Donner le goût de l’Europe aux jeunes européens

 Philanthropes en action #12

« Donner le goût de l’Europe aux jeunes européens. »

avec Dorothée Merville
Directrice de la fondation HIPPOCRENE

Pour les jeunes qui peuvent profiter de la mobilité européenne, l’Europe est concrète et plus facile à appréhender.

Pour les autres, il est compliqué de se figurer le rôle important que l’Union européenne peut avoir sur notre quotidien. En particulier quand on est éloigné des grandes villes et que son environnement local, familial et scolaire ne permet pas cette ouverture.

Et pourtant, cela crée une inégalité de plus car face aux enjeux actuels, l’échelle européenne constitue un véritable levier de réflexion et d’action.

C’est tout l’objet de la mission de la Fondation Hippocrène : permettre de vivre une expérience européenne concrète, en donnant le goût de l’Europe aux jeunes, à tous les jeunes, afin de leur donner des clés supplémentaires pour leur avenir.

Depuis sa création, la Fondation Hippocrène a soutenu environ :

  • 1200 projets associatifs au bénéfice direct de plus de
  • 150 000 jeunes ayant touché plus de
  • 8 millions de personnes à travers les media et les réseaux sociaux.

    Quelle est l’origine de la fondation HIPPOCRENE  ?

    Dorothée Merville :
    La genèse de la Fondation Hippocrène est assez atypique. Elle a été créée en 1992 par mes grands-parents, Jean et Mona Guyot, avec un statut de FRUP (fondation reconnue d’utilité publique) et pour mission de « Donner le goût de l’Europe aux jeunes ». Ma tante Michèle Guyot-Roze a pris la suite de la présidence en 2006, puis mon frère Alexis Merville en 2016, ma mère Nicole Merville étant Vice-présidente.

    C’est le parcours professionnel de mon grand-père qui l’a conduit à ce projet qui était novateur il y a une trentaine d’années. En tant que proche collaborateur de Jean Monnet au moment de la création de la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier), il a été marqué par la philosophie Monnet tout au long de sa carrière de banquier chez Lazard. Il a appliqué cette méthode du concret, de la coopération entre plusieurs pays, des petits-pas, à la création de la Fondation Hippocrène.

    Quant au nom de la Fondation, il fait référence à l’histoire du cheval Pégase dans la mythologie, Hippocrène (source du cheval en Grec) étant le nom de la source qui a jailli sous son sabot et qui a inspiré les poètes et les muses.
    En tant qu’homme discret, il ne souhaitait pas associer directement son nom à celui de la fondation mais Hippocrène fait référence à ses deux passions : l’équitation et la poésie.

    Qu’est-ce qui vous a motivée à rejoindre cette aventure familiale ?

      DM :
      En tant que 3ème génération, les circonstances sont différentes que lorsque l’on fait partie du processus de création. C’est à un moment de transition professionnelle que j’ai commencé par « donner un coup de main ». Puis je me suis progressivement passionnée pour ce projet familial qui s’est avéré à la fois structurant, inspirant et plein de sens. Cela fait maintenant 15 ans que c’est devenu mon activité principale.

      Comment votre action philanthropique soutient-elle les initiatives qui promeuvent la citoyenneté européenne ?

      DM :
      Notre conviction est qu’il faut un déclencheur pour se sentir citoyen européen.

      C’est la raison pour laquelle nous soutenons des projets qui donnent le goût de l’Europe aux jeunes, un préalable au fait de s’ouvrir au sentiment de citoyenneté européenne.

      Nos soutiens sont donc prioritairement fléchés sur des projets qui permettent aux jeunes de vivre l’Europe, en réalisant leur projet en coopération avec des jeunes d’autres pays de l’UE. L’Europe n’est donc pas traitée comme une thématique mais de manière transversale au sein de la mise en œuvre et la pédagogie du projet. Nous partons des thématiques d’engagement des jeunes, et l’Europe est vécue comme un moyen de renforcer l’impact des projets.

      Cela nous amène à soutenir des projets très variés qui ont tous pour point commun les thématiques jeunesse et les valeurs européennes.

      Quel est le projet que vous soutenez depuis le plus longtemps ?

        DM :
        Nous soutenons 40 à 50 projets chaque année dont certains depuis leurs débuts.

        Nous sommes très fiers de suivre sur la durée deux associations qui œuvrent chacune à leur manière au développement de la citoyenneté européenne des jeunes par les jeunes : le Parlement européen des Jeunes et les Jeunes Européens-France, que nous suivons depuis plus de 25 ans et avec lesquels nous avons construit une véritable relation de confiance au fil des années et des équipes.

        Cette possibilité de suivre sur le temps long fait partie de la grande force d’une fondation comme la nôtre.

        Quels sont les programmes que vous avez mis en place ?

        DM :
        Nous avons développé 3 programmes que nous avons développés en complément de notre action de fondation redistributrice.

        Le prix Hippocrène de l’éducation à l’Europe

        Nous avons lancé en 2010 le Prix Hippocrène de l’éducation à l’Europe en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale. Ce prix, qui s’adresse aux établissements du primaire et du secondaire, a pour objectif de donner envie d’Europe dès l’école, en récompensant des projets scolaires réalisés en partenariat avec des classes d’autres pays d’Europe. Les prix sont remis au Parlement européen de Strasbourg par des députés européens et après un passage par l’hémicycle lors d’une séance de votes. Cela permet de faire le lien entre un projet de classe et la citoyenneté européenne.

        Inspiring Young Europeans

        En 2020, nous avons initié l’écosystème d’engagement de la jeunesse européenne « Inspiring Young Europeans » avec 19 organisations. Porté par la Fondation Hippocrène, IYE est composé actuellement de 23 organisations qui informentsensibilisent et engagent la Jeunesse sur tous les enjeux qui les concernent. En favorisant l’entraide et la coopération entre ses membres, IYE a pour mission de démultiplier leur impact en mutualisant leurs compétences et leurs expériences et en construisant des projets communs avec des partenaires européens.

        En 2023 nous avons lancé, ensemble, le Prix Inspiring Young Europeans qui a pour objectif d’encourager les associations à s’approprier l’échelle européenne grâce à une dotation financière et un accompagnement sur mesure par les membres de l’écosystème. Les dotations sont apportées par des partenaires qui apportent également leurs réseaux et leurs expertises sur des thématiques en lien avec les valeurs européennes et la jeunesse.

         L’Ode à la Joie

        Nous avons également à cœur de développer des projets culturels européens. Depuis 2024 nous travaillons avec le Centre européen de Musique pour valoriser l’Ode à la Joie de Beethoven dans le cadre d’activités artistiques et citoyennes, afin que les citoyens européens puissent se réapproprier leur hymne européen. Un challenge est notamment en cours jusqu’au 21 juin 2025. 

        Vous êtes membre active du Cercle Citoyenneté Un Esprit de Famille. En quoi ce dernier vient-il nourrir votre réflexion ?

        DM :
        Donner le goût de l’Europe aux jeunes, notre mission, a pour objectif d’ancrer les jeunes à travers une expérience européenne afin qu’ils puissent se sentir pleinement citoyens européens.

        Ma participation au Cercle Citoyenneté Un Esprit de Famille est particulièrement enrichissante par rapport à notre action à plusieurs niveaux : nous avons une approche « terrain » au sein du Cercle Citoyenneté qui nous conduit à aller à la rencontre des associations et de bénéficiaires.

        Partager ces expériences entre fondations est encore plus pertinent car cela nous permet de partager nos visions et nos expertises.

        C’est d’autant plus intéressant sur cette thématique qui est très transversale et finalement intrinsèque à beaucoup de fondations.

        D’un point de vue très pragmatique, cela me permet de m’informer sur les méthodes et axes choisis par les associations françaises pour promouvoir la citoyenneté chez les jeunes. Cela me fait gagner en expertise et m’aide également à identifier les éventuelles associations qui pourraient s’intéresser à la citoyenneté européenne.

        Quel est, selon vous, l’un des principaux enjeux de l’Europe dans le contexte actuel ?

        DM :
        J’ai traversé 17 années d’aventure européenne avec la Fondation Hippocrène, aux côtés de Michèle Guyot-Roze, ma tante, Présidente de 2006 à 2016 et depuis avec mon frère Alexis Merville, l’actuel Président. Le projet est en constante évolution même si la mission reste identique et semble également de plus en plus pertinente dans le contexte actuel.

