, les jeunes veulent s’engager avec un sentiment d’urgence pour plus de justice sociale, pour la transition écologique… mais beaucoup ne le font pas, faute d’accompagnement. Nous essayons de donner à chacun confiance en sa capacité d’agir. Nous accompagnons des lycéens, des étudiants, des professionnels à passer à l’action, à développer leurs compétences pour innover et entreprendre au service de la société.

Créé aux Etats-Unis il y a 45 ans, Enactus accompagne chaque année 72 000 jeunes  dans 37 pays. Le parti pris d’Enactus est d’agir au sein des institutions, de faire évoluer les pratiques pédagogiques de l’intérieur.

  1. Enactus Lycéens : ce parcours est coconstruit avec l’Education nationale. 12 ateliers dans l’année sont organisés pour concevoir un projet à impact social et environnemental. Exemple : le lycée professionnel Camille Claudel à Mantes-la-Ville a mis en œuvre l’application Handiapp pour permettre à des personnes à mobilité réduite d’identifier et s’inscrire à des activités sportives adaptées. Les enseignants considèrent que le parcours d’Enactus a un impact très positif sur la scolarité des lycéens.
  2. Enactus étudiants: nous proposons un parcours de 10 mois personnalisé pour générer des projets qui ont un impact social ou environnemental. Ces jeunes développent confiance en eux et compétences professionnelles. Parfois, ils créent leur entreprise sociale : par exemple, Lunettes de ZAC recycle des lunettes usagées pour produire des lunettes à bas coût.
  3. Enactus Organisations vise les professionnels et organisations. Comment permettre aux collaborateurs d’une entreprise de s’engager dans une dynamique porteuse de sens ? Enactus outille également des organisations existantes par des formations de formateurs, la conception d’une semaine de sensibilisation à l’emploi social…

Nous sommes tous reliés par la même raison d’être et des convictions.

  • Passer à l’action: nous sommes des spécialistes de la pédagogie par l’expérience.
  • Entreprendre en équipe : nous privilégions une expérience collective et formons à la posture collaborative.
  • Lier et réconcilier l’économie et le social.
Makesense, fabrique de communautés citoyennes

Alizée Lozac’hmeur, co-fondatrice et directrice de Makesense : depuis 10 ans, Makesense propose des programmes de mobilisation collective et donne des outils pour que chacun.e s’engage au profit d’une société plus durable et inclusive. Nous nous adressons à trois publics :

  • les jeunes de 18 à 30 ans : 200 000 dans le monde ont déjà bénéficié de nos programmes,
  • les porteur.ses de projets à impact social et environnemental,
  • les collaborateur.trices qui souhaitent contribuer à la transformation de leur entreprise.

Je voudrais partager avec vous deux notions sur lesquelles nous travaillons beaucoup.

  • Le parcours d’engagement : chacun.e arrive chez Maksense avec une trajectoire et un niveau d’engagement différents. Nous lui apportons des outils et des expériences pour qu’il.elle passe des étapes : prendre conscience des problèmes, se sentir concerné.e, identifier des solutions concrètes, aider des porteur.ses de projets dans leur développement, mobiliser d’autres personnes autour de soi pour un effet “boule de neige”.
  • Des communautés dans une centaine de villes dans le monde organisent des événements, des ateliers, des programmes pour mobiliser des personnes. Le ciment est la communauté, les gens avec lesquels on a envie d’agir : Makesense est une fabrique de communautés citoyennes. Les différents programmes s’articulent autour des objectifs s’éveiller et se former, s’engager, soutenir des projets, se rassembler.

Nos trois enjeux aujourd’hui sont :

  • nous faire connaître pour mobiliser toujours plus de jeunes,
  • former des mobilisateurs pour accompagner toutes ces jeunes ;
  • digitaliser pour un parcours fluide ; notre vraie ambition est toujours le digital au service de la rencontre et de la création de communautés.
Aller au contenu principal