Les nouvelles formes de philanthropie

Deux avant-gardistes de la philanthropie, membres d’Un Esprit de Famille ont créé des modèles novateurs : Alexandre Mars (fondation Epic) et Pascal Vinarnic (fondation Demeter). 30 membres d’Un Esprit de Famille se sont réunis autour d’eux pour échanger sur les nouvelles formes de philanthropie. Tessa Berthon (fondation la Ferthé, membre du conseil d’administration d’UEDF) menait les débats dont voici des extraits. 

Tessa Berthon : la fondation Epic, née en 2014, se présente comme une start-up à but non lucratif qui a pour mission d’offrir un avenir meilleur aux jeunes de 0 à 25 les jeunes dans le monde ; son action est basée sur la confiance à qui l’on donne, la traçabilité de ce que l’on donne et la transparence de l’objet auquel on donne. La fondation Demeter, née en 1994, met en œuvre des projets pilotes pour renforcer les compétences et l’autonomie financière des structures qui mènent des actions humanitaires et sociales ; la fondation Demeter leur apporte à la fois appui financier et conseil.

Pouvez-vous nous expliquer plus précisément en quoi vos fondations innovent dans la philanthropie ?

Alexandre Mars
Avant de créer Epic, j’ai effectué une étude de marché pendant 2 ans et un tour du monde. J’ai rencontré beaucoup de gens qui aimeraient donner plus mais ne le font pas parce qu’ils n’ont pas confiance dans les associations, à la suite à plusieurs scandales, et parce qu’ils manquent de temps et de connaissances. Il est difficile de choisir parmi les très nombreuses organisations de solidarité existantes.

Epic propose des outils qui répondent à ces problématiques.

  • Nous avons créé un processus unique de sélection, avec l’aide de 150 partenaires (fondation Gates, Ashoka, Fondation de France…). L’année dernière nous avons reçu 1900 candidatures d’associations. 8 personnes chez Epic les analysent selon 45 critères de sélection. Nous retenons au final moins de 1 % des candidats : nous soutenons entre 7 et 12 nouvelles organisations chaque année, pour une durée de 3 ans. Nous recherchons des financements pour ces organisations, sans aucune commission pour Epic car je finance moi-même ce processus de sélection et toute la structure d’Epic. Nous sommes présents dans de nombreux pays pour répondre aux souhaits des donateurs qui veulent investir localement.
  • Deuxième outil, qui favorise la traçabilité : notre application mobile permet de suivre la réalité du terrain des programmes sélectionnés. Par ailleurs, nous continuons à analyser les organisations choisies et partageons tous les semestres les résultats avec les donateurs.
  • Troisième outil d’expérience et de transparence : les donateurs visitent les organisations, où qu’elles soient. Nous avons filmé ces organisations en réalité virtuelle pour mieux percevoir encore la réalité du terrain.

Notre modèle est en constante évolution et nous sommes prêts à partager notre base qui répertorie 2500 organisations.

Pascal Vinarnic
Si Alexandre a choisi d’innover dans la façon de faire, Demeter a l’ambition d’innover dans la façon de financer. Nous testons une idée en lançant un projet pilote pour 25 à 50 bénéficiaires sur 3 à 5 ans. A partir des résultats, nous faisons grandir l’idée et la généralisons.

Entre 1994 et 2006, Demeter s’est penché sur la microfinance. Nous avons financé une quarantaine d’institutions de microfinance en Inde et en Amérique du Sud pour analyser comment des femmes en position d’agent économique changent la nature de la communauté. Les taux de remboursement étaient excellents. Mais à court terme, la microfinance ne fait pas sortir les femmes de la pauvreté : une femme qui gagne 1 $ par mois et emprunte 250 $ gagne 3 $ par mois au bout de 3 ans. Ce fut une grosse déception… Il faut analyser les retours sur 20 ans pour une sortie de pauvreté : au Bendaglesh, les enfants des femmes qui ont emprunté vont à l’université.

