La sélection des projets soutenus par les fondations fait l’objet de toutes les attentions mais le suivi est parfois le maillon faible… Comment créer des liens efficaces et féconds sur le moyen ou long terme entre fondations et associations soutenues ? Comment les financeurs d’un même projet, souvent dispersés, peuvent-ils participer ensemble à sa construction ?
Table ronde Un Esprit de Famille le 16 octobre 2014
Cet événement a rassemblé deux porteurs de projets et 12 fondations familiales sur le thème de la construction et du suivi des projets.
Du côté des associations : le soutien moral des fondateurs et lien de confiance avec eux est structurant et essentiel
L’association agit :
- auprès des enfants : une démarche pédagogique spécifique leur permet d’exprimer et réaliser leurs idées pour améliorer leur école, leur quartier et, plus largement, la société ;
- auprès des acteurs éducatifs pour les soutenir dans le déploiement de ces démarches innovantes : accompagnement par des programmes d’elearning, interventions dans les écoles de formation de maîtres.
Bâtisseurs de possibles est soutenu par le fonds de dotation familial « Un pied devant l’autre », par les fondations familiales Bettencourt-Schuller, Colam initiative, bientôt Araok et Pierre Bellon pour de nouvelles actions.
Florence Rizzo souligne combien est précieux le lien de confiance avec des fondateurs qui ont été créateurs d’entreprise : ils comprennent la prise de risque et les difficultés du lancement de projets. Elle peut partager avec eux les victoires mais aussi les déceptions, en toute transparence.
L’association veut avoir le plus d’impact social possible mais le reporting nécessaire au suivi de projet peut être très consommateur de temps pour une petite structure. C’est pourquoi Bâtisseurs de possibles a créé un partenariat de recherche avec des universités pour évaluer sur 3 ans l’évolution des compétences non scolaires des élèves.
Florence souligne aussi l’importance du réseau des fondateurs qui permet souvent aux associations qu’ils soutiennent de rencontrer la bonne personne au bon moment, d’où un fort coup d’accélérateur.
Etienne Villemain, Lazare : cette association crée des lieux de vie où cohabitent des jeunes, des familles et des personnes qui étaient sans logement. Ces dernières viennent de la rue, de foyers d’hébergement collectif ou sont hébergées provisoirement à l’hôtel. Si les personnes sans domicile fixe ont besoin d’un toit, elles ont tout autant besoin de relations humaines. 150 personnes aujourd’hui vivent dans les appartements de Lazare à Paris et en régions.
Etienne Villemin développe Lazare en région, notamment à Nantes où s’ouvre une nouvelle maison qui accueille une trentaine d’habitants. Le budget de rénovation du lieu a été beaucoup plus important que prévu et Etienne souligne combien il a apprécié de partager en toute transparence cette « mauvaise » nouvelle avec les fondations qui le soutiennent et co-construisent le projet : Araok, Financière de l’Echiquier…
Le suivi de projets n’est pas seulement une question de chiffres, il est important de tisser des liens entre les partenaires : les fondations visitent les chantiers ou les lieux de vie qui fonctionnent, s’impliquent dans la réalisation des projets et voient ainsi concrètement leur valeur ajoutée. Lazare n’est pas une structure d’insertion et ne s’évalue donc pas au nombre de personnes de la rue qui retournent au travail : la durée d’hébergement est adaptée aux besoins de chacun.
Du côté des fondations : un suivi empirique et des relations humaines fortes dans la durée
Il est difficile de laisser une association après l’avoir soutenue et suivie pendant 2 ou 3 ans : « Nous ne voulons pas mettre les associations sous notre dépendance financière mais ne pouvons les laisser après avoir tissé des liens forts. Nous n’avons pas encore trouvé la solution idéale mais nous les aidons à chercher d’autres structures qui vont les soutenir. » (Fonds de dotation Le Chant des Etoiles).
Le suivi des projets se révèle assez informel ; il se situe au niveau relationnel et peu dans des rapports chiffrés qui sont contraignants pour les fondations comme pour les associations. Les fondateurs demandent aux associations de créer leurs propres outils de suivi, conformes à leur culture.« Nous demandons aux associations de s’engager sur un objectif dans le temps qu’elles ont fixé. Par exemple, une entreprise d’insertion s’est engagée à passer de 6 à 15 stagiaires placés en entreprises « classiques ». Au final elle en placé 20 et cela a eu un impact incroyable sur son développement. » (Fondation Financière de l’Echiquier)
Le suivi des projets est compliqué pour de petites fondations qui ne fonctionnent qu’avec de bénévoles et des structures réduites : « 8 membres de la famille sont impliqués dans la fondation, dont une personne salariée à mi-temps. Nous avons l’objectif de financer 15 projets par an et avons donc très peu de temps pour structurer le suivi des projets. » (Fonds de dotation Après Demain)
Chaque fondation est bien sûr soucieuse d’évaluer son impact social et développe des outils de mesure selon ses possibilités : « En 12 ans d’existence, nous avons soutenu environ 165 projets et continuons à avoir des liens avec 80 porteurs de ces projets. Chaque année, ces porteurs nous remettent un rapport de 15 lignes sur l’évolution des projets. Ce suivi nous permet d’évaluer les actions aux résultats mitigés et celles qui ont atteint leur objectif : les 2/3 se sont bien développées, 5 % ont été des échecs et 30% ont stagné. » (Fondation Agir sa vie)
Pour en savoir plus
Sélectionner les projets, table ronde organisée par Un Esprit de Famille en mai 2014