        L’Union européenne a été créée en réaction à la guerre et sa première valeur, c’est la paix. La démocratie a permis de construire et de développer l’Union Européenne.

        Avec les défis que nous devons relever, l’Union européenne représente une force bienveillante, riche de ses valeurs et de son unité dans la diversité.  

        Entreprendre pour vaincre le cancer 

         Philanthropes en action #11

        « Nos projets ont un seul objectif : accélérer l’accès à des solutions concrètes pour les patients qui souffrent du cancer. »

        avec Jérôme Majoie
        Président de la fondation FOURNIER-MAJOIE

        Le cancer continue de bouleverser des millions de vies chaque année. En Europe, un homme sur deux et une femme sur trois seront touchés par cette maladie au cours de leur vie.

        Même si la recherche scientifique progresse, trop d’innovations restent encore bloquées dans les laboratoires, faute de financement ou de soutien pour passer du concept à la réalité.

        C’est à cette charnière que s’inscrit la mission de la Fondation Fournier-Majoie :
        « Pour sauver des vies, nous identifions, finançons et accompagnons les chercheurs afin que leurs découvertes scientifiques bénéficient aux personnes souffrant d’un cancer. »

          Quelle est l’origine de la fondation FOURNIER-MAJOIE ?

          En 1966, mon père, Bernard Majoie, docteur en pharmacie, a consacré sa vie à l’innovation au service de la santé. À seulement 27 ans, il crée le département R&D des Laboratoires Fournier et trouve un médicament contre l’excès de cholestérol. Il propulse cette entreprise familiale vers les sommets de l’industrie pharmaceutique. De 400 à plus de 4.000 collaborateurs, il transforme cette PME en acteur mondial, toujours guidé par la volonté d’améliorer la vie des patients.

          Fort de ce succès et animé par la volonté de renvoyer l’ascenseur, il crée en 2007 la Fondation Fournier-Majoie avec une ambition forte : aider les chercheurs à devenir des entrepreneurs contre le cancer. Au fil de son parcours entrepreneurial, il a pu se rendre compte que de nombreuses recherches prometteuses en cancérologie n’aboutissaient pas aux patients, faute d’un accompagnement financier et managérial adéquat. « Un bon scientifique n’est pas forcément un bon entrepreneur ! » Il lui tenait à cœur de donner à ces innovations une chance d’aboutir jusqu’aux patients.

          Emporté par un cancer, notre Fondateur s’est éteint en décembre 2021. Mais son empreinte, profondément humaniste et innovante, continue de guider chacune de mes actions et celles de mon équipe.

          Quelles sont les bases de la philanthropie entrepreneuriale sur laquelle vous vous appuyez ?

            La philanthropie entrepreneuriale, c’est d’abord une combinaison : celle de l’altruisme, de l’absence d’enrichissement personnel, et d’un engagement professionnel empreint de rigueur, d’ambition et de recherche d’impact qui caractérisent les entrepreneurs.

            Nous agissons comme des « philanthropreneurs ». Cela signifie que nous apportons aux porteurs de projets non seulement un soutien financier (pouvant aller jusqu’à 2,5M par projet), mais aussi un accompagnement stratégique rigoureux basé sur un réseau d’experts scientifiques et techniques. Sans oublier l’accès à un réseau d’investisseurs privés et publics dans le cadre de la levée de fonds.

            D’autre part, chaque lauréat qui bénéfice de l’aide de la Fondation va indirectement aider de futurs chercheurs si son initiative aboutit positivement. Les fonds générés reviennent à la Fondation qui va les réutiliser en finançant d’autres projets. D’Aidé, il devient ainsi Aidant et contribue à la formation d’un cercle vertueux qui caractérise la Fondation.

            C’est cette approche hybride, entre la bienveillance du philanthrope et la rigueur de l’entrepreneur, qui fait notre singularité.

            Au-delà de ce modèle unique, 100 % des dons reçus sont intégralement alloués aux projets. Aucun centime n’est utilisé pour le fonctionnement de la Fondation. Celui-ci est pris en charge par une dotation distincte, issue du capital transmis par mon père, Bernard Majoie. Cela permet aux donateurs de savoir exactement où va leur générosité.

            Quels types de projets soutenez-vous ? 

            La Fondation Fournier-Majoie soutient des projets thérapeutiques innovants en oncologie qui ont déjà validé une preuve de concept et peuvent démontrer un impact potentiel clair pour les patients. Selon le modèle « best in class, first in class », nous sélectionnons rigoureusement les lauréats qui proposent de mettre sur le marché les meilleurs produits d’une catégorie de médicament ou des produits totalement nouveaux quant à leur mode d’action.

            Notre intervention se situe à un moment crucial du parcours scientifique : juste après la preuve de concept, lorsque le chercheur a démontré la faisabilité et l’efficacité initiale de sa découverte, mais avant que le projet ne rentre dans les phases cliniques. C’est à cette étape clé que la Fondation intervient, en apportant à la fois des moyens financiers scientifiques et un accompagnement entrepreneurial pour développer le projet.

            Afin de garder une proximité avec nos lauréats, nous souhaitons qu’ils soient situés à 2h30 de vol de Bruxelles, me permettant ainsi de faire l’aller-retour dans la journée.

            Quel est l’impact de vos actions pour les patients ?

              L’impact de notre action est au cœur de chaque projet que nous soutenons.

              Tous les projets sélectionnés par la Fondation ont un seul objectif : accélérer l’accès à des solutions concrètes pour les patients qui souffrent du cancer. Le cancer est une course contre la montre.

              Notre rôle est de catalyser le passage de la recherche à la réalité clinique, en accompagnant des découvertes prometteuses qui peuvent transformer les traitements existants ou en créer de nouveaux.

              Si l’ensemble des projets que nous avons soutenus devait atteindre les patients, nous pourrions avoir un impact vital auprès de 7 millions de personnes. Cela témoigne de l’envergure de notre engagement et de notre ambition : chaque projet représente une avancée potentielle dans la lutte contre le cancer, avec des solutions qui peuvent toucher des millions de vies.

              Chaque avancée, chaque innovation, peut signifier un diagnostic plus précoce, un traitement plus ciblé, ou une meilleure chance de rémission

              Quels sont les projets dont vous êtes le plus fier ?

              Il y en a plusieurs. Je pense notamment à un projet que nous avons accompagné jusqu’en phase clinique et qui illustre parfaitement l’idée du cercle vertueux, chère à mon père. Notre projet « la cape d’invisibilité », porté par la société Mablink Bioscience.

              Le porteur de projet, Jean-Guillaume Lafay, est arrivé avec une idée prometteuse : une plateforme technologique et quelques prémisses de preuve de concept. Ensemble, nous avons retravaillé son plan de développement et ciblé des indications précises pour renforcer l’attractivité du projet. Une équipe solide s’est formée autour de lui et très vite, nous avons perçu que cette société disposait d’une technologie véritablement innovante. Cette intuition s’est confirmée lorsque la société a été rachetée par Eli Lilly, une grande entreprise pharmaceutique. Le retour sur mission dont nous avons bénéficié a permis à la Fondation d’accompagner d’autres projets prometteurs contre le cancer. Mais au-delà de la réussite de l’opération, ce dont je suis le plus fier est l’impact humain que nous avons créé.

              Grâce à l’accompagnement de la Fondation et à l’équipe extraordinaire derrière ce projet, 30 patients ont déjà bénéficié de ce nouveau traitement et entrevoient le chemin de la rémission.

              Quelles sont les différentes façons, pour le public, de soutenir la Fondation ?

              Il y en a beaucoup ! Chacun peut contribuer à sa manière, selon ses moyens, ses envies, ses idées. La première manière, bien sûr, c’est le don direct, qui est fiscalement déductible à partir de 40 € par an en Belgique. C’est un geste simple mais essentiel, parce qu’il permet d’alimenter concrètement les projets que nous soutenons.

              Mais on peut aussi créer une collecte personnalisée, que ce soit à l’occasion d’un défi sportif, d’un anniversaire, d’un mariage, ou même en mémoire d’un proche. J’aime beaucoup ces initiatives, car elles partent du cœur et mobilisent l’entourage autour d’un élan de solidarité.

