Femmes en grande précarité : quel accompagnement ?

Elles sont difficiles à dénombrer : 64 000 femmes sont en grande précarité en France (chiffre de 2012) ; ce nombre a considérablemeent augmenté avec la crise du covid-19. Or, le 115 (Samu social) ne dispose que de 24 places par jour pour les femmes. 4 structures spécialisées dans l’accompagnement des femmes en grande précarité ont présenté aux membres d’Un Esprit de Famille leurs actions d’accueil, d’hébergement, de réinsertion sociale, médicale et professionnelle. Accompagnées, la vie de ces femmes peut changer.

 

Visoconférence animée par Crama Trouillot du Boÿs, fondatrice de la Maison des Marraines, administratrice d’Un Esprit de Famille

Fondation Lecordier : pas d'injonction à l'insertion, l'accès à l'autonomie est déjà un immense progrès

Agnès Lecordier, cofondatrice et présidente de la fondation Lecordier

Dédiée aux femmes seules en grande précarité, la fondation Lecordier a été créée en 2008 par mes deux sœurs et moi-même. Elle est abritée par l’Institut de France.

Cette population est très difficile à dénombrer. En 2012, 40 % des SDF étaient des femmes, soit 64 000 femmes sans abri en France. Les chiffres ont explosé avec le covid-19. Leur espérance est de vie est de 46 ans.

Quel a été leur parcours de vie ? Des jeunes femmes sortent de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) à 18 ans et se trouvent à la rue sans aucune ressource (30 % des SDF sont passés par l’ASE) ; des travailleuses précaires, des femmes âgées non déclarées en tant que conjoint travailleur, celles qui ont travaillé au noir, des femmes atteintes de maladies psychiatriques non soignées sont le public de la rue.

Les logements sociaux ne sont plus adaptés à l’évolution de la société française : 35 % des ménages français ne comprennent qu’une seule personne mais seulement 5 % des logements sociaux sont de petite taille, non destinés aux familles.

La fondation Lecordier ne finance pas de lieux mixtes, souvent sources de violences pour les femmes. Pour nous, il est important que les femmes soient hébergées et accompagnées par d’autres femmes. Nous ne finançons pas non plus de lieux avec des enfants. Souvent, on a retiré leurs à enfants à des femmes, ce qui peut créer de fortes tensions entre elles.

Notre mission n’inclut pas d’injonction à l’insertion : ces femmes sont épuisées. Il faut prendre le temps de l’accompagnement pour qu’elles s’apaisent et, ensuite, construisent leur projet d’insertion. L’accès à l’autonomie est déjà un immense progrès.

La fondation Lecordier a accompagné plus de 15 associations dans le développement de nouvelles actions depuis 2008, pour un montant de plus de 2 millions d’euros : hébergements, mises à l’abri d’urgence, repas, actions de santé et d’hygiène, de réinsertion. Nous sommes fidèles à nos associations partenaires. Nous préférons soutenir de petites structures qui mènent des actions de terrain ciblées. La Fondation mène également des actions de sensibilisation auprès des pouvoirs publics.

Agir pour la Santé des Femmes : la santé, porte d'entrée de l'accompagnement

Nadège Passereau, déléguée générale ADSF – Agir pour la santé des femmes

Créé en 2001, l’ADSF est spécialisé dans la santé et l’accès aux soins des femmes en grande précarité. Ces femmes de tous âges ont été victimes de violences, d’exploitation sexuelle, d’addictions ; elles ont des souffrances psychiques non traitées. Elles ont des problèmes nutritionnels, physiologiques mais ne savent pas où se soigner.

Notre démarche est d’aller vers elles avec un camion médicalisé. Notre équipe mobile comprend des sages-femmes, des psychologues. Nous intervenons dans les gares, le métro, le bois de Vincennes, dans les hébergements d’urgence, en Ile-de-France et à Lille. Nous faisons intervenir des femmes repères, issues du public visé : elles sont un maillon fort de l’accompagnement.

Ensuite, nous leur proposons un accueil, un abri et un accompagnement adaptés, à partir d’un diagnostic de santé global : bilan de vie, souffrances psychiques et physiques. Elles peuvent participer à des groupes de parole. Elles construisent leur projet, à leur rythme.

On cherche aujourd’hui à proposer de petits lieux d’accueil disséminés par rapport aux grands centres car ces femmes errent beaucoup. La mobilisation est forte depuis 2 ans pour ouvrir des centres d’accueil dédiés aux femmes mais les travailleurs sociaux ne sont pas formés à leurs spécificités. Quand elles arrivent dans nos structures, plus de 60 % d’entre elles demandent d’accéder à un médecin.