Depuis 10 ans, Demeter travaille sur l’entrepreneuriat comme voie d’insertion ou de réinsertion des jeunes à risque de 16 à 24 ans (délinquants, drogués, handicapés…), soit 850 millions de jeunes dans le monde qui n’ont pas accès à l’emploi. Ma conviction est qu’on peut les insérer par le travail. L’entrepreneuriat permet au jeune de reprendre le contrôle de ses décisions et de sa vie. Demeter a financé des projets pilotes avec des fonds d’investissement, par exemple The Financer à New York : ce fonds finance chaque année 80 anciens délinquants qui ont passé entre 10 et 15 ans en prison. Ils sont accompagnés pour créer leur entreprise pendant 6 mois avant et 12 mois après leur sortie de prison. Résultats au bout de 7 ans : 85 % de réinsertion, – 5% de récidive, pour un coût de 35 000 $ par personne (à New York, le coût pour la collectivité d’une récidive s’élève à 75 000 $). Ce type de projet souligne également la valeur du mentorat : 5 à 8 personnes de diverses compétences s’occupent de chaque jeune.

Actuellement, Demeter travaille sur un Contrat à Impact Social (CIS) proposant une alternative à l’incarcération à Marseille : le programme d’Alternative à l’Incarcération par le Logement et le Suivi Intensif (AILSI) pour des personnes déférées en comparution immédiate, sans domicile et vivant avec une maladie psychiatrique sévère. Le CIS est un outil financier correspondant à une donation remboursable : suivant le taux de réinsertion, les pouvoirs publics remboursent aux investisseurs privés leur mise de départ. En cas de succès, le programme est étendu.

Tessa Berthon : quelles sont les limites de vos modèles ? Quelles difficultés principales rencontrez-vous ? 

Alexandre Mars
La plus grande difficulté est de convaincre les gens de donner, c’est un challenge de tous les jours ! Notre plus grand avantage est la jeune génération qui veut être employée par des entreprises qui donnent du sens au travail. En France, Caudalie donne 1% de ses revenus pour la protection des femmes. Cojean donne 10% de ses profits. Il faut structurer la philanthropie et qu’elle devienne une obligation pour les entreprises. Le plus compliqué est toujours de changer les mentalités.

 

Pascal Vinarnic
L’une de nos difficultés principales est de mesurer l’imapct de nos actions. Il n’existe pas de mesure homogène de l’impact social. Quels sont les bons critères de réinsertion ou d’éducation ? Comment comparer les coûts et les bénéfices pour la société du bracelet électronique ? On est en retard dans ce domaine. Il faut accepter de mesurer l’impact, définir ce qu’il faut mesurer et développper des méthodologies et des outils. Dans le CIS de Marseille (le plus important CIS en Europe), 4 millions d’euros sur un budget de 17 millions sont consacrés à mesurer l’impact du programme.

 

Tessa Berthon : quelle est la part de votre financement dans le budget des associations que vous soutenez ? 
Alexandre Mars
Epic finance des organisations entre 250 000 euros et 20 millions de budget. Dans certains pays, il existe des organisations extraordinaires qui fonctionnent avec un budget restreint. Notre contribution financière se limite à 20 % des ressources financières pour que les organisations ne soient pas dépendantes. Nos dons ne sont pas affectés à un projet précis.
Pascal Vinarnic
Sur un pilote, Demeter peut monter à 50% du budget mais j’exige 50% de financement local : il est très important de travailler avec un partenaire local qui connaît bien le terrain. Demeter finance l’investissement et le fonctionnement sur 3 à 5 ans. Les 2 années suivantes, nous aidons les associations à trouver d’autres financements.

 

 

Pour conclure 
  1. Les processus de sélection sont essentiels mais n’occultent pas la dimension émotionnelle du don qui est souvent le fruit d’un coup de cœur ou d’une rencontre.
  2. Les associations sont extrêmement diversifiées ; la recherche d’efficacité est nécessaire mais ne doit pas niveler cette diversité.
  3. De nouveaux outils et de nouvelles structures pour faciliter l’investissement socialement responsable sont en train d’émerger, comme les benefit corporations (B corps : sociétés d’impact social).

Jeunes entrepreneurs de la « catosphère »

A l’initiative de Bénédicte Gueugnier (Fondation Financière de l’Echiquier) et de Sabine Roux de Bézieux (Fondation Araok), une trentaine de membres
d’Un Esprit de Famille et du Club RCF (qui soutient la radio RCF) s’est réunie le 4 janvier pour découvrir 3 projets associatifs développés par de jeunes entrepreneurs catholiques :

  • Isha Formation : modules de formation pour les femmes, par Claire de Saint-Lager ;
  • Hozana : site de prière en ligne, par Thomas Delenda ;
  • Lights in the Dark  : évangélisation par internet, par Christophe Marger et Jean-Baptiste Maillard.