              Il y a aussi celles et ceux qui choisissent de participer à nos événements, comme notre gala annuel, les Voiles du Zoute, ou encore intégrer notre équipe lors des 20 km de Bruxelles. Ce sont des moments forts, festifs et engagés, où se rencontrent des personnes qui partagent la même volonté de faire avancer les choses.

              Enfin, les entreprises ont un rôle clé à jouer. Nous collaborons avec des partenaires qui intègrent notre cause dans leur politique RSE, qui sponsorisent nos événements ou qui mobilisent leurs collaborateurs autour de notre mission. C’est une belle manière de donner du sens à l’activité économique et de créer de l’impact à grande échelle.

              En résumé : chaque geste compte, et chacun peut trouver une façon qui lui ressemble de rejoindre le combat contre le cancer.

              Enjeux et perspectives

              Les enjeux sont immenses. Avec le vieillissement de la population, l’incidence du cancer va continuer d’augmenter. Nous devons donc soutenir une recherche plus rapide, plus agile, plus centrée sur les besoins réels des patients.

              Malgré les progrès scientifiques immenses que connaît notre époque, trop de découvertes innovantes peinent encore à atteindre les patients. Notre ambition est de continuer à combler ce fossé, en jouant ce rôle de passeur entre la recherche et la réalité clinique. Nous croyons fermement que l’accès des patients à des solutions thérapeutiques innovantes pourra être accéléré en soutenant de jeunes projets à fort potentiel, avec une approche originale qui combine empathie et efficacité entrepreneuriale.

              Mais nous ne pouvons pas le faire seuls. C’est pourquoi nous faisons appel à des entrepreneurs philanthropes engagés – que nous avons baptisé les Philanthropreneurs – qui partagent notre vision : celle où l’innovation sauve des vies, et où chaque geste de solidarité contribue à créer un effet papillon pour faire éclore des avancées décisives dans la lutte contre le cancer.

              Contribuer à changer le monde grâce à l’éducation

               Philanthropes en action #10

              « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde. »

              avec Hervé et Frédérique Allard, Louis et Samuel, Aude, Maximilien et Pauline, Aurélien
              Fondation LAMA

              « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde ». La fondation LAMA, créée en 2019, a  fait de cette célèbre phrase de Nelson Mandela sa devise.

              Son objet : accompagner des projets concernant l’éducation et l’épanouissement des enfants les plus démunis.

              Une belle aventure familiale lancée par Hervé, Frédérique et leurs 4 enfants, qui puise son origine au Chili.

              Frédérique et Louis ont choisi de répondre en duo à cet entretien.

                Qu’est-ce qui vous amenés à vous engager dans la philanthropie ?

                Frédérique :
                Hervé et moi avons toujours été interpellés par la chance d’avoir eu une jeunesse « dorée ».
                Dans ma famille, j’avais un grand père d’une grande générosité qui nous parlait constamment de charité, un mot un peu galvaudé certes mais qu’il mettait en pratique et étant au service des plus démunis, économiquement, moralement et spirituellement. Il était « profondément » catholique et son meilleur ami était « profondément » juif.

                Cette ouverture à l’Autre a été pour moi, inconsciemment au début et consciemment aujourd’hui, un déclencheur fort que l’Humanité était notre monde à tous et que nous avions une responsabilité à partager à tous les niveaux.

                Notre histoire familiale est une histoire peu commune…
                et une si belle histoire.

                Louis Aude Maximilien Aurélien.
                Avez-vous remarqué ?
                L’acronyme L A M A.
                LAMA, cet animal emblématique du Chili, notre pays de cœur.

                La conscience que chacun de nos quatre enfants a été l’occasion d’une Rencontre à chaque fois différente et tellement riche.

                Que ce soit l’histoire de Louis, celle d’Aude, de Maximilien et d’Aurélien.
                Les trois premières sont des histoires d’adoption et la dernière se rattache au souvenir des trois aînés émerveillés autour du berceau de leur petit frère à Lille.

                Aujourd’hui nous sommes heureux de voir le respect, l’écoute qui existent dans leur fratrie. Et aussi la volonté qu’ils ont de comprendre les réalités de chacun avec sa propre histoire.

                Si mon propos est insistant, c’est que je pense que nos enfants et « valeurs ajoutées » sont à l’origine de ce projet plus qu’ils ne le pensent.
                Et nous sommes, Hervé et moi, convaincus que s’ils n’avaient pas été ok pour se lancer dans ce projet de la fondation LAMA, nous ne l’aurions pas fait.

                Louis :
                En tant que fils d’Hervé et Frédérique, je ne peux pas dire que je me suis « engagé » dans la philanthropie. J’ai accepté de suivre le chemin tracé et proposé par mes parents. C’était plus un choix « subi », mais sans pression de leur part.

                En effet, à l’origine j’avais une idée de la philanthropie limitée à un levier d’optimisation fiscale parmi d’autres, teinté de bonne conscience facile. Cette perception assez critique me venait de personnalités publiques qui parlaient de leurs actions, mais qui étaient très loin du terrain et de la réalité.

                Le changement s’est produit quand j’ai constaté que les valeurs familiales et humaines mises en avant par mes parents se traduisaient concrètement.

                Un voyage en Inde en octobre en famille m’a conforté dans cette pensée.
                Le fait de pouvoir aller sur place à la rencontre d’hommes et de femmes porteurs de projets donne du sens à nos actions et justifie cet engagement. J’ai trouvé une manière de donner du sens à une vie privilégiée qui est le fruit de ce que je reçois et pas dû à moi-même.

                Pourquoi avoir choisi de consacrer votre action à l’enfance et à l’éducation ?

                  Louis :
                  L’enfance est l’âge de la vie où tous les possibles existent et où l’exemple peut tout. C’est l’âge de l’éveil et des ambitions. C’est à ce stade que s’apprennent les fondamentaux qui nous suivront toute notre vie. On pourrait dire que c’est le socle d’une société en devenir. C’est en cela que cette période est si essentielle et importante.

                  LAMA s’investit sur cette période de vie car c’est en offrant un chemin le plus construit possible qu’un enfant se prépare pour le monde de demain.

                   

                  Frédérique :
                  Le sujet de l’enfance démunie, de l’éducation, la volonté de toucher les enfants les plus pauvres est à l’origine des voyages familiaux que nous avons eu la chance de faire dans beaucoup de pays dans le monde.

                  L’Inde, Calcutta un jour de Noël avec les enfants des rues et de la gare d’Howrah, pour ne citer que ce voyage, a été l’occasion d’une rencontre avec l’association Ashalayam. Leur mission : permettre à des enfants et à de très jeunes adultes d’apprendre à lire, écrire et compter, pour les rendre autonomes et les aider, grâce au micro-crédit, à monter un tout petit commerce.

                  Nous sommes aujourd’hui en pleine réflexion et en recherche tous ensemble, accompagnés par une personne extérieure. Nous avons l’intuition qu’il nous faut évoluer quant à cet objet que nous avons retenu en 2018.
                  Beaucoup de projets nous sont soumis et nous questionnent dans le sens où cet objet est trop large et pas assez défini.

                  Une nouvelle étape s’annonce.

                  Quel est le rôle de vos enfants dans cette aventure philanthropique ? 

                  Louis :
                  Notre rôle, je pense pouvoir le dire au nom de mes frères et sœur, mais aussi de ma belle-sœur et de mon compagnon – bien qu’à titre individuel des nuances peuvent être apportées – est de faire vivre ce projet qui nous anime.

                  La conscience que chacun de nous est un maillon qui permet à LAMA de fonctionner, de grandir et d’évoluer. Même si du fait de nos jobs et de nos activités personnelles, notre implication peut varier au gré des changements de la vie. Si un seul maillon manque, c’est toute la chaîne qui est brisée.

                  Selon moi, il est impossible de se revendiquer « fondation familiale » si l’ensemble de la famille n’est pas impliqué, chacun à sa mesure.

                  De manière plus concrète, chacun d’entre nous, avec nos conjoints respectifs, choisissons lors de notre conseil d’administration (qui a lieu quatre fois par an) un ou plusieurs projets qui nous tiennent à cœur afin de les suivre plus spécifiquement. Il peut arriver aussi que l’un ou l’autre apporte un projet « coup de cœur » qu’il soumet au vote.

