Adrien Taquet : « Je crois à un pacte pour l’enfance qui concerne chaque membre de la société »

Visioconférence avec les membres d’Un Esprit de Famille, le 30 novembre 2020

25 000 plaintes pour agression sexuelle sur mineur sont déclarées tous les ans, 5 % des jeunes bénéficiaires de l’Aide Sociale à L’Enfance suivent des études supérieures… Adrien Taquet affronte chaque jour ces réalités et veut faire bouger les lignes par des actions de prévention et de protection : soutien à la parentalité du quatrième mois de l’enfant jusqu’à 2 ans, 22 mesures de luttes contre les violences faites aux enfants, réorganisation de l’Aide Sociale à l’Enfance… Il est sur tous les fronts.

Actuellement en charge de l’enfance et des familles, j’ai toujours à cœur de mêler prévention et protection. La protection passe souvent par un meilleur accompagnement à la parentalité.

Les trois piliers de mon action sont

  1. la prévention : accompagner les 1000 premiers jours de l’enfant,
  2. la lutte contre les violences,
  3. notre système institutionnel de protection : l’aide sociale à l’enfance.

Je crois à un « pacte pour l’enfance » qui concerne chaque membre de la société, l’ensemble des acteurs, dont bien sûr les acteurs privés. Ensemble, nous mettrons en œuvre des solutions.

1. Accompagner les 1000 premiers jours de l’enfant

Nous avons l’ambition d’une politique de la toute petite enfance. Le concept des 1000 premiers jours existe depuis les années 1980 : les neurosciences ont montré que ce qui se passe durant ces 1000 jours a des répercussions toute la vie. Au cours de cette période se forgent les inégalités sociales, de santé, comportementales : il est évidemment préférable de lutter contre les inégalités au moment où elles se forment. Le Président de la République, très attentif à ce sujet, a réuni une commission autour du neuropsychiatre Boris Cyrulnik pour proposer des recommandations. Le rapport de la commission, finalisé en septembre dernier, préconise 4 champs d’action.

  • Développer des messages de santé publique : sur les dangers des écrans, les violences ordinaires… Des études montrent que les parents considèrent qu’il est de plus en plus difficile d’être parent ; ils ont besoin d’être accompagnés.
  • Généraliser l’entretien prénatal précoce : il ne concerne aujourd’hui que 28 % des grossesses.

Adrien Taquet est entré au gouvernement en 2019, après un parcours d’homme de communication. Directeur général d’Euro RSCG (2004-2007), puis directeur-associé chez Leg (2008-2012), il crée et dirige l’agence de publicité Jésus et Gabriel de 2013 à 2017.

Cofondateur d’En marche, il est élu député dans la deuxième circonscription des Hauts-de-Seine en 2017. A l’Assemblée nationale, membre de la commission des affaires sociales, il s’investit particulièrement sur les sujets sociaux, de santé et d’éducation, dans une optique permanente d’émancipation et d’inclusion. Il est nommé secrétaire d’État en charge de la Protection de l’Enfance auprès d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Le 26 juillet 2020, il est nommé secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance et des Familles auprès d’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé.

  • Bâtir un parcours d’accompagnement des parents, qui sera financé dès cette année. Il se déploie dès le quatrième mois de l’enfant, notamment par des visites à domicile post-partum. La dépression post-partum est un vrai sujet de santé publique. Des parcours spécifiques sont prévus pour les parents qui accueillent un enfant en situation de handicap, pour les parents handicapés, pour les enfants prématurés…
  • Permettre aux parents d’être présents : le temps du congé paternité a été doublé, avec une semaine obligatoire, mais il est encore mal vu. Il faut mener une réflexion globale sur les congés parentaux. Les entreprises qui proposent une politique familiale disposent d’un atout certains pour recruter les meilleurs talents.
2. Lutter contre les violences

Il faut s’attaquer urgemment à la question des violences faites aux enfants : 25 000 plaintes parviennent chaque année pour agression sexuelle sur mineur, un chiffre sûrement en dessous de la réalité. 700 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire tous les ans. 6 millions de Français ont été victimes d’inceste. Les violences sont perpétrées dans le cercle intrafamilial.

Il faut aussi savoir que la prostitution infantile explose en France, même dans des écoles huppées. L’acte sexuel est banalisé et dégradé par la pornographie trop facilement accessible.