Entre 20 et 30 % des femmes suivies ont un bon niveau d’éducation : jeunes filles très diplômées qui ont vécu des violences, femmes migrantes… Dans le cas de violences, ce sont souvent les femmes qui perdent leur logement. De nombreuses jeunes filles étudiantes demandent de l’aide depuis le covid-19, qui a des répercussions dramatiques pour elles.

L’association salarie des professionnels médicaux, psychologues et travailleurs sociaux ; 70 bénévoles professionnels médicaux et psychologues interviennent également.

Claire Amitié : l'amour avant le social

Augustin de Montalivet, président de Claire Amitié France

Claire Amitié accueille, accompagne et forme des jeunes femmes en difficulté pour qu’elles deviennent actrices de leur vie et prennent leur place dans la société.

Depuis 1946, Claire Amitié gère en France des maisons qui hébergent des jeunes femmes en grande détresse et précarité. Elles y vivent comme dans une famille, accompagnées par des animatrices. L’association s’est ensuite développée à l’international : des foyers ont ouvert en Afrique francophone, au Cambodge et au Brésil.

Claire Amitié accueille environ 2 300 personnes par an, en France et à l’international. En France, Claire Amitié gère 500 places d’hébergement : les jeunes femmes, avec ou sans enfants, vivent dans des CHRS (Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) ou des Centres maternels, avec les enfants les plus jeunes.

Isabelle Godet, directrice générale de Claire Amitié France 

Nous avons en premier lieu la volonté de porter un regard bienveillant et personnalisé sur chaque femme pour l’aider à grandir, avec la certitude que sa vie peut changer. Chacune a en elle les capacités de son développement pour devenir libre et responsable. Notre approche essaie d’englober toutes les dimensions de la personne. Notre intention première est que l’amour précède le social.

Pour accompagner quelqu’un, il faut l’approcher, prendre le temps de le connaître au-delà d’un dossier qui nous est envoyé et acquérir la juste distanciation.

Nous essayons de nous situer en amont des grosses difficultés par un accompagnement social resserré pour que les jeunes femmes ne tombent pas dans la grande précarité. C’est pourquoi certains établissements sont dédiés à des jeunes de 18 à 25 ans, qui ne touchent pas le RSA. Nous avons aussi ouvert des services qui accueillent les 16 à 21 ans. Elles sont logées et apprennent à se prendre en charge : tenir un logement, cuisiner, travailler, se soigner, gérer les relations avec les autres… et nous aimons beaucoup faire la fête dans les établissements !

Une fois l’accompagnement terminé, la maison reste la famille des jeunes femmes qui ont été hébergées.

Pour les situations d’urgence, nous avons aussi ouvert des places hivernales pour des femmes avec enfants et des femmes isolées.

La Maison des Marraines pour des jeunes filles autonomes qui peuvent et veulent s'en sortir rapidement vers une formation ou un métier

Crama Trouillot du Boÿs, fondatrice et présidente du fonds de dotation Imapala Avenir, pour le projet La Maison des Marraines

La Maison des Marraines accueille depuis deux ans des jeunes femmes sans enfant, issues de l’ASE. A 18 ans, elles n’ont plus de dispositif d’accompagnement, sauf la Garantie Jeunes dans certains départements. La Maison des Marraines assure la continuité du parcours pour empêcher le passage à la rue. Nous hébergeons aussi des jeunes en très grande souffrance, victimes de violences, qui ne viennent pas de l’ASE.

La Maison des Marraines propose à ces jeunes de 18 à 25 ans un hébergement de 3 mois renouvelables, avec un accompagnement social et professionnel. La Maison des Marraines s’adresse donc à des jeunes autonomes qui peuvent et veulent s’en sortir rapidement vers une formation ou un métier.

5 Maisons des Marraines sont ouvertes depuis 2018, 3 en Ile-de-France et 2 dans les Hauts-de-France. Elles hébergent 75 personnes.

Notre partenaire l’AFPA (Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes) met à notre disposition des logements vacants. La jeune fille bénéficie de l’ensemble des services de l’AFPA : cantine, formation professionnelle, accompagnement social. Un accompagnement renforcé vers l’emploi ou la formation professionnelle est assuré soit par L’Ecole de la Deuxième Chance en Ile-de-France, soit par les missions locales dans les Hauts-de-France.