                  Frédérique :
                  Nos enfants, et leurs conjoints, sont impliqués chacun à leur façon dans LAMA.
                  Certes, il n’est pas toujours facile de trouver des dates qui puissent satisfaire tout le monde. Mais chacun y met du sien et on y arrive…

                  Suite à un récent voyage en Inde, Louis et Samuel ont décidé de prendre en charge les projets que nous y avons vus en octobre ; l’éducation étant un domaine dans lequel ils travaillent tous les deux.

                  Aude notre fille a pris la décision de se consacrer à LAMA à plein temps à partir de fin avril. Une nouvelle étape après la mise en œuvre de LAMA par Vérane, déléguée générale durant 5 ans.

                  Notre belle-fille Pauline part en mission avec Audition Solidarité avec des audioprothésistes en République Dominicaine à la fin du mois.

                  Maximilien est présent efficacement avec Pauline à chaque CA.

                  Aurélien a créé dans le cadre d’un projet social et solidaire, validé par Ticket for Change, une plate-forme de gestion des fondations : ADIUVO. Cet outil est disponible, à la demande, pour chaque fondation qui le souhaite dans le but de créer une synergie entre structures. Un gain de temps énorme grâce à une équipe de quatre jeunes très investis et très compétents qui donnent de leur temps à côté d’un boulot rémunéré.

                  Votre fondation est-elle toujours tournée vers l’international ?

                    Louis :
                    Nous soutenons des projets à l’international mais étant donné le contexte général, nous essayons de nous recentrer sur des projets basés en France.
                    La seule raison qui pourrait exclure un pays de notre scope serait une trop grande instabilité rendant impossible toute action sur place. A noter que tous les projets soutenus à l’étranger ont une structure en France.
                    Pour moi, il n’est pas question de faire un virement, il s’agit d’être actif.

                    Aller sur place, rencontrer les porteurs de projets, comprendre le fonctionnement des équipes, suivre le projet ensuite… Tout ce relationnel est essentiel.

                    Frédérique :
                    En Afrique ou ailleurs, beaucoup de projets sont soutenus grâce à de belles rencontres en France ou lors de voyages qui nous ont permis de découvrir non seulement les porteurs de projets mais aussi les bénéficiaires.
                    Cela permet aussi de sentir la crédibilité et la pérennité des actions.

                    Par exemple un voyage au Togo m’a conforté là où nous avions des doutes et nous avons au contraire renoncé à des projets pourtant très intéressants sur le papier.
                    Au Niger j’ai rencontré grâce à Marie M. qui se reconnaîtra, Yara LNC, une belle association que nous soutenons. Yara LNC contribue à l’éducation de jeunes défavorisés issus de villages de brousse de la région de Zinder au Niger.

                    Ce ne sont que de petites gouttes apportées, mais j’ai la conviction qu’accompagner des projets sur place permet aux populations de se fixer et de ne pas penser à migrer vers d’autres pays présentés comme des « eldorados ».

                    A celles et ceux qui hésitent à se déplacer pour visiter des projets, peut-être par peur de l’inconnu, j’ai envie de dire « franchissez le pas car ces échanges sont d’une incroyable richesse humaine ».

                    © Photo YARA LNC

                    Quels sont vos projets coup de coeur ?

                    Louis :
                    J’ai une affection toute particulière pour l’Afghanistan, notamment pour l’association Afrane créée en 1980, fondée sur les liens entre les Français et les Afghans. Elle vise à apporter une aide humanitaire dans ce pays et informer sur sa situation. Nous nous intéressons plus particulièrement aux projets qu’elle mène pour l’éducation des jeunes filles.

                    Les projets soutenus au Chili un peu hors scope portés par l’association Sourires d’Ailleurs créée par ma sœur il y a de nombreuses années sont très importants pour moi.

                    Frédérique :
                    Je me sens très proche des projets accompagnés au Chili.
                    Notamment deux projets dont l’un que nous venons de voir en famille et que nous soutenons depuis 30 ans.

                    • L’association Betania Acoge accompagne actuellement 80 femmes afin de les aider à sortir de la prostitution grâce à une formation (informatique, esthétique…) et à une prise en charge de leurs enfants.
                    • La Fondation de los Amigos de Jesus est un foyer de jour situé dans un des quartiers les plus pauvres de Santiago qui accueille des enfants lourdement handicapés ainsi que leurs mères.

                    Quant à l’Afrique, c’était pour moi un continent inconnu. Plus j’y vais, plus je l’aime.

                    Parmi les rencontres qui m’ont le plus marquée, celle au Rwanda avec Marguerite Barankitse, militante humanitaire du Burundi vouée à la cause des enfants victimes. Elle a créé Maison Shalom pour redonner une dignité aux orphelins de la guerre, aux enfants des rues, aux mineurs en prison et autres enfants en difficultés. Son engagement est particulièrement précieux et inspirant.

                     Photo Maison Shalom

                    En France, l’association Pas à Pas, l’Enfant, fondée par Justine, fait un travail extraordinaire pour que les enfants passent plus de temps avec leurs parents pour partager des activités essentielles à leur développement, et moins sur les écrans.

                    Vous êtes membre Un Esprit de Famille et du Cercle Weber éducation depuis plusieurs années. Quel bilan en faites-vous ?

                    Frédérique :
                    Un Esprit de Famille a été pour LAMA la possibilité d’être reconnue. Créer c’est bien, mais il reste ensuite beaucoup à faire…se faire connaître et reconnaître, être accompagné, grandir avec un regard bienveillant… Autant d’étapes que nous avons franchies, notamment grâce à Un Esprit de Famille et à une intégration chaleureuse.

                    Nous y faisons de très belles rencontres et Un Esprit de Famille porte des valeurs très fortes dans lesquelles notre famille se retrouve.

                    Le Cercle Weber éducation est pour moi associé à un accueil inconditionnel et à une grande richesse dans les partages.
                    Accompagner une association, à plusieurs, durant plusieurs années et lui permettre de passer à une autre échelle est une opportunité unique de coopération et d’échanges, même s’il est toujours difficile de n’en retenir qu’une seule.

                    Partager, débattre, échanger avec d’autres fondations ou fonds de dotation, questionner notre fonctionnement ou notre raison d’être… autant de sujets qui nous rassemblent.

                    Un Esprit de Famille est essentiel pour nous aujourd’hui et nous a permis d’être ce que nous sommes aujourd’hui. 

                    Si vous deviez ajouter un mot, lequel serait-il ?

                    Louis :
                    Ce serait deux mots : structurant et famille, car une telle aventure est vraiment structurante pour une famille et les fondateurs doivent absolument y inclure leurs enfants. Il ne suffit pas de se proclamer fondation familiale pour qu’elle le soit.
                    Il faut éviter de vouloir tout contrôler mais au contraire laisser de la respiration à chacun, respecter les choix des uns et des autres sans exclure quiconque.
                    Une fondation n’est pas une entreprise avec les parents comme managers. 

                    Frédérique :
                    Deux mots également : accompagnement et famille.
                    L’accompagnement parce notre rôle va bien au-delà d’un seul financement.
                    Et oui c’est un très beau projet familial, fondé sur le respect de chacun dans ce qu’il est, dans ce qu’il vit.
                    Je suis frappée par le témoignage de mon fils et de l’importance donnée à la famille dans son ensemble.

                    Soutenir les femmes en détresse

                     Philanthropes en action #9

                    Aider les femmes victimes de précarité, de violences ou d’accidents de la vie à se reconstruire.

                    avec Danielle et Patrick de Giovanni, fondateurs de DAPAT

                     

                    Dans tous les pays du monde, les femmes sont particulièrement exposées à diverses formes de vulnérabilités.

                    La précarité économique les touche de plein fouet, les rendant plus fragiles face aux violences et aux accidents de la vie. En outre, les inégalités salariales et les difficultés d’accès à un emploi stable constituent des facteurs aggravants.

                    Par ailleurs, les violences faites aux femmes sont aussi un fléau majeur comme en témoignent les chiffres. En 2022, environ 230 000 femmes âgées de 18 ans et plus ont été victimes de viols, tentatives de viol ou agressions sexuelles en France. Les violences conjugales sont également alarmantes, avec 172 000 femmes déclarant en avoir été victimes.

                    Les maladies graves ou les accidents domestiques peuvent également fragiliser les femmes, entraînant une perte de revenus, une dégradation de la santé mentale et physique, et souvent l’éclatement du couple.

