Petit déjeuner organisé par Un Esprit de Famille, le 27 mai 2014.
Pourquoi soutenir financièrement tel projet plutôt que tel autre ? Comment formaliser et suivre la décision d’engagement ? Est-ce préférable de soutenir les dépenses d’investissement ou de fonctionnement des associations ? Pour répondre à ces questions que se posent toutes les fondations, Un Esprit de Famille a organisé un débat auquel ont assisté une vingtaine de ses membres. Deux intervenants présentaient leurs approches différentes : Bénédicte Gueugnier, directrice de la Fondation Financière de l’Echiquier, et Didier Berthelemot, fondateur du fonds de dotation Le Chant des Etoiles. La discussion était animée par Sabine Roux de Bézieux, présidente d’Un Esprit de Famille. Résumé des débats.
Combien de projets vous parviennent et par quels canaux ?
Le fonds de dotation le Chant des Etoiles est plus jeune (né en 2010) et va chercher les projets ; il aide aujourd’hui une vingtaine d’associations pendant 2 à 3 ans dans le domaine de l’insertion, de la fin de vie ou du handicap mental. Le choix s’effectue au fil des rencontres.
Quels sont les processus et règles de sélection ?
Pour le Chant des Etoiles, la sélection entre plusieurs projets repose sur l’expertise des associations qui les portent : laquelle est reconnue
par ses pairs ? La décision se fonde sur des ratios essentiels : l’équilibre entre permanents salariés et bénévoles, qui dépend du champ d’activité. Pour l’accueil d’anciens détenus par exemple, la proportion des salariés est importante car il faut des personnes bien formées.
Les critères de sélection sont quantitatifs et qualitatifs. Pour les deux organismes, la qualité des rencontres est essentielle. Bénédicte Gueugnier et Didier Berthelemot parlent du leadership du porteur de projet, de sa personnalité. La Fondation Financière de l’Echiquier soutient Les enfants de la Goutte d‘Or, dans le 18e arrondissement, qui œuvre pour l’épanouissement des enfants et des jeunes du quartier. Lydie Quentin, directrice de l’association, y fait un travail formidable de proximité. Au-delà des critères rationnels, il faut garder l’émotion et l’envie suscitée par une personnalité.
Comprendre comment fonctionne l’association est un facteur de choix important. La Fondation Financière de l’Echiquier rencontre le porteur de projet dans ses propres bureaux et ensuite sur le lieu de son action : il peut exister des décalages… Le Chant des Etoiles cherche à identifier les points d’achoppement. Par exemple, dans une association qui s’occupe de personnes sortant de prison, les bénévoles étaient démotivés parce qu’ils remplissaient des dossiers et ne faisaient plus ce qui les intéressait : l’écoute et l’accueil. Le nœud était de trouver un financement pour les frais de structure et décharger les bénévoles des dossiers.
Les comptes des associations : équilibre et indépendance
Le Chant des Etoiles cherche d’abord à ne pas rendre l’association dépendante de ses dons : qu’elle ne s’écroule quand ils s’arrêtent. Il faut que les associations se remettent régulièrement en question pour vivre indépendantes. Mutualiser les projets entre plusieurs associations qui ont le même objet pour réduire les frais est une solution féconde : le Chant des Etoiles a financé pour un montant de 20 000 € la plaquette Maladie grave, maladie évolutive sur les soins palliatifs, créée avec 9 associations.
Les deux organisations insistent sur la nécessité des cofinancements, afin de ne pas mettre les associations en situation de dépendance vis-à-vis d’un seul donateur.
Comment se finalise la décision et se formalise l’engagement ?
Le fonds de dotation Le Chant des Etoiles se réunit une fois par moi (4 personnes). L’engagement se finalise par écrit avec l’association, soutenue pour 2 ou 3 ans. L’investissement en temps est conséquent pour assurer le suivi des 20 associations aidées.
Questions pour l’avenir : comment améliorer la sélection des projets ?
Le Chant des Etoiles réfléchit à la gestion de la fin d’un soutien, toujours très délicate pour l’association. Didier Berthelemot aimerait que le Fonds rassemble des personnes qui travaillent sur les mêmes thèmes, notamment la fin de vie, sujet difficile. Il voudrait amorcer une recherche sur la mort en prison : une loi autorise à ne pas mourir en prison mais elle n’est jamais appliquée. On touche avec ce sujet au sommet de l’isolement, de la détresse.
Pour la Fondation Financière de l’Echiquier, il est parfois frustrant de ne gérer que des investissements ponctuels, de ne pas suivre les associations sur la durée. La Fondation a développé une action opérationnelle : la Maison Echiquier qui accueille des jeunes filles de milieux défavorisés pour qu’elles puissent suivre des classes prépa. Il existe ainsi un équilibre entre actions distributive et opérationnelle.
Juliette Timsit, du fonds After FACT et Philipe Scelles (Fondation Scelles) concluent sur leur expérience aux Etats-Unis : pour une plus grande efficacité, on y finance maintenant des collectifs d’associations qui interviennent dans les mêmes domaines. Sur le sujet du proxénétisme, la Fondation Scelles approche de grandes fondations américaines pour trouver des dons destinés à des collectifs d’associations de terrain.