Nous proposons également l’accompagnement d’une marraine « hors les murs », extérieure au dispositif, qui va aider la jeune fille à créer du lien social. Pendant le confinement, les jeunes se sont retrouvées toutes seules dans leur chambre, sans lien social. Ce lien de la marraine leur a permis de tenir dans l’isolement.

Justin Vaïsse : « L’édition 2020 du Forum de Paris sur la Paix a permis de progresser sur certains sujets majeurs »

Visioconférence le 8 février 2021

 

Du 11 au 13 novembre 2020, le Forum de Paris sur la Paix a rassemblé (via une plateforme numérique) plus de 12 000 participants représentant 174 nationalités. Avec quels objectifs et pour quels résultats ? Justin Vaïsse, son fondateur et directeur général, relate la genèse, les méthodes et les actions menées par cet organisme indépendant de gouvernance mondiale.

Le Forum de la Paix est né en 2018 d’une contradiction. De plus en plus de défis et problèmes communs ignorent les frontières : le climat, la santé, la corruption, la gestion des flux migratoires… Mais la coopération internationale décroît : l’ONU est de moins en moins efficace, la montée des populismes fait reculer le multilatéralisme… Les besoins de coopération croissent mais les moyens qui y sont consacrés diminuent.

Restaurer une gouvernance mondiale

L’ambition du Forum de Paris est de consolider les piliers de la paix. Il réunit chaque année les Etats et tous les acteurs de la société civile : ONG, associations, universités, experts, fondations, syndicats…  Il est

  • une rencontre pour avancer sur la coordination internationale : 6000 participants en 2018, plus de 12 000 en 2020 et 174 nationalités représentées ;
  • un acteur qui accompagne des projets sélectionnés : ils apportent des solutions dans les domaines du développement, des nouvelles technologies, de l’économie inclusive, de l’éducation, la culture… 100 projets sont choisis chaque année sur 800 candidatures venues du monde entier. 10 projets font l’objet d’un suivi particulier par le Scale-up Committee.
Deux grands domaines d’action
  • La gestion des espaces communs : l’espace, les océans, les pôles, le climat, la biodiversité, l’espace numérique…
  • L’apport de solutions concrètes aux problèmes communs : migrations, commerce…

La première édition a eu lieu le 11 novembre 2018. L’édition 2020 s’est déroulée via une plateforme numérique ; elle a permis de progresser sur certains sujets majeurs.

  • La distribution des vaccins, déclarés bien public mondial. Toutes les parties prenantes étaient présentes : les Etats, le Wellcome Trust britannique, la fondation Gates, le Gavi (l’Alliance du Vaccin), des laboratoires, le Serum Institute of India (plus gros producteur mondial de vaccins)… Ce fut un moment important pour faire avancer le dispositif de distribution des vaccins (COVAX) et freiner le nationalisme vaccinal.
  • La première rencontre des banques publiques de développement : 400 banques étaient présentes, qui représentent environ 10 % de l’investissement mondial. Elles ont notamment pris des engagements climatiques et sur la santé.
  • Lancement d’une réflexion sur le monde post-covid avec des Etats et le FMI : profiter de la crise pour déboucher sur de nouveaux principes d’action.

En 2021, les questions de santé resteront centrales, ainsi que les questions climatiques : le Forum sera contemporain de la COP26 qui devrait se tenir à Glasgow en novembre.

La gouvernance des espaces communs est aussi d’actualité :

  • la gestion de l’environnement spatial : des centaines de satellites sont lancés chaque année ; il n’existe pas de gouvernance de l’espace ;
  • l’espace numérique doit être régulé : les plateformes créent des dommages à la démocratie, aux ressources fiscales des Etats, au partage des données individuelles et collectives.

Fondateur et Directeur général du Forum de Paris sur la Paix, Justin Vaïsse a dirigé le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Ministère des Affaires étrangères français pendant six ans, de 2013 à 2019. Auparavant, il était directeur de recherche à la Brookings Institution de Washington (2007-2013) où il travaillait notamment sur les relations transatlantiques et la politique étrangère européenne. Historien spécialiste des Etats-Unis et des relations internationales, il a notamment enseigné à Sciences Po et à SAIS (Johns Hopkins University). Justin Vaïsse est l’auteur de nombreux articles et d’une dizaine d’ouvrages traduits en plusieurs langues. 