                    Face à ces situations diverses, fondations, associations et pouvoirs publics doivent collaborer pour mettre en place des dispositifs d’accompagnement adaptés, et ainsi aider les femmes à retrouver confiance en elles et à reconstruire leur vie.

                    C’est le choix qu’ont fait Danielle et Patrick de Giovanni en créant le fonds de dotation DAPAT.

                      Qu’est-ce qui vous amenés l’un et l’autre à vous engager dans la philanthropie ?

                      Nous étions déjà engagés l’un et l’autre avant de nous connaitre et de décider de vivre ensemble, il y a huit ans.

                      Danielle a beaucoup agi pour la promotion des femmes dans l’économie, l’environnement et le coaching d’entrepreneurs, et Patrick dans l’aide aux créateurs d’entreprise, l’investissement à impact, la précarité et l’aide alimentaire.

                      Tous les deux, nous avions la volonté de donner une partie de ce que la vie nous avait apporté en matière de compétences, expériences et biens matériels.

                      Tout naturellement nous avons développé un projet commun avec l’ambition de créer une structure durable ayant un impact significatif et surtout de nous y impliquer totalement.

                      C’est pourquoi, en mars 2020, nous avons créé DAPAT (DAnielle, PATrick), un fonds de dotation, doté de capitaux importants (plus de 14M€) afin que les placements financiers produisent durablement de quoi alimenter un budget annuel de 1M€.

                      Pourquoi avoir choisi l’aide aux femmes en détresse comme axe de votre fonds de dotation ?

                        Nous avons conjugué deux de nos sensibilités : la précarité et les femmes. Nous les avons naturellement élargies à toutes les causes de détresse : précarité, violences, migrations, maladies et accidents de la vie.

                        Toutes ces causes ont en commun les chocs traumatiques vécus par ces femmes, ainsi que la plupart du temps l’isolement social et les difficultés économiques.

                        Nous avons choisi de nous concentrer sur la réparation, c’est-à-dire l’accompagnement de ces femmes victimes sur un parcours de reconstruction et de réinsertion sociale et économique aussi complet que possible.

                        Photo : La Halle Fontenaysienne

                        DAPAT s’appuie sur les associations qui agissent directement au bénéfice de femmes en détresse. Que faites-vous précisément ? 

                        Nos compétences et nos expériences d’accompagnement d’entrepreneurs nous ont naturellement conduits à adopter une stratégie visant à accompagner les entrepreneurs sociaux à développer leurs associations pour avoir un impact maximal.

                        Notre premier objectif a été d’identifier et d’entrer en relation avec toutes les associations sur le territoire métropolitain.

                        Nous avons démarré par un travail de recherche qui s’est révélé laborieux avec à peine une centaine d’associations identifiées.  C’est pourquoi nous avons lancé, dès 2021, les Prix DAPAT qui récompensent les associations ayant fait les actions les plus remarquables l’année précédente.

                        A chaque édition, neuf lauréats reçoivent chacun un prix de 10 000 euros et un grand gagnant un prix de 15 000 euros. En outre, la SMLH (Société des Membres De la Légion d’Honneur) remet une médaille à cinq associations en reconnaissance de leurs actions au bénéfice de femmes en détresse.

                        Nous en sommes à la 4è édition avec plus de 200 associations candidates (au total 350 associations différentes en 4 éditions).

                        Ceci témoigne de la richesse mais aussi la faible visibilité du tissu social au service des femmes en détresse et ce, dans toutes les régions. Cette richesse montre aussi l’ampleur des problèmes adressés par ces associations et l’utilité de notre démarche.
                        La remise des prix se fait lors d’une cérémonie qui réunit 500 personnes. La prochaine est le 24 mars 2025 au théâtre du rond-point à Paris.

                        Notre deuxième objectif est de nouer des contacts privilégiés avec certaines associations et de les accompagner pour les aider à faire plus et mieux (aider plus de femmes et leur offrir des parcours de reconstruction plus riches et plus complets).

                        Pour atteindre cet objectif, nous agissons à trois niveaux :

                        1. Le fonds de dotation DAPAT 

                        DAPAT accompagne des associations :

                        • Soit sur des projets de développement dans des partenariats durables d’au moins trois à cinq ans. Ces projets concernent par exemple :
                          – L’ouverture d’une maison d’accueil de jour de femmes SDF avec enfants.
                          – Le lancement d’un programme d’éducation par les pairs (peer to peer) à la santé sexuelle et affective de femmes des quartiers nord de Marseille.
                          – L’essaimage et le développement géographique d’une activité d’insertion économique pour des femmes voulant sortir de la prostitution.
                          Au-delà des contributions financières, DAPAT participe activement à la vie des associations en interaction avec ses dirigeants et, le cas échéant, attire d’autres mécènes à accompagner l’association dans la durée.
                        • Soit pour un soutien financier ponctuel permettant de réaliser un investissement, matériel ou immatériel, bénéficiant directement aux femmes accompagnées (6-8 soutiens par an).

                        Ces soutiens sont réservés à des associations que nous connaissons bien et dont nous apprécions particulièrement l’action.

                        2. La société Financière Sociale DAPAT

                        Créée il y a deux ans avec un capital de 2 millions d’euros, cette filiale du fonds de dotation DAPAT apporte des solutions aux besoins de locaux des associations. Celles-ci ont, en effet, beaucoup de difficultés pour disposer durablement de locaux adaptés à leurs besoins et dans des conditions économiques adaptées à leurs moyens.

                        C’est un outil de finance sociale au service de l’action philanthropique du Fonds de Dotation DAPAT.

                        La foncière Sociale DAPAT acquiert des biens immobiliers choisis par les associations (donc adaptés à leurs besoins) et leur loue avec des baux de longue durée (18-20 ans) et dans des conditions économiques favorables.

                        Les associations peuvent ainsi faire des travaux et avoir le temps de les amortir dans la durée. Elles bénéficient en outre d’une option d’achat exerçable à tout moment dans des conditions économiques prédéfinies.

                        Les premières opérations réalisées concernent par exemple :

                        • L’ouverture d’une maison d’hébergement d’urgence de femmes victimes de violences dans la ruralité.
                        • Un entrepôt permettant le triplement des surfaces de stockage disponible pour les biens matériels (mobilier et équipement de la maison) de femmes victimes de violences devant quitter leur domicile d’urgence.

                        L’objectif de la Foncière Sociale DAPAT est d’avoir un impact structurant sur le tissu associatif au service des femmes en détresse. Concrètement, il s’agit de faire en 5 ans, 30 à 40 opérations, pour un montant global de 15-20 millions d’euros.

                        Pour ce faire, il faut disposer de bien plus que 2 millions d’euros. C’est pourquoi nous sommes actuellement en levée de fonds (10 millions d’euros pour ce programme) auprès d’investisseurs financiers désireux d’avoir un impact social clair et significatif.

                        3. L’association DAPAT Tisseurs de Liens

                        Cette association, que nous venons de créer, veut rassembler des associations agissant pour les femmes en détresse, qui souhaitent partager et s’enrichir mutuellement de leurs expériences, mais aussi des événements que nous organisons, pour leur apporter des informations et des savoir-faire.

                        L’objectif principal de cette démarche est de permettre aux associations de sortir de leur isolement et de disposer des compétences et des réseaux pour progresser dans leur développement et leur efficacité.

                        Comment êtes-vous organisés pour réaliser tout cela ?

                          Tous les deux nous avons des compétences et des savoir-faire communs et en même temps, nous sommes très différents. C’est une très grande force d’être deux et complémentaires. De ce fait nous nous sommes répartis les rôles.

                          • Danielle gère plus particulièrement le recrutement des bénévoles, la communication, l’organisation d’évènements et l’association DAPAT Tisseurs de Liens.
                          • Patrick gère le Fonds de Dotation DAPAT, son activité de projets (partenariats et soutiens financiers) et la Foncière Sociale DAPAT.

                          Grâce au réseau de Danielle, nous avons constitué une équipe de bénévoles de plus de cinquante personnes pour la gouvernance des structures, les relations avec les associations et l’organisation des évènements.

                          En outre, compte tenu du développement très rapide de DAPAT, nous avons constitué une équipe salariée pour structurer notre organisation, à ce jour 3 CDI, 3 apprentis et un service civique.

                          Pouvez-vous nous parler de 3 projets coup de coeur ?

