Soutenir les femmes en détresse

 Philanthropes en action #9

Aider les femmes victimes de précarité, de violences ou d’accidents de la vie à se reconstruire.

avec Danielle et Patrick de Giovanni, fondateurs de DAPAT

 

Dans tous les pays du monde, les femmes sont particulièrement exposées à diverses formes de vulnérabilités.

La précarité économique les touche de plein fouet, les rendant plus fragiles face aux violences et aux accidents de la vie. En outre, les inégalités salariales et les difficultés d’accès à un emploi stable constituent des facteurs aggravants.

Par ailleurs, les violences faites aux femmes sont aussi un fléau majeur comme en témoignent les chiffres. En 2022, environ 230 000 femmes âgées de 18 ans et plus ont été victimes de viols, tentatives de viol ou agressions sexuelles en France. Les violences conjugales sont également alarmantes, avec 172 000 femmes déclarant en avoir été victimes.

Les maladies graves ou les accidents domestiques peuvent également fragiliser les femmes, entraînant une perte de revenus, une dégradation de la santé mentale et physique, et souvent l’éclatement du couple.

Face à ces situations diverses, fondations, associations et pouvoirs publics doivent collaborer pour mettre en place des dispositifs d’accompagnement adaptés, et ainsi aider les femmes à retrouver confiance en elles et à reconstruire leur vie.

C’est le choix qu’ont fait Danielle et Patrick de Giovanni en créant le fonds de dotation DAPAT.

    Qu’est-ce qui vous amenés l’un et l’autre à vous engager dans la philanthropie ?

    Nous étions déjà engagés l’un et l’autre avant de nous connaitre et de décider de vivre ensemble, il y a huit ans.

    Danielle a beaucoup agi pour la promotion des femmes dans l’économie, l’environnement et le coaching d’entrepreneurs, et Patrick dans l’aide aux créateurs d’entreprise, l’investissement à impact, la précarité et l’aide alimentaire.

    Tous les deux, nous avions la volonté de donner une partie de ce que la vie nous avait apporté en matière de compétences, expériences et biens matériels.

    Tout naturellement nous avons développé un projet commun avec l’ambition de créer une structure durable ayant un impact significatif et surtout de nous y impliquer totalement.

    C’est pourquoi, en mars 2020, nous avons créé DAPAT (DAnielle, PATrick), un fonds de dotation, doté de capitaux importants (plus de 14M€) afin que les placements financiers produisent durablement de quoi alimenter un budget annuel de 1M€.

    Pourquoi avoir choisi l’aide aux femmes en détresse comme axe de votre fonds de dotation ?

      Nous avons conjugué deux de nos sensibilités : la précarité et les femmes. Nous les avons naturellement élargies à toutes les causes de détresse : précarité, violences, migrations, maladies et accidents de la vie.

      Toutes ces causes ont en commun les chocs traumatiques vécus par ces femmes, ainsi que la plupart du temps l’isolement social et les difficultés économiques.

      Nous avons choisi de nous concentrer sur la réparation, c’est-à-dire l’accompagnement de ces femmes victimes sur un parcours de reconstruction et de réinsertion sociale et économique aussi complet que possible.

      Photo : La Halle Fontenaysienne

      DAPAT s’appuie sur les associations qui agissent directement au bénéfice de femmes en détresse. Que faites-vous précisément ? 

      Nos compétences et nos expériences d’accompagnement d’entrepreneurs nous ont naturellement conduits à adopter une stratégie visant à accompagner les entrepreneurs sociaux à développer leurs associations pour avoir un impact maximal.

      Notre premier objectif a été d’identifier et d’entrer en relation avec toutes les associations sur le territoire métropolitain.

      Nous avons démarré par un travail de recherche qui s’est révélé laborieux avec à peine une centaine d’associations identifiées.  C’est pourquoi nous avons lancé, dès 2021, les Prix DAPAT qui récompensent les associations ayant fait les actions les plus remarquables l’année précédente.