Le Forum de la Paix est une association fondée par 10 organisations du Nord et du Sud qui en dessinent la trajectoire, dont 4 françaises : l’Ifri, Sciences Po, l’Institut Montaigne, le Quai d’Orsay. Le budget annuel s’élève 6 millions €. Des fondations partenaires du Forum assument 45 % de ce budget : fondations américaines, allemandes, fondation Calouste Gulbenkian, fondation Chanel… 8 % du budget provient du ministère des Affaires étrangères.

L’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés – Un cas d’école : les Plombiers du Numérique

Les Plombiers du Numérique :

l’insertion des jeunes non qualifiés, un cas d’école

Visioconférence le 1er février 2021
animée par Florian du Boÿs, fondateur du fonds de dotation Impala Avenir et des Plombiers du Numérique 

Plus d’un million de jeunes en France étaient considérés comme NEET (Not in Education, Employment or Training) avant la crise du covid-19. La situation s’est encore aggravée. Les politiques d’insertion se sont multipliées depuis 40 ans, avec peu d’efficacité. En quoi innovent les Plombiers du Numérique, formation par le geste non diplômante ?
Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises rattaché au ministère du Travail, Nadège Vezinat et Nicolas Duvoux, sociologues spécialistes de la pauvreté en France apportent leurs points de vue. Alain Le Mell, Secrétaire général de l’association Impala Avenir Développement, expose les spécificités des Plombiers du Numérique.

Les Plombiers du Numérique reposent sur trois piliers : une formation par le geste non diplômante, en entreprise, avec accompagnement social

Alain Le Mell, Secrétaire général de l’association Impala Avenir Développement

Les Plombiers du Numérique, ce sont 18 écoles ouvertes depuis 2017 ; 3 sur le métier de technicien data center, 15 dans le secteur de la fibre optique. Le taux de sortie positive (jeunes en emploi à l’issue de la formation) s’élève à 70 %.

Ce dispositif d’insertion pour les jeunes actifs non occupés repose sur 3 piliers :

  1. un dispositif court (3 à 4 mois) avec accompagnement social pour placer les jeunes dans des conditions favorables à une formation ;
  2. une formation par le geste pré-qualifiante non diplômante dans des métiers du futur : la fibre optique, les data centers ; pas de notes ni de diplôme, on délivre une attestation de compétences ;
  3. les jeunes suivent des stages en entreprise, la plupart ne connaissant ni les métiers ni le monde de l’entreprise.

 

 

Les écoles fédèrent un ensemble d’acteurs sur chaque territoire ; l’association Impala Avenir Développement assure l’ingénierie du projet.

  • Les partenaires industriels prennent les jeunes en stage.
  • Les mécènes financent les plateaux techniques (60 à 80 000 € pour chaque école) : financeurs publics, fonds de dotation Impala Avenir, collectivités locales.
  • Les opérateurs de compétences (OPCO) financent la formation professionnelle.
  • Les porteurs de projet, acteurs de l’insertion, accompagnent les jeunes : les Apprentis d’Auteuil, les Ecoles de la Deuxième Chance…

L’espoir est mobilisateur

Nadège Vezinat, Maître de conférences (URCA-Regards), sociologue de l’action publique

Les interviews des stagiaires mettent en valeur les caractéristiques et les bénéfices de la formation.

  • Le rapport au geste est très positif : il se différencie de mauvais souvenirs scolaires.
  • La formation est courte mais les jeunes la vivent comme longue : ils ont souvent enchaîné des stages d’observation d’une semaine. 4 mois sur une même thématique, dans une dynamique de groupe (8 jeunes sont formés ensemble) contribue à les stabiliser.
  • Les perspectives d’emploi sont réelles. Des entreprises les accueillent, ils sont considérés : c’est déterminant. L’espoir est mobilisateur.

Le rôle des prescripteurs est essentiel pour que le jeune atterrisse dans le bon dispositif qui lui fournit une réponse globale personnalisée : logement, mobilité (permis de conduire), santé…

Dispositifs d’insertion et entreprises se rencontrent rarement. L’association Impala Avenir Développement est un médiateur actif.

L’école des Plombiers du Numérique met la société française face à ses contradictions

Nicolas Duvoux, Professeur en sociologie, Philanthropy & Social Sciences Program (PSSP)

Il existe en France un foisonnement d’initiatives d’insertion autour de deux politiques.