                          Nos coups de cœur sont d’abord pour des femmes et des hommes, entrepreneurs sociaux. Nos rencontres avec ces dirigeants d’associations sont d’une richesse exceptionnelle, nous nourrissent et nous rendent heureux

                          Beaucoup d’associations font un travail formidable et nous touchent profondément et c’est particulièrement le cas pour 3 d’entre elles.

                          • Solidarité Femmes Beaujolais accompagne des femmes victimes de violences dans la ruralité du Beaujolais vert (celui des forêts et non celui des vignes). C’est une mission essentielle dans la ruralité qui représente 30% de la population mais 50% des féminicides. Jeune association dirigée de main de maître, elle se développe rapidement en allant à la rencontre des femmes victimes et en élargissant son offre d’accompagnement.

                          • La Ferme Emmaüs Baudonne, à Tarnos près de Bayonne, accueille des femmes dites « sous mains de justice » dans les 6 à 18 derniers mois de leurs peines de prison pour préparer leur sortie par la réinsertion sociale et économique dans une ferme agrobiologique. Quand on connait les parcours douloureux de ces femmes, on comprend pourquoi tout type de détresse mérite d’être accompagnée. Cet accompagnement est unique en Europe pour les femmes et permet à la fois d’augmenter les chances de réinsertion et de diminuer le taux de récidive.
                          • Women For Women, programme d’éducation de femmes des quartiers nord de Marseille à la santé sexuelle et la vie affective par les pairs. Un groupe de femmes des quartiers suit une formation universitaire diplômante à la faculté d’Aix-Marseille puis transmet ses savoirs à d’autres femmes des quartiers lors d’ateliers pratiques. Ce programme développé par l’équipe de la Maison des Femmes de Marseille Provence a permis à la première promotion de huit étudiantes de transmettre des savoirs acquis à 500 femmes des quartiers nord.

                          Quelles valeurs partagez-vous avec Un Esprit de Famille ?

                          Des valeurs familiales car notre démarche philanthropique, à l’origine celle de notre couple, a été construite pour y intégrer progressivement nos deux familles (4 enfants et 6 petits enfants). Nous constatons avec plaisir une implication croissante de certains d’entre eux.

                          Nous souhaitions échanger, partager et agir avec d’autres philanthropes et nous avons trouvé chez Un Esprit de Famille ces mêmes volontés et l’organisation pour les favoriser, ce qui est très précieux.

                          L’esprit des sciences, valeur clef de nos démocraties

                           Philanthropes en action #8

                          L’esprit des sciences, valeur clef de nos démocraties

                          avec Yves Charpak, président de la fondation Charpak

                           

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                          Apprendre à comprendre

                          Juste avant la crise COVID19, le Directeur de l’Institut Italien équivalent de notre INSERM démissionnait en raison « du rejet de la connaissance scientifique » par son gouvernement : des ministres s’étaient permis, face à des résultats scientifiques, de dire « je n’y crois pas » en refusant d’argumenter. Il s’agissait de l’efficacité des vaccins.

                          Cette histoire révélait déjà une crise de la place de la science dans la gouvernance. Si un esprit des sciences existe, force est de constater qu’il est loin d’être partagé par tous dans nos sociétés, y compris par les décideurs.

                          La situation sanitaire a ajouté du trouble. Les spécialistes et les scientifiques sont omniprésents dans les media. Mais l’un des effets indésirables de cette visibilité, sans être le seul, pourrait bien être que le non initié croie pouvoir se dispenser de chercher à comprendre : le savant détient la vérité, ne perdons pas notre temps à reconstituer les raisonnements qui l’ont conduit.

                          Les récentes décisions de l’administration du président Trump qui a interdit aux employés du CDC Américain de communiquer et partager leurs informations, non seulement avec l’OMS mais aussi avec les professionnels et les citoyens américains et du monde, illustrent bien l’incompréhension de ce qu’est parfois la science pour la gouvernance : supprimons la connaissance si elle nous dérange.

                          Pour mémoire, le CDC (Center for Disease Control) des USA est un organisme de référence et d’information suivi par toutes les instances de santé publiques mondiales pour la surveillance, le contrôle et la gestion des épidémies et des risques infectieux en général.

                          Ceux qui savent…

                          Si nos sociétés souhaitent plus souvent croire que comprendre, la science peut se trouver réduite au mythe du génie : il y a « ceux qui savent ».  Et cela conduit à la même attitude du non initié que celle qui prévaut dans un régime de croyance aveugle : à la suspension volontaire du jugement.

                          Du coup, le fossé existe toujours aujourd’hui entre d’un côté la science et les chercheurs et de l’autre la société. Car on a fait de la science une activité distincte du reste de la société, pratiquée par des citoyens dotés d’un cerveau « particulier » et qui suffisent à produire la science dont on a besoin. Pour prendre une image, c’est un peu comme si ne pas être un sportif professionnel justifiait de ne pas apprendre à marcher, à courir, à nager, à faire du vélo. 

                          Or la méthode scientifique est plutôt assez systématique et besogneuse. Cela consiste à collecter tout ce que l’on sait déjà avant de construire un projet ; à l’apprentissage d’une rigueur obsessionnelle de l’observation, de la collecte des données et de leur analyse ; à une transparence obligatoire et contrôlée par les pairs des résultats par les échanges et publications ; et à l’obligation se de se confronter et d’accepter d’être critiqué.

                          Laisser une place à l’incertitude

                          Cette vision des sciences, qui exige d’entrer dans la « longue durée », est par trop délaissée par les décideurs.

                          En particulier, l’esprit des sciences est un mode de pensée ouvert à l’intégration de l’incertitude et des controverses sur la connaissance.

                          C’est, il nous semble, un outil clef pour une société plus apte à la remise en cause des « dogmes » et qui accepte parfois de ne pas savoir sans que ce soit synonyme de négligence, d’incompétence ou d’échec de la pensée.

                            Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a amené à vous engager dans la philanthropie ? 

                            J’ai grandi dans un environnement scientifique omniprésent, bien qu’entouré de neige et de forêt au pied du Jura, car mon père travaillait au CERN à Genève (Centre Européen de recherche sur les particules élémentaires, un succès majeur de la construction européenne, qui est encore l’un des plus grands centres de recherche en physique au monde).

                            J’avais presque 40 ans quand Georges Charpak a eu le prix Nobel de physique en 1992.

                            Lors de mes études de médecine à Paris, j’ai vite découvert qu’il fallait surtout apprendre par cœur des annuaires d’informations, sans tri sur leur intérêt réel pour les futurs professionnels que nous devions devenir… Il ne fallait pas trop questionner : « nous avons raison, tu comprendras plus tard… ».

                            Après quelques remplacements de médecins généralistes, ma route a croisé des chercheurs d’une discipline assez jeune en France à l’époque, l’épidémiologie clinique, les études statistiques pour mieux évaluer les traitements et les pratiques professionnelles.

                            J’ai eu ensuite un parcours « multi casquette » d’expert scientifique et technique dans le champ de la santé, qui m’a fait passer d’un rôle de chercheur a celui d’évaluateur, puis « d’interface » entre la science et les décideurs à l’OMS à l’Institut Pasteur, à l’Etablissement Français du Sang, et dans divers lieux de conseils comme le Haut Conseil de la Santé Publique

                            Aujourd’hui, je suis un retraité, élu dans une ville de 700 habitants et membre d’une association d’élus à la Santé, Elus Santé Publique et Territoires.

                            Une question qui m’agitait déjà dans ma vie institutionnelle est devenue essentielle au milieu de la décennie 2010 :
                            Quelles expertises, quelles connaissances scientifiques peuvent « rendre service » aux décideurs, et en particulier au niveau territorial, pour qu’ils puissent exercer au mieux leur rôle d’interface avec les citoyens ?

                            Georges Charpak est décédé en 2010, laissant inachevés quelques « chantiers » de la dernière partie de sa vie qui le préoccupait : comment faire progresser l’appétence pour la science de tous les citoyens, à l’école comme dans les « grandes écoles » et plus loin, dans les lieux de décision et les divers lieux de débat, médiatiques en particulier, où il était devenu un infatigable prometteur de la connaissance scientifique : il ne refusait jamais de s’exposer.

                            Quelques membres de la famille et proches ont commencé à réfléchir à rebondir sur cet « héritage », non pas financier mais intellectuel. Comment construire, sur cette base, un appel à bonnes volontés pour soutenir des initiatives, des projets, des programmes tournés vers plus de science pour la société.