Un bel engagement de vie de la part de ces trentenaires ambitieux et professionnels !

 

Jeunes entrepreneurs chrétiens.
De gauche à droite : Alexandre Iaschine (Efesia), Thomas Delenda (Hozana), Christophe Marger (Lights in the Dark) et un représentant d’Aleteia, média en ligne qui propose une vision chrétienne de l’actualité.
Jean-Baptiste Maillard (Lights in the Dark) et Claire de Saint-Lager (Isha Formation).

Fondation Hippocrène : Michèle Guyot-Roze passe
le relais à son neveu Alexis Merville

Après 10 ans à la tête de la Fondation Hippocrène, Michèle Guyot-Roze passe le relais à Alexis Merville dans le cadre d’une transition familiale partagée. Michèle est également Secrétaire générale d’Un Esprit de Famille. 

Alexis Merville, neveu de Michèle Guyot-Roze et petit-fils des fondateurs Jean et Mona Guyot, était jusqu’alors Vice-président, fonction que Michèle reprend. C’est donc la même équipe familiale qui continuera à s’occuper de la Fondation. Michèle souhaite en effet « assurer des transitions en douceur en mettant la nouvelle génération aux commandes ».

Les membres du conseil administration ont salué l’action de Michèle Guyot-Roze : notamment le doublement du montant des soutiens financiers accordés en dix ans, la création du Prix Hippocrène de l’éducation à l’Europe et son extension européenne, le Young Europeans Award, le développement avec son mari Jimmy Roze du Cercle des amis de la Fondation Hippocrène, sa participation dans de nombreux cercles de fondations et conseils d’administration.

Pour Alexis Merville, il s’agit « d’entreprendre cette transition sur des bases solides, avec efficacité et dans un esprit partagé ». Alexis a participé activement à la vie et aux décisions prises pour la Fondation depuis son origine, en étant également en charge de sa stratégie financière depuis dix ans. Il a conscience
de « l’ampleur des défis à relever pour une fondation européenne à un moment où l’Europe même est remise en question ».

Plus d’informations sur la fondation Hippocrène

Propos d’Europe, un projet culturel de la fondation Hippocrène 

10 nouveaux jeunes coachés par la fondation ACTEUR DE MON AVENIR

10 jeunes vont suivre le programme de coaching proposé par ACTEUR DE MON AVENIR dans le lycée professionnel Marc Seguin – Marcel Sembat de Vénissieux (69). 

Tous élèves de 1ère professionnelle, ils sont venus signer solennellement leur inscription au programme ACTEUR DE MON AVENIR-BTS du lycée pour
3 ans. Grâce à un partenariat conclu entre le lycée et la fondation ACTEUR DE MON AVENIR – Institut de France, ils seront accompagnés par un coach professionnel jusqu’à la validation de leur première année de BTS.

En France, à la fin du collège, 2/3 des élèves entrent en seconde générale et 1/3 prennent la voie professionnelle. Parmi ces derniers, un grand nombre de jeunes n’osent pas poursuivre des études générales ou ne sont pas en position de choisir la filière professionnelle qui leur convient.

Les établissements de l’Éducation Nationale, qui ont la responsabilité de l’orientation avec les familles, ont mis en place des dispositifs qu’ils améliorent d’année en année. La connaissance de l’entreprise, des métiers et des cursus sont bien couverts. Mais peu de dispositifs existent pour aider le jeune à construire la confiance en lui et à trouver la motivation nécessaires pour faire les choix d’orientation qui engagent son avenir. C’est ce créneau qu’ACTEUR DE MON AVENIR essaie de couvrir avec ses programmes de coaching.


Hakan, de la promotion 2014/16 du programme au lycée professionnel
de Vénissieux, témoigne de son expérience.
https://www.youtube.com/watch?v=1r5Z_uLOMvc

Dupliquer en France un modèle associatif international

Agir pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes souffrant de maladies psychiatriques ; faire travailler ensemble tous les acteurs d’un territoire sur des projets de solidarité sociale : telles sont respectivement les missions de Clubhouse et United Way, deux réseaux d’associations qui ont fait leurs preuves aux Etats-Unis et se sont ensuite déclinées à l’international. Comment dupliquer avec succès ces modèles en respectant les spécificités locales françaises ?