  • La formation professionnelle et continue s’adresse d’abord aux salariés en emploi. Elle se coule dans un moule scolaire, donc non adapté aux jeunes décrocheurs. Les Plombiers du Numérique les font entrer directement dans le concret, auprès d’employeurs.
  • Depuis 40 ans, les politiques d’insertion sont destinées à ramener les gens vers la société, en levant des freins périphériques. Mais elles sont souvent déconnectées du monde de l’entreprise.

Le dispositif des Plombiers du Numérique met la société française face à ses contradictions :

  • l’école fonctionne à la reproduction sociale, le lien est fort entre origine sociale et obtention de diplômes ;
  • le poids des diplômes est très important dans les parcours de vie, le lien est fort entre formation initiale et statut d’emploi.

Aider des personnes à développer leur potentiel mais aussi sensibiliser les entreprises, la société à l’inclusion

Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises rattaché au Ministère du Travail

Chaque jeune a sa situation particulière, son histoire particulière, sur son territoire particulier. Il faut orienter et coordonner tous les dispositifs vers les besoins du jeune : d’où le portail 1jeune1solution.

Le plan 1jeune1solution s’appuie sur plusieurs leviers.

  1. Aider financièrement les employeurs à recruter des jeunes.
  2. Réformer la formation professionnelle pour la réorienter vers ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d’emploi et les NEETs. 200 000 formations supplémentaires sont financées en 2021.
  3. Promouvoir le service civique : les jeunes s’y sentent utiles et entendus ; ils y développent leurs compétences.
  4. Repenser l’accompagnement pour tous les jeunes qui cherchent un emploi.

Il sera nécessaire de mesurer l’impact et l’adéquation aux besoins des jeunes de toutes ces offres de services.

Le service public de l’insertion connecte les conseillers d’insertion avec les offres d’emploi sur leur territoire. 2 500 contrats de travail ont été signés la semaine dernière.

Le rôle des fondations dans l’inclusion est important :

  • elles innovent, proposent une nouvelle approche ; pour changer d’échelle, il faut une hybridation avec la ressource publique.
  • Il serait intéressant que les fondations travaillent plus sur l’ingénierie que sur des projets, par exemple sur les coopérations. On a tendance à valoriser l’idée plus que l’impact.
  • Utiliser la dimension open source : ce qui est réalisé par les Plombiers du Numérique peut être répliqué par d’autres structures. Comment unir les forces et mutualiser ?

L’inclusion, c’est réconcilier la dimension humaine avec la performance économique ; c’est aider des personnes à développer leur potentiel mais aussi sensibiliser les entreprises, la société à l’inclusion.

Il faut lever les freins posés par l’héritage culturel de la « diplômite » dans notre monde moins linéaire, où savoir s’adapter est essentiel. Qui sont les personnes, quelles sont leurs compétences ? Ce sont les données intéressantes.

Pour en savoir plus : L’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés – Un cas d’école,
par Nadège Vezinat et Nicolas Duvoux.

Sophie Cluzel : « Ce qui m’anime, c’est que l’on puisse regarder la personne en situation de handicap
avec une présomption de compétence sur ses choix de vie »

Visioconférence le 11 janvier 2021

Droits au logement, scolarisation en milieu ordinaire, l’emploi, la parentalité…  Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées, mène de front tous ces enjeux d’inclusion. La France progresse à grands pas pour que la personne en situation de handicap soit considérée comme un.e citoyen.ne à part entière et non plus seulement comme un sujet de soins.

J’ai quatre enfants dont la dernière est porteuse de trisomie 21 : c’est la source de mon engagement auprès des personnes en situation de handicap. Dans un premier temps, j’ai choisi de travailler dans des collectifs et fédérations d’associations d’aide aux personnes en situation de handicap car ensemble, nous sommes plus forts. Mon combat est l’accueil à la crèche du quartier, à l’école du quartier, à l’entreprise à côté de chez soi : c’est ainsi que nous faisons monter le degré d’acceptation de la différence.

La loi fondatrice sur la citoyenneté des personnes handicapées et l’égalité des chances date de 2005 : les personnes handicapées sont des citoyens à part entière et non plus des sujets de soins.

Je suis passée de la vie associative à la vie politique en rencontrant le candidat Emmanuel Macron, avec lequel je partage le même regard sur l’inclusion des personnes en situation de handicap : elles sont d’abord et avant tout des citoyens, avec des besoins spécifiques. Pendant des années, elles n’avaient pour seule solution que les établissements médico-sociaux. Depuis 1977, l’Italie a fermé ses établissements médico-sociaux et les enfants en situation de handicap sont scolarisés dans les écoles publiques. Même évolution en Espagne… La désinstitutionalisation a été un vrai mouvement dans les années 1980-90.