                            In fine, 22 fondateurs ont contribué et monté un fonds, que la Fondation de France a accepté d’abriter fin 2020 : Charpak, l’esprit des sciences.
                            Tous « néophytes » de la philanthropie.

                            Quels sont vos axes d’intervention et auprès de quels publics ?

                              Nos réunions de fondateurs initiales étaient des modèles de débats stratégiques, philosophiques, prospectifs, sur tout ce qui pouvait avoir un sens opérationnel pour notre objet. Un comité exécutif de bon niveau nous a bien aidé.

                              De fil en aiguille, notre fondation s’est particulièrement penchée sur quelques axes de travail, illustrés par nos « coup de cœurs » actuels.

                              1er coup de coeur : le Living-Lab

                              Objectif : cibler cette catégorie particulière de décideurs que sont les élus locaux.

                              Il y a 500 000 élus locaux en France. Renouvelés partiellement à chaque élection. Ce sont des citoyens ordinaires qui n’ont pas été choisis pour une expertise scientifique ou technique spécifique.

                              Mais une fois élus, ils se retrouvent dans une position très particulière en étant sollicités par les citoyens sur tout ce qui touche leur territoire. Ils ne sont pas experts mais doivent avoir une forme de réponse à tous leurs questionnements… Et se retrouvent au cœur de la plupart des grands chantiers et enjeux du quotidien où la science est omniprésente. 5G et antennes, qualité de l’air, pesticides et autres polluants, risques industriels, qualité de l’eau et stations d’épuration, gestion des déchets, urbanisme pour la santé, déserts médicaux…

                              Comment leur apporter les outils qui leur permettent d’exercer solidement leurs mandats sans passer à côté de cette nécessaire connaissance scientifique ?

                              D’où le développement du Living-Lab “l’esprit des sciences”, un petit groupe d’élus locaux, de chercheurs ou scientifiques et d’acteurs de la médiation territoriale, tous bénévoles.

                               

                              Initié par notre fondation, avec le soutien méthodologique de la Cité des sciences et de l’industrie, le groupe se veut une caisse de résonance des besoins, des étonnements, des incompréhensions de ces populations qui ont du mal à coopérer pour produire une décision éclairée.

                              Y sont échangées des questions de posture, de méthodologies, de processus, d’espaces d’échanges, d’appropriation de connaissance, de compréhension d’enjeux, pour un triptyque ‘sciences – élus locaux – citoyens’. Avec l’idée de dépasser les clivages où chacun se replie dans sa bulle de confirmation, conforté par les réseaux sociaux qui opèrent une sélection d’informations conformes à ses croyances et convictions, en gommant les informations contradictoires.   

                              Les rencontres de ce collectif sont l’occasion de partages de situations vécues, voire de crises locales, et de recueillir les idées, contacts ou ressources des uns et des autres.

                              Si ce type de groupe (basé sur le bénévolat) peut fonctionner à une échelle nationale, le challenge est d’investiguer un prolongement à une échelle de proximité : comment motiver les élus et scientifiques de territoires connexes à se rencontrer régulièrement, sur les questions vives du territoire et en amont des crises ?   

                              L’animation du Living Lab a été confiée, avec le soutien de la fondation, à KAP, une association spécialisée dans l’aide au décideurs locaux, qui anime du débat local.

                              Par ailleurs, des projets communs entre certains se construisent, soutenus par la fondation Charpak, l’esprit des sciences.

                              Par exemple un projet de « Café des sciences » réservé à un dialogue chercheurs – élus, monté avec l’association Les Petits Débrouillards Ile de France. Une expérimentation est en cours en Seine et Marne autour de Fontainebleau, mais l’idée est ensuite de multiplier les sites.

                              Ou encore, un projet avec l’association Sciences Citoyennes, spécialisée dans les recherches participatives, pour inclure les élus dans la recherche dans les recherches qui les concernent au niveau local. Un guide de l’expertise locale est en préparation.

                              2ème coup de coeur : le festival Pariscience

                              Le festival Pariscience fêtait ses 20 ans en octobre 2024… 5 jours de films et documentaires à caractère scientifique, animé par l’Association Science Télévision…

                              A l’occasion d’une séance de projection autour d’un film doublement polémique intitulé « Vive les microbes », nous avons organisé un débat entre la productrice du film, « militante des microbes », une chercheuse spécialiste des maladies respiratoires et allergiques et une élue locale à la Santé. Son thème : que faire quand la science apporte des résultats dont des citoyens s’emparent avant même la clôture des incertitudes scientifiques… ? Passionnant, mais pas un long fleuve tranquille.

                              3ème coup de coeur : Les Contes du Vivant

                              Nous soutenons une association, Les Contes du Vivant, qui produit des podcasts scientifiques sur la nature qui nous entoure pour les petits enfants, à partir de 4-5 ans. En lien avec des écoles, pour animer des groupes d’enfants avec leurs enseignants et les parents…Nous avons « challengé » l’association en disant : comment associer plus loin d’autres acteurs locaux de la forêt, des jardins, des réserves naturelles… et d’autres adultes et élus d’un territoire.

                              Le projet s’est fait en Seine et Marne encore. Avec en apothéose l’invitation d’un chercheur du Muséum d’histoire naturelle à venir parler au village concerné par l’expérience, devant 100 personnes passionnées par la présentation qui portait pourtant sur des sujets polémiques locaux : l’exploitation de la forêt, des sols, l’agriculture et des pesticides, objets de tension majeures même dans un petit village de 750 habitants.

                              Vous avez choisi d’être membre du Cercle Environnement Un Esprit de Famille. En quoi la connaissance scientifique vient-elle soutenir la cause environnementale ?

                                Tous les projets évoqués ont des points communs, liés aux enjeux environnementaux actuels, qui interagissent directement aussi avec notre santé et sa protection. Tous impliquent des acteurs de disciplines, d’expertise et de compétences multiples. Les connaissances scientifiques impliquées viennent de disciplines diverses qui doivent s’inviter à la table des propositions « d’actions », d’autant plus que l’époque est propice à la négation de ces connaissances, voire à des manœuvres de désinformation plus ou moins organisées.

                                Notre fondation a trouvé dans le Cercle Environnement d’Un Esprit de Famille des partenaires avec lesquels partager cette « culture scientifique » comme outil critique essentiel.

                                Quels sont les principaux enjeux de votre fondation ?

                                La fondation est récente, les fondateurs n’avaient pas d’expérience spécifique de la philanthropie et donc l’apprentissage est rude, en particulier pour le développement d’une bonne stratégie de renforcement et de pérennisation de nos moyens humains et financiers…

                                Le développement de projets intéressant en co-construction a été bien développé et nos soutiens vont à des associations et organisations qui deviennent de fait des partenaires…

                                Par ailleurs, le fait d’être une fondation abritée à la Fondation de France et membre de la communauté d’Un Esprit de Famille nous permet de bénéficier de l’expérience essentielle d’autres philanthropes.

                                Agir contre l’isolement

                                 Philanthropes en action #7

                                Agir durablement contre l’isolement

                                avec Cyril Maury, président du fonds Après Demain

                                 

                                En France, 8 millions de personnes sont en situation d’isolement social*.
                                Derrière ce chiffre alarmant, autant de situations particulières et de d’épreuves personnelles qui fragilisent des parcours de vie.

                                Pauvreté, privation de liberté, ruptures familiales, grand âge, perte d’emploi, problèmes de santé, exil…, les causes de l’isolement social sont multiples, et les conséquences peuvent être lourdes.

                                Face à cette réalité, de nombreuses associations agissent et travaillent chaque jour pour réparer, soutenir, soigner, tisser du lien…

                                Entretien avec Cyril Maury, président du fonds de dotation Après Demain qui a choisi d’accompagner des acteurs de terrain pour lutter durablement contre cet isolement.

                                * Source : Fondation de France 2024

                                 

                                Qu’est-ce qui vous amené à vous engager dans la philanthropie ?

                                  L’action philanthropique, qui s’inscrit dans une suite logique d’engagements successifs et de valeurs familiales partagées, s’est presque imposée d’elle-même à la cession de mon entreprise.

                                  Avec un double objectif :

                                  • Désir de de s’engager et d’agir pour la société.