      A chaque édition, neuf lauréats reçoivent chacun un prix de 10 000 euros et un grand gagnant un prix de 15 000 euros. En outre, la SMLH (Société des Membres De la Légion d’Honneur) remet une médaille à cinq associations en reconnaissance de leurs actions au bénéfice de femmes en détresse.

      Nous en sommes à la 4è édition avec plus de 200 associations candidates (au total 350 associations différentes en 4 éditions).

      Ceci témoigne de la richesse mais aussi la faible visibilité du tissu social au service des femmes en détresse et ce, dans toutes les régions. Cette richesse montre aussi l’ampleur des problèmes adressés par ces associations et l’utilité de notre démarche.
      La remise des prix se fait lors d’une cérémonie qui réunit 500 personnes. La prochaine est le 24 mars 2025 au théâtre du rond-point à Paris.

      Notre deuxième objectif est de nouer des contacts privilégiés avec certaines associations et de les accompagner pour les aider à faire plus et mieux (aider plus de femmes et leur offrir des parcours de reconstruction plus riches et plus complets).

      Pour atteindre cet objectif, nous agissons à trois niveaux :

      1. Le fonds de dotation DAPAT 

      DAPAT accompagne des associations :

      • Soit sur des projets de développement dans des partenariats durables d’au moins trois à cinq ans. Ces projets concernent par exemple :
        – L’ouverture d’une maison d’accueil de jour de femmes SDF avec enfants.
        – Le lancement d’un programme d’éducation par les pairs (peer to peer) à la santé sexuelle et affective de femmes des quartiers nord de Marseille.
        – L’essaimage et le développement géographique d’une activité d’insertion économique pour des femmes voulant sortir de la prostitution.
        Au-delà des contributions financières, DAPAT participe activement à la vie des associations en interaction avec ses dirigeants et, le cas échéant, attire d’autres mécènes à accompagner l’association dans la durée.
      • Soit pour un soutien financier ponctuel permettant de réaliser un investissement, matériel ou immatériel, bénéficiant directement aux femmes accompagnées (6-8 soutiens par an).

      Ces soutiens sont réservés à des associations que nous connaissons bien et dont nous apprécions particulièrement l’action.

      2. La société Financière Sociale DAPAT

      Créée il y a deux ans avec un capital de 2 millions d’euros, cette filiale du fonds de dotation DAPAT apporte des solutions aux besoins de locaux des associations. Celles-ci ont, en effet, beaucoup de difficultés pour disposer durablement de locaux adaptés à leurs besoins et dans des conditions économiques adaptées à leurs moyens.

      C’est un outil de finance sociale au service de l’action philanthropique du Fonds de Dotation DAPAT.

      La foncière Sociale DAPAT acquiert des biens immobiliers choisis par les associations (donc adaptés à leurs besoins) et leur loue avec des baux de longue durée (18-20 ans) et dans des conditions économiques favorables.

      Les associations peuvent ainsi faire des travaux et avoir le temps de les amortir dans la durée. Elles bénéficient en outre d’une option d’achat exerçable à tout moment dans des conditions économiques prédéfinies.

      Les premières opérations réalisées concernent par exemple :

      • L’ouverture d’une maison d’hébergement d’urgence de femmes victimes de violences dans la ruralité.
      • Un entrepôt permettant le triplement des surfaces de stockage disponible pour les biens matériels (mobilier et équipement de la maison) de femmes victimes de violences devant quitter leur domicile d’urgence.

      L’objectif de la Foncière Sociale DAPAT est d’avoir un impact structurant sur le tissu associatif au service des femmes en détresse. Concrètement, il s’agit de faire en 5 ans, 30 à 40 opérations, pour un montant global de 15-20 millions d’euros.

      Pour ce faire, il faut disposer de bien plus que 2 millions d’euros. C’est pourquoi nous sommes actuellement en levée de fonds (10 millions d’euros pour ce programme) auprès d’investisseurs financiers désireux d’avoir un impact social clair et significatif.