En France, par délégation de service public, les grandes associations ont pris soin des personnes en situation de handicap et les ont protégées mais nous n’avons pas encore totalement infléchi la bascule vers une complète diversité de choix de vie. Changement de paradigme politique, mon Secrétariat d’Etat est rattaché au Premier Ministre et non au ministère de la Santé : tous les ministères sont engagés dans cette politique publique des droits des personnes en situation de handicap.

Mère de quatre enfants, dont une fille trisomique, Sophie Cluzel s’engage en 1998 dans le militantisme associatif en faveur du handicap. Elle fonde et préside différentes associations de scolarisation d’enfants handicapés. Elle a été en particulier présidente de la FNASEPH (Fédération Nationale des Associations au Service des Élèves Présentant une Situation de Handicap).

Elle a été administratrice de l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) entre 2011 et 2013. A ce titre, en janvier 2012, elle organise le premier Grenelle de l’intégration des jeunes handicapés dans la société, où près de 50 associations locales ou nationales rédigent une plateforme de mesures qui sont transmises aux candidats à l’élection présidentielle.

Le 17 mai 2017, Sophie Cluzel a été nommée Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées.

Simplifier l’accès aux droits

Mon action est basée sur la simplification de l’accès aux droits, en coordination avec les départements qui sont chefs de file des politiques de solidarité : ils gèrent les guichets d’accès aux droits créés par la loi de 2005, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées. Les résultats sont très inéquitables sur le territoire. J’ai lancé une feuille de route et un baromètre en octobre 2020 qui visent à améliorer rapidement le service rendu aux personnes.

Depuis 2019, de nombreuses personnes handicapées bénéficient de l’octroi de droits à vie, sans obligation de les renouveler en déposant un dossier tous les 3 ans. A présent, les personnes handicapées majeures protégées sous tutelle ont le droit de voter, de se marier et se soigner, sans en référer au juge de tutelle. J’ai également affirmé le droit à la parentalité pour les personnes en situation de handicap avec une aide spécifique ouverte depuis le 1er janvier.

Sous l’égide du Président de la République, le 11 février 2019 s’est tenue la grande conférence nationale sur le handicap, priorité du quinquennat pour accompagner les personnes handicapées dans leurs choix de vie : habitat, scolarisation, travail.

Droit au logement : beaucoup de projets d’habitat inclusif

Les personnes en situation de handicap peuvent choisir entre l’habitat collectif et vivre seules. Un “entre-deux” émerge avec l’habitat inclusif : la colocation de 5 à 8 personnes avec un service d’accompagnement inconditionnel. C’est un apprentissage à l’autonomie, qui s’effectue au cœur des villes : un vrai sujet de transformation sociétale.

Scolariser en milieu ordinaire

L’école inclusive est en marche et nous devons encore avancer en ce qui concerne la pédagogie adaptée et les moyens humains déployés. Il faut ouvrir la porte aux orthophonistes, aux rééducateurs… Des maternelles accueillent des enfants autistes très encadrés, avec beaucoup de personnel médico-social en appui.

Nous sommes dans un temps de transformation : 80 000 enfants sont encore scolarisés dans les établissements médico-sociaux. L’Education Nationale a fait un bond en avant colossal mais il existe encore des réticences quand l’école se considère incompétente en raison du manque de formation sur la pédagogie adaptée.

La première classe d’Ile-de-France pour enfants polyhandicapés, qui sont les invisibles de la République, est ouverte depuis septembre 2020 dans un village des Yvelines. 6 enfants apprennent au milieu des autres.

Droit à l’emploi : accompagner pour rendre autonome

Emplois protégés, emplois dans les entreprises adaptées, emplois accompagnés en milieu ordinaire : en France, nous avons des dispositifs d’accompagnement très variés. Mais les personnes sont en permanence en rupture de parcours à cause du silotage des politiques publiques. En 2017, nous avons hérité d’un empilement de politiques très spécialisées, qu’il faut à présent simplifier pour sécuriser les parcours.

Un manifeste pour l’inclusion a été signé en 2019 par des entreprises du CAC40, qui s’engagent sur des objectifs très précis. Je crois qu’on ne progresse que sur ce qui se mesure : il faudrait disposer d’un baromètre de l’emploi pour connaître le taux d’emploi direct des personnes en situation de handicap dans les entreprises. Aujourd’hui, les personnes handicapées représentent seulement 3, 7 % des effectifs des entreprises privées ; les entreprises publiques atteignent presque le taux de 6 %.