                                  Quand on a une vie heureuse, il faut être conscient des douleurs qui nous sont épargnées et avoir une exigence de solidarité, un souci de partager avec les plus fragiles, de se déposséder.
                                  On ne peut pas dire « cela ne me concerne pas ». Chacun peut faire sa part et être utile. Redistribuer la richesse, partager, devient alors un enjeu social ; la pauvreté apparaît quand disparaît le sens du partage.
                                  En donnant, on s’appauvrit matériellement, mais on s’enrichît considérablement sur les plans intellectuel et spirituel.

                                  • Désir aussi de transmettre familialement et dans la durée les valeurs d’attention à l’autre.

                                  Quand on prend conscience que notre existence dépend des autres (nourriture, santé, travail, éducation…), que notre bonheur ne peut se construire qu’avec le concours des autres, alors il est naturel d’accorder de la valeur à l’autre, de se sentir concerné par sa situation et de s’engager pour cela.

                                  Léguer aux générations futures beaucoup plus que des biens matériels, leur offrir la chance de pouvoir agir pour une société plus juste, plus humaine, de se rassembler autour d’un projet fédérateur, de donner du sens à leurs vies, se mettre au service de causes d’intérêt général, renforce les liens familiaux.

                                  L’exercice de la philanthropie grandit ceux qui la pratiquent.

                                  Dès l’origine en 2010, nos enfants et beaux-enfants ont été acteurs de la réflexion et des décisions à prendre (cause soutenue, montant allocation, type de structure, gouvernance et mode de fonctionnement). Libres à eux ensuite de s’inscrire opérationnellement dans le projet, sans rien imposer : on ne fait bien dans la durée que si l’on se sent vraiment libre.
                                  Tout a été construit avec eux, et l’adhésion dure depuis maintenant 15 ans.

                                  Pourquoi avoir choisi de vous consacrer aux personnes en situation d’isolement ? 

                                  Dès l’origine, nous avons consacré 2 jours à réfléchir en famille. Pour défendre une cause, il est important qu’elle résonne au plus profond de chacun de nous et tenir compte des désirs de chacun. A travers le fonds Après Demain, nous avons choisi collectivement de nous investir sur un sujet majeur de société : l’isolement, l’absence de lien social, la solitude subie.

                                  En 2024, 12 % des Français, soit près de 8 millions de personnes, sont en situation d’isolement total.
                                  Ce simple chiffre parle de lui-même et témoigne de l’urgence d’agir.


                                  © Photo Sasha Freemind / Unsplash

                                  Comment la philanthropie peut-elle contribuer à lutter contre l’isolement social ?

                                    En accompagnant les acteurs de terrain qui, grâce à leurs expériences et expertises, maîtrisent la complexité du sujet.

                                    Après avoir repéré les associations les plus efficaces, nous les accompagnons dans la durée. Notre objectif est de leur faciliter la vie, de les aider à réussir durablement leur projet associatif au plus près du terrain et des besoins des premiers concernés, d’être un vrai compagnon de route, sans ingérence et dans une relation vraie et de confiance réciproque.

                                    Vous êtes implantés et très actifs dans les Pays de la Loire. Quelles sont les spécificités territoriales que vous rencontrez ?

                                      Nous intervenons effectivement dans un rayon de 150 kms autour de Nantes, avec la volonté d’agir localement et d’entretenir des relations proches avec les associations que nous soutenons.

                                      Le tissu associatif est riche, avec des structures de tailles différentes qui ont un vrai impact sur le territoire. La répartition des associations est inégale entre les territoires urbains et les territoires ruraux. Il y a parfois un besoin de repérage.

                                      Il y a une grande proximité avec les acteurs locaux, publics et institutionnels, ce qui permet d’échanger facilement et d’accompagner ensemble les associations, de travailler en réseau. Cela nous permet aussi d’apporter contacts et mises en lien pour les associations.

                                      Quels sont vos 3 projets coups de coeur ?

                                      • Le fonds de dotation Après Demain est un partenaire historique de l’association Permis de Construire par son financement et son accompagnement. L’intérêt de Permis de Construire réside dans le fait que l’association fait de la personne placée ou passée sous main de justice le véritable acteur de sa réinsertion professionnelle. Elle a un impact fort sur la diminution des récidives en redonnant aux personnes la confiance nécessaire et le pouvoir d’agir en vrai pilote de leur vie.

                                        Ce qui nous a intéressé, c’est aussi d’accompagner Permis de Construire dans son déploiement, en lui permettant de passer d’une association locale basée à Nantes à un réseau qui développe son expertise sur les territoires afin de montrer l’intérêt de son modèle, pour les personnes accompagnées, et pour la société.

                                      • Nous accompagnons aussi depuis 3 ans Le Nez à l’Ouest, association de clowns hospitaliers, qui propose des interventions de clowns hospitaliers en duo et de manière régulière aux personnes vulnérables principalement accueillies en établissement (EHPAD, hôpitaux, structures médico-sociales) avec une attention toute particulière pour le public des personnes âgées.

                                        Ce qui nous a intéressé, c’est d’arriver auprès du Nez à l’Ouest à un moment où la fondatrice, elle-même clown, voyait bien l’intérêt de son projet, mais n’avait plus l’énergie de mener de front l’organisation de la structure et son métier de clown. Nous l’avons accompagnée dans la structuration de l’association.

                                      • Enfin, nous sommes heureux d’accompagner depuis 3 ans également AREA, association qui accompagne les enfants issus de la migration dans l’apprentissage du français tout en donnant une place à leurs parents dans leur réussite scolaire. Nous savons combien le système scolaire peut être compliqué, a fortiori pour des personnes qui ne parlent pas la langue.
                                        AREA a mis en place un parcours adapté à la fois pour les enfants pour qu’ils puissent progresser et trouvent pleinement leur voie, et pour les parents pour favoriser leur intégration et leur donner une vraie place aux côtés des enseignants dans le parcours scolaire de leurs enfants.

                                      Un Esprit de Famille vient de lancer une antenne à l’ouest. Que va apporter cette présence locale aux fondateurs de la région ?

                                      Il y a peu de fondations ou de fonds de dotation en région ; il est important de bien se connaître pour travailler ensemble.

                                      Un Esprit de Famille Ouest va constituer un véritable espace d’échanges et de partage sur nos pratiques, sur les associations que nous accompagnons, mais aussi un espace de réflexion sur des questionnements propres à nos structures familiales, autour de la gouvernance, de la transmission…

                                      Pour conclure, j’aimerais conclure sur les enjeux plus globaux de la philanthropie.

                                        Face aux situations de plus en plus complexes auxquelles doivent faire face les associations, nous, fonds et fondations, avons des questions à nous poser sur le rôle que nous devons jouer en tant que financeurs : comment pourrions-nous travailler autrement avec les associations, au-delà des appels à projets, pour répondre à leurs besoins réels ?

                                        • Finançons prioritairement des structures plutôt que des projets. Des structures solides sont nécessaires pour porter des projets durables et impactants.
                                        • Interrogeons-nous sur notre rapport à l’innovation : doit-elle toujours être le critère central de nos financements ? La pérennisation d’actions existantes et qui ont fait leurs preuves est aussi essentielle.
                                        • L’utilité sociale s’inscrit dans le long terme. Privilégions les actions de long terme. Accompagnons les structures dans la durée pour leur permettre de se concentrer sur leurs activités, et non sur la recherche de fonds.
                                        • Allégeons les lourdeurs administratives et favorisons des relations fondées sur la confiance, la transparence et les échanges sincères.

                                        Nous croyons qu’en assurant un financement stable et pérenne, en soutenant le fonctionnement, essentiel à la réalisation de projets, sans imposer des exigences excessives de mesure d’impact, nous permettons à ces associations de se concentrer pleinement sur leur mission sociale.

                                        Il nous semble important de favoriser la reconnaissance du travail effectué par les dirigeant.e.s d’associations, les équipes et les bénévoles, et de lutter contre le risque d’épuisement de l’ensemble des parties prenantes associatives, dans un contexte qui se complexifie.

                                        Il est donc essentiel de travailler ensemble, avec d’autres fonds et fondations, à consolider les associations pour leur permettre d’atteindre pleinement leur mission, et ainsi renforcer et soutenir durablement le secteur associatif.

                                        Cette nécessité de collectif nous a motivés, entre autres réseaux, à rejoindre Un Esprit de Famille.

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