 

Le 14 janvier 2016, une vingtaine de fondations membres d’Un Esprit de Famille se sont réunies autour de ce thème et ont échangé avec les intervenants.

 

Sabine Roux de Bézieux, présidente d’Un Esprit de Famille : quels sont l’origine et le positionnement de vos organisations ? Quand se sont-elles implantées en France ?
Bénédicte de Saint Pierre, vice-présidente Europe et Moyen-Orient United Way
BenedicteDeSaintPierreLe modèle d’United Way est fondé sur le collective impact ou community impact : la collectivité se prend en charge elle-même. Ce modèle est né il y a 125 ans aux Etats-Unis quand, loin de toute autorité régalienne, les sociétés locales étaient obligées de mettre en œuvre les priorités sociales pour améliorer la vie de chacun dans la collectivité.

De façon similaire, actuellement United Way rassemble toutes les parties prenantes sur un territoire pour résoudre ensemble les problèmes sociaux, en s’appuyant sur 3 piliers : l’éducation, la santé et l’apprentissage de l’autonomie financière. Aujourd’hui, les parties prenantes sont les entreprises qui financent et dont les collaborateurs s’engagent, les institutions et les associations de terrain. Ensemble, elles identifient les priorités, mettent en place les stratégies qui ont le plus d’impact par rapport à l’argent investi. United Way gère, contrôle, soutient et mesure.

Tocqueville a décrit le premier la façon dont les sociétés locales américaines se prenaient en charge et s’organisaient. United Way a créé aux Etats-Unis les sociétés philanthropiques Tocqueville qui regroupent les grands donateurs des United Way locaux : ces Tocqueville societies donnent plus d’un million de dollars par an. Faire revenir Tocqueville en Europe était symbolique ! C’est un philanthrope américain qui a démarré United Way en France avec sa fortune personnelle.

En France, United Way agit dans le domaine l’éducation, en Ile-de-France et autour de Toulouse. Citons l’exemple du programme « Succès à l’école » en région parisienne. 150 000 jeunes par an décrochent du système scolaire. Pour éviter l’échec de collégiens issus de quartiers sensibles, nous réunissons autour d’eux toutes les conditions favorables à leur réussite : soutien scolaire, travail sur l’estime de soi, ouverture culturelle, sociale, connaissance des métiers, rencontres avec des adultes heureux dans leur travail, mobilisation des parents pour les impliquer dans les études de leurs enfants… 9 associations locales travaillent avec United Way dans ce programme. Nous les aidons à agir ensemble, donc à être plus efficaces.

Philippe Charrier, fondateur de la fondation Alain Charrier et président fondateur de Clubhouse France

Philippe Charrier
La fondation Alain Charrier a été créée en 2005 pour aider les personnes souffrant de maladies psychiatriques et de traumatismes crâniens.

2 millions de personnes en France ont des maladies psychiatriques handicapantes. Dans notre pays, l’approche pour les soutenir est uniquement médico-sociale : ils deviennent des assistés leur vie durant car la loi française suppose que ces personnes vivent pour se soigner. Notre objectif est que ces personnes se soignent pour vivre.

Un ami anglo-américain m’a fait connaître Fountain House à New York qui accueille des personnes souffrant de troubles psychiques.Elles sont chargées de l’entretien de la maison, elles font la cuisine… Au lieu d’être des malades, elles deviennent des membres de Fountain House. Cette structure favorise l’insertion sociale et professionnelle.

Ce modèle nous a séduits. Fountain House est le premier Clubhouse, né à New York en 1948.  Il existe maintenant des Clubhouses partout dans le monde. Nous avons créé un premier lieu quai de Jemmapes à Paris, uniquement avec des fonds privés. Le deuxième va ouvrir au 7 rue de Lunéville à Paris (170 personnes accueillies de jour dans chaque centre). Nous avons l’ambition d’ouvrir un Clubhouse tous les ans. Un tiers des membres du premier centre, pourtant sévèrement malades, ont réussi à trouver un emploi.