Je suis favorable à l’accompagnement de l’entreprise plutôt qu’à de nouvelles mesures coercitives : mettre à disposition du matériel, comme des claviers en braille, développer le job coaching qui est gratuit pour les entreprises, améliorer le sourcing des personnes handicapées.

Le DuoDay est un vrai levier de changement de regard, qui lève également l’autocensure des personnes handicapées : une personne handicapée travaille avec une autre personne pendant une journée. Près  de 10 000 duos se sont constitués le 19 novembre 2020. Deux éditions auront lieu en 2021, en mai et en novembre.

Le monde du handicap a démontré une résilience très importante durant cette crise : la fabrication des masques a été lancée par les consortiums d’entreprises adaptées. Les personnes  en situation de handicap sont très volontaires et performantes sur les adaptations, contrairement aux idées reçues. Elles peuvent devenir autonomes parce que bien accompagnées. Ce qui m’anime, c’est que l’on puisse regarder la personne en situation de handicap avec une présomption de compétence sur ses choix de vie et sa volonté de vivre au milieu des autres, comme les autres.

 

Comment susciter l’engagement pour une société plus durable et inclusive ?

Dans un contexte de crise sanitaire, sociale et politique, 73 % des jeunes considèrent cependant que la vie qu’ils mènent correspond à leurs attentes et 74 % d’entre eux sont confiants dans leur propre avenir*. Beaucoup ont envie de s’engager pour transformer la société mais ils ont souvent besoin d’être accompagnés pour passer à l’action.
Trois associations ont présenté aux membres d’Un Esprit de Famille le 8 décembre 2020 leurs différents programmes et outils pour inciter les jeunes et moins jeunes à s’engager, pour que leur enthousiasme se transforme en projets concrets à impact social et/ou environnemental.

Baromètre annuel “Jeunesse&Confiance” publié par VersLeHaut, le think tank dédié aux jeunes et à l’éducation

Unis-Cité, pionnier du service civique

Marie Trellu-Kane, cofondatrice et présidente exécutive d’Unis-Cité : il manquait à l’éducation des jeunes une étape d’engagement citoyen sur le terrain ; une étape de rencontres et de brassage, qui toucherait idéalement toute une classe d’âge.

Des fonds privés ont permis le développement d’Unis-Cité. Nous avons mené des actions de plaidoyer pour convaincre les pouvoirs publics, avec des données sur l’impact à l’appui : les jeunes qui ont fait leur service civique rebondissent davantage et mieux dans le monde professionnel ; ils prennent confiance en eux ; certains expriment, que, pour la première fois, ils se sentent français. Le service civique bénéficie depuis 2010 d’un cadre législatif. L’indemnité (demi-SMIC) est prise en charge par l’Etat en grande partie.

Quel est le rôle d’Unis-Cité depuis que le service civique est un dispositif public ?

  1. Nous avons gardé notre modèle historique d’engagement sur 9 mois en équipe, avec une grande mixité sociale. Nos processus de recrutement misent sur la diversité, par exemple en incluant 6 % de jeunes en situation de handicap. Nous accueillons 5000 jeunes chaque année.
  2. Qu’est-ce que des jeunes non professionnels peuvent réaliser pour la société ? Nous expérimentons, nous avons un rôle de laboratoire de projets sociaux : éduquer aux écogestes, soulager des familles avec des enfants en situation de handicap, sortir de leur isolement des personnes âgées…
  3. Nous agissons pour le développement du service civique par du plaidoyer et en menant des actions de formation. Une classe d’âge ayant 800 000 jeunes, la marge de progression est importante !

Nous proposons aux jeunes de nombreux programmes. Par exemple, des jeunes présents depuis plus d’un an sur le territoire avec le statut de réfugié peuvent participer au programme VolontR, qui vise à accélérer l’intégration culturelle, sociale et professionnelle des jeunes réfugiés allophones de 18 à 25 ans, via une mission dans la mixité. 3000 jeunes refugiés dans les équipes profitent ainsi d’une intégration très forte et rapide.

Les jeunes peuvent bénéficier du programme Rêve et Réalise, mené en partenariat avec le fonds de dotation Entreprendre et + : ils imaginent eux-mêmes où ils veulent agir, ce qu’ils ont envie de changer. Leur projet peut devenir une entreprise sociale.