Les entreprises privées sont réticentes à s’investir sur ces sujets, qui mettent à mal un fondement de notre société : la famille. Mais je crois au rôle de transformation exercé par le secteur privé. Un de mes enjeux est de faire de ce sujet un enjeu : c’est le plus difficile. Il faut que tout le monde s’en empare.

Une commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants, pour lever le tabou de l’inceste, sera opérationnelle prochainement.

Le 20 novembre dernier, à l’occasion des 30 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant ont été annoncées les 22 mesures du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, dont :

  • renforcer la prévention des violences sexuelles à l’école,
  • expérimenter une ligne d’écoute pour les potentiels auteurs de violences identifiés,
  • durcir les peines contre la pédophilie…

3. L’Aide Sociale à l’Enfance

C’est une compétence départementale mais qui demande une coordination nationale pour être plus efficace. Une décentralisation excessive a nui à cette coordination entre les responsables des institutions. La création du Secrétariat d’Etat en charge de l’Enfance et des Familles prouve que l’Etat s’y investit à nouveau.

340 000 enfants bénéficient de l‘Aide Sociale à l’Enfance. La moitié des ces enfants reste dans sa famille, l’autre moitié est placée dans des foyers ou des familles d’accueil. Ces enfants ont de vraies difficultés dans leur scolarité : seulement 5 % d’entre eux suivent des études supérieures. Nous essayons d’améliorer cet état de fait. Nous avons notamment lancé un appel à projets pour mettre en place du soutien scolaire destiné aux enfants de l’ASE.

Le soutien des fondations familiales à des associations comme Les Apprentis d’Auteuil, La Voix De l’Enfant, L’Enfant Bleu ou à de plus petites structures spécialisées est essentiel pour faire avancer tous ces sujets.

L’Ilôt

La fondation Demeter soutient L’Îlot, association qui accueille, héberge et accompagne vers la réinsertion des personnes en grande détresse.

Les bénéficiaires sont des personnes qui font ou ont fait l’objet d’une peine de justice, des sortants de prison ou des personnes qui bénéficient d’un aménagement de peine.

Mission : leur permettre de retrouver un statut de citoyen et de membre du corps social, notamment par l’accès au logement et à l’emploi.

Intervention :

  • hébergement,
  • accompagnement des personnes dans leur démarche personnelle et volontaire,
  • insertion par l’activité économique.

L’Îlot gère 3 ateliers d’insertion par l’activité économique à Amiens : automobile, menuiserie et restauration.

Pour en savoir plus

La fondation Demeter soutient l’Îlot

Les ressources humaines à la disposition des associations et des fondations

Les fondations et associations ont souvent de multiples projets et développer et d’actions à mener avec un minium de ressources humaines et financières. Beaucoup de fondations familiales, notamment, n’ont pas de salarié et sont gérées par les fondateurs eux-mêmes, qui font face à une masse de travail importante et ont besoin d’être aidés. Plusieurs organisations peuvent procurer des soutiens : le service civique des jeunes grâce à Unis-Cité, le bénévolat de compétences, mis en place par Passerelles et Compétences, et les emplois solidaires, gérés par Nouvelles Solidarités face au chômage (SNC). Ces ressources humaines peuvent aussi être proposées par les fondations aux associations qu’elles soutiennent. Un Esprit de Famille a rassemblé le 12 mai 2015 au cours d’une table ronde ces 3 organisations afin de mieux connaître les solutions qu’elles proposent.
Marie Trellu-Kane, fondatrice et coprésidente d’Unis-Cité : le service civique, une étape de solidarité et d’apprentissage de la diversité dans la vie des jeunes
marie-trellu-kane

Avec deux amies, comme moi étudiantes à l’ESSEC, nous avons créé Unis-Cité en 1994 pour permettre à des jeunes de consacrer une étape de leur vie à la solidarité. Notre vision était que tous les citoyens, en particulier les jeunes, ont un rôle à jouer pour faire avancer la société ; tous, nous pouvons agir dans le respect de nos différences culturelles, sociales et de croyances.