Sabine Roux de Bézieux : le modèle fonctionne aux Etats-Unis dans un environnement très différent : comment l’adapter concrètement ?
Philippe Charrier
C’est plus l’idée qu’on applique que le modèle. La plus grande difficulté pour implanter Clubhouse en France a été de trouver des financements car nous n’entrions pas dans le « moule » de l’approche sanitaire.

Aux Etats-Unis, le don est ancré dans la culture : le premier Clubhouse de New York a profité du don d’un hôtel particulier dans Manhattan.

En France, nous avons fait le choix d’orienter notre Clubhouse vers l’insertion professionnelle plutôt que l’accueil, comme à New York. Les médicaments ont permis de stabiliser les malades psychiatriques et nous voulions aider ces personnes à trouver un emploi. Pour cela, nous avons mis en place une relation triangulaire efficace : la personne handicapée qui veut travailler, l’entreprise qui l’aide à s’insérer, le Clubhouse qui fait fonctionner la relation dans le temps. Le malade psychique a souvent perdu toute estime de soi. Or, le travail est un facteur de reconnaissance, au-delà de l’aspect économique, et renforce l’estime de soi.

Bénédicte de Saint Pierre
Les problèmes des banlieues à Los Angeles sont identiques à ceux des banlieues à Paris. Mais rassembler toutes les parties prenantes pour résoudre un problème est difficile en France : chacun a tendance à réaliser son programme de son côté… Essayons d’agir ensemble pour avoir des objectifs ambitieux. On ne peut pas agir sur un territoire en France sans secteur associatif fort : United Way aide les associations locales à se renforcer, à avoir plus d’actions, et être mieux financées.
Sabine Roux de Bézieux : vous faites partie d’un réseau international : dans quels autres pays le modèle est-il présent ? Comment échangez-vous vos expériences dans le réseau ?
Philippe Charrier
Philippe Charrier : le réseau des Clubhouses propose des accréditations et un accompagnement, dans une entente fraternelle. Chaque pays a ses propres caractéristiques. Nous discutons de ce qui marche, comment le réaliser et l’améliorer. Nous testons puis appliquons, comme dans l’entreprise.
Céline Aimetti, déléguée générale de Clubhouse France
Celine AimetttiAujourd’hui, Fountain House s’étend sur 5000 m2 à New York. Le modèle a rapidement démontré son efficacité et d’autres pays s’en sont inspirés. Les Clubhouses sont présents dans plus de 30 pays ; ils s’adaptent au contexte local, politique et social et les politiques publiques s’en emparent, ou non : en Suède, 20 Clubhouses entièrement financés par les pouvoirs publics sont l’étape suivant l’hospitalisation. La Fédération Clubhouse internationale siège à l’ONU en tant que représentante des usagers de santé mentale.
Bénédicte de Saint-Pierre
Bénédicte de Saint-Pierre : United Way est présent dans 45 pays. Il existe 1 800 United Way dans le monde, dont 1 200 en Amérique du Nord. En Europe, le réseau est présent en France, en Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne et Europe de l’Est.
Sabine Roux de Bézieux : comment se ventile votre financement en France ?
Bénédicte de Saint-Pierre
Les grands contributeurs d’United Way sont les entreprises : elles ont des politiques globales de communication et d’engagement social, qu’elles veulent accompagner par des projets locaux ciblés.

Aux Etats-Unis, United Way bénéfice des employee campaigns : les employés de nombreuses entreprises américaines donnent tous les ans à United Way. Par exemple, Microsoft lève 10 millions par an auprès de ses employés et l’entreprise donne autant. Ce modèle d’engagement des employés s’est répliqué en Asie (Corée, Chine, Japon), en Europe de l’Est, en Angleterre. En France, United Way est financé par les entreprises, non par leurs employés.

Les membres du Board procurent un financement privé important. Les entreprises françaises qui participent à nos programmes financent et apportent les compétences de leurs employés. Nous envisageons des financements publics car nous accompagnons par l’éducation et l’insertion le développement de zones sensibles.