      3. L’association DAPAT Tisseurs de Liens

      Cette association, que nous venons de créer, veut rassembler des associations agissant pour les femmes en détresse, qui souhaitent partager et s’enrichir mutuellement de leurs expériences, mais aussi des événements que nous organisons, pour leur apporter des informations et des savoir-faire.

      L’objectif principal de cette démarche est de permettre aux associations de sortir de leur isolement et de disposer des compétences et des réseaux pour progresser dans leur développement et leur efficacité.

      Comment êtes-vous organisés pour réaliser tout cela ?

        Tous les deux nous avons des compétences et des savoir-faire communs et en même temps, nous sommes très différents. C’est une très grande force d’être deux et complémentaires. De ce fait nous nous sommes répartis les rôles.

        • Danielle gère plus particulièrement le recrutement des bénévoles, la communication, l’organisation d’évènements et l’association DAPAT Tisseurs de Liens.
        • Patrick gère le Fonds de Dotation DAPAT, son activité de projets (partenariats et soutiens financiers) et la Foncière Sociale DAPAT.

        Grâce au réseau de Danielle, nous avons constitué une équipe de bénévoles de plus de cinquante personnes pour la gouvernance des structures, les relations avec les associations et l’organisation des évènements.

        En outre, compte tenu du développement très rapide de DAPAT, nous avons constitué une équipe salariée pour structurer notre organisation, à ce jour 3 CDI, 3 apprentis et un service civique.

        Pouvez-vous nous parler de 3 projets coup de coeur ?

        Nos coups de cœur sont d’abord pour des femmes et des hommes, entrepreneurs sociaux. Nos rencontres avec ces dirigeants d’associations sont d’une richesse exceptionnelle, nous nourrissent et nous rendent heureux

        Beaucoup d’associations font un travail formidable et nous touchent profondément et c’est particulièrement le cas pour 3 d’entre elles.

        • Solidarité Femmes Beaujolais accompagne des femmes victimes de violences dans la ruralité du Beaujolais vert (celui des forêts et non celui des vignes). C’est une mission essentielle dans la ruralité qui représente 30% de la population mais 50% des féminicides. Jeune association dirigée de main de maître, elle se développe rapidement en allant à la rencontre des femmes victimes et en élargissant son offre d’accompagnement.

        • La Ferme Emmaüs Baudonne, à Tarnos près de Bayonne, accueille des femmes dites « sous mains de justice » dans les 6 à 18 derniers mois de leurs peines de prison pour préparer leur sortie par la réinsertion sociale et économique dans une ferme agrobiologique. Quand on connait les parcours douloureux de ces femmes, on comprend pourquoi tout type de détresse mérite d’être accompagnée. Cet accompagnement est unique en Europe pour les femmes et permet à la fois d’augmenter les chances de réinsertion et de diminuer le taux de récidive.
        • Women For Women, programme d’éducation de femmes des quartiers nord de Marseille à la santé sexuelle et la vie affective par les pairs. Un groupe de femmes des quartiers suit une formation universitaire diplômante à la faculté d’Aix-Marseille puis transmet ses savoirs à d’autres femmes des quartiers lors d’ateliers pratiques. Ce programme développé par l’équipe de la Maison des Femmes de Marseille Provence a permis à la première promotion de huit étudiantes de transmettre des savoirs acquis à 500 femmes des quartiers nord.

        Quelles valeurs partagez-vous avec Un Esprit de Famille ?

        Des valeurs familiales car notre démarche philanthropique, à l’origine celle de notre couple, a été construite pour y intégrer progressivement nos deux familles (4 enfants et 6 petits enfants). Nous constatons avec plaisir une implication croissante de certains d’entre eux.

        Nous souhaitions échanger, partager et agir avec d’autres philanthropes et nous avons trouvé chez Un Esprit de Famille ces mêmes volontés et l’organisation pour les favoriser, ce qui est très précieux.

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