Nous avons commencé avec 24 jeunes il y a 20 ans et, en 2014, plus de 2000 ont effectué leur service civique dans une cinquantaine de villes en France. L’association Unis-Cité est ouverte à tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans condition de diplôme ni de compétences. Pendant 6 à 9 mois, nous leur proposons des missions au service de la communauté. Les jeunes fonctionnent en équipe pour favoriser la mixité sociale et cultuelle.

Ils sont mobilisés sur 5 grandes missions :

  • L’éducation, à travers le programme Néo-citoyens : les jeunes interviennent dans des écoles en difficulté pour des actions de prévention contre la violence.
  • La solidarité intergénérationnelle et la prévention de l’isolement des personnes âgées : les « Intergénéreux » interviennent dans les maisons de retraite ou à domicile pour des visites de convivialité, pour proposer des sorties, recueillir la mémoire des personnes âgées, valoriser leurs savoirs…
  • La santé : mener dans activités avec les enfants de quartiers défavorisés autour du « bien manger » pour les encourager, ainsi que leurs parents, à adopter une alimentation plus saine et à pratiquer une activité physique régulière.
  • Le développement durable : 450 jeunes, en 2014, sont allés dans les quartiers populaires pour aider des familles à adopter des gestes éco-citoyens et réduire leurs factures énergétiques.

Depuis la loi du 10 mars 2010 qui institue le service civique volontaire, l’Etat finance 80 % des indemnités mensuelles de nos jeunes, qui gagnent 573 € par mois. Les 20 % restants sont donnés par nos partenaires. Par exemple, la collectivité locale du Val d’Oise nous finance pour accompagner des enfants autistes dans le département.

Depuis 5 ans, nous avons mis en place 2 nouveaux programmes :

  • Rêve et réalise : les jeunes s’engagent pendant 9 mois à monter leur projet solidaire, par exemple une action pour lutter contre le racisme, pour créer des emplois dans le quartier…
  • Programme Booster auprès des décrocheurs scolaires mineurs : si on propose à des jeunes en échec scolaire de réaliser des actions solidaires pendant 7 ou 8 mois, 86 % d’entre eux retournent à l’école par la suite.

Comment une association ou une fondation peut-elle bénéficier des talents
des jeunes en service civique ?

Depuis 2012, il est possible pour une fondation ou une association de se faire agréer par l’Etat pour recevoir des jeunes volontaires sur une période de 6 à 12 mois. L’Etat verse son indemnité et la structure d’accueil complète de 110 € par mois et par jeune. Le dossier d’agrément est obtenu pour une mission d’intérêt général accessible à tout jeune, quelles que soient ses qualifications, et non concurrentielle à l’emploi. La deuxième exigence est l’accompagnement des jeunes : un encadrant les aide à accomplir leur mission et à réfléchir à leur projet d’avenir. Il est recommandé de ne pas mobiliser un jeune seul : le service civique est une étape de mixité sociale, qui le place dans une dynamique collective.

Unis-Cité conseille et soutient les structures qui demandent l’agrément pour accueillir des jeunes en service civique.

Patrick Bertrand, fondateur et président de Passerelles et Compétences : le bénévolat de compétences pour accompagner les structures à mission d’interêt général
Patrick BertrandDepuis 13 ans, l’association Passerelles et Compétences promeut le bénévolat de compétences : nous mettons en relation des associations de solidarité et des professionnels, dans le cadre de missions ponctuelles bénévoles. Comme Unis-Cité, nous pensons que chaque citoyen détient une parcelle de la solution aux défis de la société ; en apportant nos talents et nos compétences, nous pouvons aider à résoudre ces problèmes.

Des « Passerelles » existent dans 20 villes de France : ce sont des bénévoles qui gèrent l’ensemble des relations avec les associations et les professionnels qui donnent leur temps. Les Passerelles :

  • aident les associations à réfléchir à leurs besoins et à bien les identifier ;
  • identifient le professionnel qui correspond à la mission. En général, ils ont le choix entre plusieurs bénévoles pour une seule mission. Ils déterminent le bénévole pour cette mission avec des critères objectifs, sans mettre les autres en concurrence avec lui ;
  • accompagnent toute la réalisation de la mission entre le bénévole et l’association : l’objectif est de créer une « histoire » et donner envie au bénévole de pérenniser son engagement dans l’association.