Philippe Charrier
Quand le projet d’entreprise sociale Clubhouse a été lancé, des amis et personnes proches ont soutenu le projet. Au départ, nos financements étaient 100 % privés. Pour qu’une partie de nos financements viennent de l’Etat, nous mesurons nos résultats : près d’un tiers des membres du Clubhouse travaillent et peuvent payer des impôts. ; les réhospitalisations diminuent de 33 %. En finançant partiellement les clubhouses, les organismes sociaux font donc des économies.
Céline Aimetti
En France, la santé mentale n’est pas une cause, en dehors de la recherche médicale. Mais chaque année, le pourcentage de fonds publics dans notre financement augmente. Fin 2015, la répartition est de 30 % de fonds publics, 25 % issus du budget handicap des entreprises et le reste vient de la générosité privée. Nous sommes lauréats du programme La France s’engage, ce qui nous a fourni un cofinancement pour ouvrir le deuxième Clubhouse.
 

Les clés pour dupliquer un modèle associatif

  1. Un nouveau regard sur une question sociale : les maladies psychiatriques, l’échec scolaire…
  2. Une idée innovante qui a déjà fait ses preuves
  3. Une initiative privée pour la dupliquer : une personne investit son temps, son énergie, ses réseaux et des fonds
  4. L’approche entrepreneuriale : proof of concept (test, évaluation de l’impact) avant le déploiement
  5. Le souci permanent d’efficacité et d’évaluation
  6. Le professionnalisme dans la gestion : commissaire aux comptes, reporting, diffusion de bonnes pratiques…

Vivre ensemble après le 11 janvier

Comment Un Esprit de Famille peut contribuer à l’éducation au « vivre ensemble » ? Dans le désir de poursuivre l’esprit du « 11 janvier », une vingtaine de membres d’Un Esprit de Famille se sont retrouvés le 5 février pour y réfléchir avec des pionniers engagés sur ce sujet.

Trois invités, acteurs reconnus de l’éducation au « vivre ensemble » ont apporté leur témoignage : Marine Quenin, fondatrice de l’association Enquête, Samuel Grzybowski, fondateur de Coexisteret Antoine Arjakovsky, fondateur de la formation Agapan.

Marine Quenin
marine_queninJ’ai créé Enquête avec une amie, il y a 5 ans, pour développer des outils de découverte de la laïcité et des faits religieux destinés à la classe d’âge 7-11 ans. Il existe une réticence à aborder le sujet des religions à l’école. Mais on a peur de ce qu’on ne connaît pas et Enquête apprend à aborder ce thème de façon apaisée. L’association propose des ateliers, des outils et des formations aux enseignants. Tous les outils sont développés sous un angle laïc et non confessionnel. Il faut apprendre aux enfants à aborder le fait religieux avec respect.

Nous organisons une quinzaine d’ateliers par an et les retours des enfants, de leurs parents et des enseignants sont très positifs ; l’état d’esprit des enfants change, ils s’approprient la laïcité, ce qui veut dire accepter l’autre. Ils comprennent mieux l’environnement dans lequel ils évoluent.

Samuel Grzybowski
Samuel-GrzybowskiSous l’apparente unité nationale, il existe de grandes diversités mais une diversité est laissée pour compte en France, celle des religions. Coexister rassemble 20 groupes locaux où coexistent jeunes juifs, chrétiens, musulmans et athées. Chaque groupe identifie un besoin social (orphelins, personnes âgées….) sur lequel ses membres vont travailler ensemble. Leur diversité de convictions nourrit leur engagement sur le terrain. Après cette action commune, ces jeunes sont invités à rencontrer d’autres jeunes dans des lycées et les collèges, pour animer des ateliers sur l’un de ces 3 thèmes :

  1. la laïcité et la liberté de conscience (avec l’Observatoire de la laïcité),
  2. l’enseignement du laïc et du fait religieux (avec Marine Quenin),
  3. la lutte contre les préjugés religieux.

Nous promouvons une façon de vivre ensemble sans heurt à motif religieux. L’objectif est de permettre à tous les Français, quelles que soient leurs convictions, de se connaître et se côtoyer.

Coexister est porté par 600 bénévoles : 30 par groupe depuis janvier 2015 (15 auparavant) et 17 volontaires en service civique. Les demandes de sensibilisation venues des lycées ont récemment beaucoup augmenté. Il y a une vraie prise de conscience, un travail de 6 ans qui porte ses fruits et a un vrai potentiel d’impact dans la société.