Enactus : innover et entreprendre en équipe au service de la société

Mélanie Sueur Sy, directrice générale d’Enactus et Benjamin Rolland, directeur d’Enactus Organisation.

Avoir 20 ans aujourd’hui, c’est souvent vivre dans un studio ou chez ses parents, galérer dans sa recherche de stage ou de premier emploi, étudier à distance, réduire sa vie sociale, ses activités sportives, renoncer à découvrir le monde… Pourtant, les jeunes veulent s’engager avec un sentiment d’urgence pour plus de justice sociale, pour la transition écologique… mais beaucoup ne le font pas, faute d’accompagnement. Nous essayons de donner à chacun confiance en sa capacité d’agir. Nous accompagnons des lycéens, des étudiants, des professionnels à passer à l’action, à développer leurs compétences pour innover et entreprendre au service de la société.

Créé aux Etats-Unis il y a 45 ans, Enactus accompagne chaque année 72 000 jeunes  dans 37 pays. Le parti pris d’Enactus est d’agir au sein des institutions, de faire évoluer les pratiques pédagogiques de l’intérieur.

  1. Enactus Lycéens : ce parcours est coconstruit avec l’Education nationale. 12 ateliers dans l’année sont organisés pour concevoir un projet à impact social et environnemental. Exemple : le lycée professionnel Camille Claudel à Mantes-la-Ville a mis en œuvre l’application Handiapp pour permettre à des personnes à mobilité réduite d’identifier et s’inscrire à des activités sportives adaptées. Les enseignants considèrent que le parcours d’Enactus a un impact très positif sur la scolarité des lycéens.
  2. Enactus étudiants: nous proposons un parcours de 10 mois personnalisé pour générer des projets qui ont un impact social ou environnemental. Ces jeunes développent confiance en eux et compétences professionnelles. Parfois, ils créent leur entreprise sociale : par exemple, Lunettes de ZAC recycle des lunettes usagées pour produire des lunettes à bas coût.
  3. Enactus Organisations vise les professionnels et organisations. Comment permettre aux collaborateurs d’une entreprise de s’engager dans une dynamique porteuse de sens ? Enactus outille également des organisations existantes par des formations de formateurs, la conception d’une semaine de sensibilisation à l’emploi social…

Nous sommes tous reliés par la même raison d’être et des convictions.

  • Passer à l’action: nous sommes des spécialistes de la pédagogie par l’expérience.
  • Entreprendre en équipe : nous privilégions une expérience collective et formons à la posture collaborative.
  • Lier et réconcilier l’économie et le social.
Makesense, fabrique de communautés citoyennes

Alizée Lozac’hmeur, co-fondatrice et directrice de Makesense : depuis 10 ans, Makesense propose des programmes de mobilisation collective et donne des outils pour que chacun.e s’engage au profit d’une société plus durable et inclusive. Nous nous adressons à trois publics :

  • les jeunes de 18 à 30 ans : 200 000 dans le monde ont déjà bénéficié de nos programmes,
  • les porteur.ses de projets à impact social et environnemental,
  • les collaborateur.trices qui souhaitent contribuer à la transformation de leur entreprise.

Je voudrais partager avec vous deux notions sur lesquelles nous travaillons beaucoup.

  • Le parcours d’engagement : chacun.e arrive chez Maksense avec une trajectoire et un niveau d’engagement différents. Nous lui apportons des outils et des expériences pour qu’il.elle passe des étapes : prendre conscience des problèmes, se sentir concerné.e, identifier des solutions concrètes, aider des porteur.ses de projets dans leur développement, mobiliser d’autres personnes autour de soi pour un effet “boule de neige”.
  • Des communautés dans une centaine de villes dans le monde organisent des événements, des ateliers, des programmes pour mobiliser des personnes. Le ciment est la communauté, les gens avec lesquels on a envie d’agir : Makesense est une fabrique de communautés citoyennes. Les différents programmes s’articulent autour des objectifs s’éveiller et se former, s’engager, soutenir des projets, se rassembler.

Nos trois enjeux aujourd’hui sont :

  • nous faire connaître pour mobiliser toujours plus de jeunes,
  • former des mobilisateurs pour accompagner toutes ces jeunes ;
  • digitaliser pour un parcours fluide ; notre vraie ambition est toujours le digital au service de la rencontre et de la création de communautés.
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Un Esprit de Famille
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