Passerelles et Compétences a réalisé l’année dernière 500 missions, pour une valorisation de 2,5 à 3 millions d’euros si elles étaient achetées dans le secteur marchand. Aujourd’hui, nous avons un vivier de 5 000 personnes bénévoles, dont 80 % sont en activité professionnelle.

Comment une association ou une fondation peut-elle utiliser Passerelles et Compétences ? 

Vous avez tous dans votre entourage des associations qui cherchent en permanence des compétences pour se développer, être efficaces et impactantes ; de notre côté, nous connaissons de nombreux bénévoles qui attendent que l’on fasse appel à  eux.

Les associations participent à 40 % au financement du fonctionnement de notre association. Nos partenaires, des dons et subventions financent les 60 % complémentaires. Des fondations qui soutiennent des associations demandeuses peuvent, par exemple, financer les 60 % complémentaires.

Nous développons de nouveaux programmes :

  • les bénévoles ont envie d’agir en équipe : des missions collectives, comme Phosphore en association avec Pro Bono Lab, est un « marathon » qui réunit une équipe de volontaires pendant une journée pour répondre aux besoins d’une association.
  • les petites associations ont besoin d’échanger au fil de l’année, c’est pourquoi nous avons créé le bénévolat d’accompagnement : des bénévoles accompagnent ces associations pendant 9 mois ;
  • pour les associations qui se posent des questions techniques, nous lancerons en septembre 2015 unsystème de questions/réponses : un bénévole répond aux questions, en s’appuyant sur tout un réseau d’autres bénévoles.
Vincent Godebout, délégué général de Solidarité Nouvelles face au Chômage : les emplois solidaires au service des structures de l’Economie Sociale et Solidaire et de la lutte contre le chômage
VincentGodeboutFondée en 1985, Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC) est une association quipropose à des chercheurs d’emploi un soutien humain personnalisé effectué par un réseau d’accompagnateurs bénévoles à travers toute la France. 2 700 chercheurs d’emploi sont accompagnés par 2000 membres bénévoles répartis dans 140 groupes locaux de solidarité, avec un taux d’issue positive de 62 % en fin d’accompagnement.

Solidarités Nouvelles face au Chômage crée et finance aussi pour des chômeurs de longue durée, accompagnés par son réseau, des emplois solidaires à durée déterminée dans des associations partenaires. Ces emplois solidaires sont un outil complémentaire à l’accompagnement. Ils sont créés et financés par SNC grâce aux contributions de ses membres et de ses donateurs, à hauteur de 115 % du SMIC pendant 1 an. Depuis l’année dernière, les emplois solidaires sont ouverts à l’ensemble des structures de l’ESS : entreprises sociales, coopératives, mutuelles… Pendant l’emploi, les salariés sont accompagnés par 2 bénévoles.

Par SNC, il est donc possible de contribuer à la solidarité nationale en donnant de son temps pour l’accompagnement et en finançant des emplois pour des personnes qui en étaient dépourvues.

Tous les bénévoles suivent un programme de formation en plusieurs modules : acculturation, écoute, techniques de recherche d’emploi et connaissance des étapes de l’accompagnement. Le modèle est très souple : l’accompagnement peut durer de un mois ou 2 ans, selon le besoin du chercheur d’emploi. Les accompagnateurs se retrouvent tous les mois au sein de 140 groupes de solidarité pour échanger, réceptionner les profils de postes, échanger sur la vie de l’association…

Comment une association ou une fondation peut-elle bénéficier des emplois solidaires de SNC ? 

SNC dispose d’un vivier de personnes compétentes dans tous les métiers et dans toutes les régions : nous sommes présents dans toutes les grandes villes de France et, de plus en plus, dans les villes moyennes.

Une association ou une organisation sans but lucratif qui veut développer une activité, sans avoir les moyens financiers de le faire, peut contacter SNC pour proposer une offre d’emploi. Le salaire de la personne sera pris partiellement ou totalement en charge par SNC. Le contrat de travail est conclu entre l’association partenaire et la personne accompagnée pour une durée déterminée, à temps plein ou partiel. Le salarié est accompagné par la structure bénéficiaire ou un bénévole de SNC. Il se crée ainsi une relation tripartite entre l’employeur, le bénéficiaire et SNC.

Le chômage n’est pas une fatalité, chacun peut lutter contre ses effets en donnant du temps, en partageant avec d’autres…

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