Antoine Arjakovsky
Antoine-ArjakowskiJ’ai proposé de créer une formation à la culture éthique et religieuse car les enseignants en France n’y sont pas formés. Avec le soutien des dirigeants œcuméniques, j’ai lancé il y a un an Agapan : une formation destinée aux enseignants, qui comprend un volet interactif en elearning et des  stages en présentiel. Nous avons créé une trentaine de modules (histoire du judaïsme, du christianisme, de la libre pensée, éthique…). Nous sommes associés à Coexister pour le module « Vivre ensemble ». 2 parcours sont possibles : un master avec la formation complète ou seulement quelques modules, en fonction des besoins de chacun. Le ministère de l’Education nationale nous a donné son soutien.

Nous abordons aussi la question de l’environnement : le rapport à la création est expliqué par les grandes religions et c’est un angle important pour protéger l’environnement.

Nos outils pédagogiques peuvent être utilisés par les enseignants avec souplesse. Nous rencontrons beaucoup d’enthousiasme mais avons peu de moyens ! 150 enseignants ont suivi la formation Agapan cette première année.

Vous démontrez qu’il existe des expériences très concrètes en France. Mais comment changer d’échelle ? Comment toucher des milliers de collégiens, de jeunes, d’enseignants ?
Marine Quenin
Actuellement, nous sommes très sollicités par les villes, les centres sociaux et l’Education nationale. Pour changer d’échelle, il existe pour nous 2 voies :

  1. déployer les ateliers car nous utilisons des outils et des méthodes différents de l’école, qui lui sont complémentaires.
  2. former les enseignants, à la fois en formation initiale et continue. Il faudrait former dans chaque académie des personnes ressources qui proposent des outils très opérationnels aux enseignants. Et il faut développer de nouveaux outils.
Samuel Grzybowski
Samuel : pour nous, trois actions où le changement d’échelle est possible grâce à des moyens supplémentaires : le nombre de groupes, de jeunes sensibilisés et de formations dispensées.

  1. un groupe sur deux abandonne faute de moyens. Les jeunes et les projets sont là mais il faut 1000 euros par an pour faire fonctionner un groupe (repas et allers-retours sur Paris).
  2. il faudrait rémunérer les jeunes qui interviennent dans les lycées, il faut également les former. Beaucoup de jeunes ne peuvent être formés car ils n’ont pas assez de moyens pour des allers-retours sur Paris.
  3. la formation globale proposée toute l’année sur différents thèmes a besoin aussi d’être développée.
Antoine Arjakovsky
Agapan va changer d’échelle cette année car nous avons reçu l’agrément formation continue de l’enseignement catholique, qui accepte de financer la formation des enseignants qui le souhaitent. Mais accroître l’audience demande un appui de communication très important vers les enseignants.

Je crois qu’en France, nous sommes actuellement dans une situation d’urgence pour rendre compatibles les valeurs de liberté et de fraternité.

Existe-t-il une définition commune et simple de la laïcité ?
Marine Quenin
On remarque des lignes de clivage intra partis sur la définition de la laïcité. Il faut arrêter de nier la présence du religieux dans la laïcité, ne pas en parler est explosif.  Mais c’est en train de changer et ce que nous proposons contribue à faire bouger les lignes.
Antoine Arjakovsky
On a identifié la laïcité avec la neutralité et la neutralité avec l’agnosticisme. Or, neutralité veut dire impartialité et indépendance. On a mis un couvercle sur une « marmite » d’aspirations religieuses qui existe depuis la nuit des temps. Aucun pays d’Europe n’est laïc comme la France et la laïcité française n’existe nulle part ailleurs.
Samuel Grzybowski
Samuel : nous discutons avec l’Observatoire de laïcité, constitué de personnes de sensibilités différentes. Nous avons réalisé que le discours laïc en France est complexe mais la loi est simple. Nous avons décidé de nous centrer sur la loi :

  • présentation de l’Eglise et de l’Etat,
  • neutralité de l’Etat,
  • garantie de la liberté de religion et de conscience.

Il est intéressant de savoir qu’au cours des discussions précédant le vote de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, l’objectif d’Emile Combes était d’éradiquer les religions et celui d’Aristide Briand était de les accepter, avec l’égalité de toutes les communautés.

La religion ne fait pas seulement partie de la sphère privée. Mais l’expression de la laïcité est en train de changer car l’optique aujourd’hui est plutôt de garantir l’expression du confessionnel.

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Un Esprit de Famille
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